Locarno, l’écran blanc plutôt que le tapis rouge
Principal rendez-vous du cinéma en Suisse, le Festival international du Film de Locarno aura lieu cette année du 6 au 16 août.
«De Locarno, il ne reste pas un film, il reste le cinéma». Année après année, l’hommage ainsi rendu par le professeur et critique de cinéma italien Gianni Canova peut se vérifier sur la Piazza Grande.
L’an dernier, le Festival international du Film de Locarno fêtait sa 60ème édition. Mais son président Marco Solari avait insisté sur la nécessité d’aller toujours de l’avant. Et de privilégier le dynamisme, la diversité et la découverte.
Trois «D» également à l’honneur le soir de l’ouverture puisque, parallèlement à une rétrospective consacrée à des cinéastes découverts dans le cadre du festival, ses organisateurs avaient programmé un manga futuriste en images… 3D.
La projection de «Vexille», un film d’animation signé Fumihiko Sori, avait même été l’occasion d’étrenner une toute nouvelle cabine de projection haute définition.
Suspense jusqu’à mi-juillet
Une manière d’établir un lien entre passé et avenir et de ne pas déroger au fameux «esprit de Locarno» qui hante et hantera des générations de cinéphiles. Frédéric Maire le premier.
Nommé directeur artistique en 2005, le critique neuchâtelois a été appelé récemment à la tête de la Cinémathèque suisse, dont il prendra les rênes à l’automne 2009. Pour son avant-dernière édition – dont le programme ne sera dévoilé qu’à la mi-juillet -, il se montrera sans doute fidèle à sa volonté de qualité et de continuité.
«Mon travail se situe tout à fait dans la lignée de celui des directeurs qui m’ont précédé à cette place. Avec eux, je partage ce souci de faire du festival un véritable laboratoire du cinéma en mouvement», confiait-il ainsi l’an dernier à swissinfo peu avant le début de l’édition 2007.
Programmation affinée, clarification des sections officielles, celle-ci avait été marquée par un effort global vers une amélioration de la lisibilité du festival. Et ce sont les films chinois et américains qui avaient tenu la vedette sur la Piazza Grande.
Anjelica Houston récompensée
Cette année, les Etats-Unis seront à nouveau à l’honneur, du moins pour ce qui est des prix spéciaux. Le festival a en effet déjà annoncé qu’il remettra son Prix d’excellence le 9 août à Anjelica Huston. L’an dernier, celui-ci avait été remis à l’acteur français Michel Piccoli ainsi qu’à l’actrice espagnole Carmen Maura.
Durant son séjour à Locarno, la fille du cinéaste américain John Huston devrait aussi donner un atelier «masterclass». Dirigée au cours de sa carrière par Elia Kazan, Woody Allen ou Stephen Frears notamment, l’actrice, qui a aussi été mannequin et réalisatrice, figure au générique de «Choke».
Prix spécial du jury au festival américain de Sundance en janvier dernier, ce premier long métrage à l’humour noir est signé Clark Gregg. Il sera projeté en première européenne juste après la remise du prix.
Hommage aux indépendants
Quant au Prix Raimondo Rezzonico – institué en 2002 à la mémoire de celui qui présida le festival pendant près de vingt ans -, il sera remis à une autre figure clé du cinéma américain, la productrice Christine Vachon.
Par cette récompense, le Festival du film de Locarno entend mettre en lumière le travail des grands producteurs du cinéma indépendant américain. «Sans craindre les risques ni la controverse, Christine Vachon a su frayer son chemin en marge de l’industrie hollywoodienne», a souligné à ce propos Frédéric Maire par voie de communiqué.
Christine Vachon a derrière elle une longue collaboration avec le réalisateur américain Todd Haynes. En a notamment découlé «Loin du paradis», nominé aux Oscars en 2003, et «I’m not there» l’an dernier, un voyage à travers la vie et les chansons de Bob Dylan, incarné par six acteurs (dont une actrice) différents.
Pas de tapis rouge
A l’image de ce long-métrage subtil et kaléidoscopique, le 61ème Festival international du Film de Locarno se déclinera une fois de plus en une multitude de films curieux, surprenants et peu conventionnels. Parmi eux assurément «Lezione 21», le premier film de l’écrivain italien Alessandro Baricco.
Et cela toujours sans paillettes, préférant, à l’instar de Frédéric Maire, l’écran blanc au tapis rouge.
Car s’il peut se targuer d’avoir joué un rôle de premier plan pour les premiers films néoréalistes italiens et ceux de la Nouvelle Vague, le festival tessinois a aussi vu émerger le cinéma des pays de l’Est dans les années 60, la 5ème génération de cinéastes chinois ou, plus récemment, le nouveau cinéma iranien et la jeune garde argentine.
Roberto Rossellini, Claude Chabrol, Stanley Kubrick, Jacques Rivette, Paul Verhoeven, Milos Forman, Lucian Pintilie, Alain Tanner, Edward Yang, Fredi M. Murer, Alexandre Sokourov, Abbas Kiarostami, Spike Lee, Hou Hsiao-hsien… Autant de noms inscrits d’abord sur les affiches du festival de Locarno avant qu’ils ne figurent dans les dictionnaires du cinéma mondial.
swissinfo, Carole Wälti
Le Festival international du Film de Locarno a vu le jour en 1946, soit la même année que le Festival de Cannes.
Avec la Mostra de Venise, il fait partie des plus anciens festivals de cinéma du monde.
C’est «O sole mio» de Giacomo Gentilomo qui avait ouvert les projections dans le parc en pente du «Grande Albergo».
La première compétition officielle a eu lieu en 1949, puis régulièrement dès 1958.
Dès 1968 les prix sont nommés «Léopard» (ou abrégé en italien «Pardo»). Avant, les récompenses portaient diverses appellations, par exemple «Voile d’Or».
En 1971, la Piazza Grande devient le lieu principal des projections, ce qui donne une nouvelle impulsion au festival.
Le Festival de Locarno s’est donné pour mission de présenter les nouvelles tendances, les nouveaux courants et cinéastes, tout en promouvant le cinéma d’auteur et de qualité artistique.
La récompense remise à Locarno est le Léopard d’or («Pardo d’Oro»).
Ce prix est doté de 90’000 francs. Le ou la réalisatrice du film et ses producteurs se partagent cette somme.
2007 – «Ai no yokan» (Masahiro Kobayashi), Japon.
2006 – «Das Fräulein» (Andrea Staka), Suisse.
2005 – «Nine lives» (Rodrigo Garcia), Etats-Unis.
2004 – «Private» (Saverio Costanzo), Italie.
2003 – «Khamosh Pani» – « Silent Waters » (Sabiha Sumar), Pakistan.
2002 – «Das Verlangen» (Iain Dilthey), Allemagne.
2001 – «Alla rivoluzione sulla due cavalli» (Maurizio Sciarpa), Italie.
2000 – «Baba» (Shuo Wang), Chine.
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