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Sous les ailes du merveilleux

Dans son dernier livre, Jean-Michel Wissmer emmène le lecteur au Mexique. Jean-Michel Wissmer

Entre roman, essai et carnet de voyage, le dernier livre de l'écrivain suisse Jean-Michel Wissmer ballade le lecteur dans un Mexique qui surprend sans cesse.

L’écrivaine mexicaine Araceli Rico a lu «Emmenez-moi à l’Ange!» pour swissinfo et nous livre son commentaire.

Quand Jean-Baptiste, le personnage central du roman de Jean-Michel Wissmer, arpente, troublé, fasciné, les rues de Mexico, comme électrisé par la ferveur qui règne là, il n’a pas d’autre recours que celui de prononcer cette formule magique: «Emmenez-moi à l’Ange!»

Cette phrase a donné son titre au dernier livre de Jean-Michel Wissmer. Un ouvrage plein d’ironie, qui oscille constamment entre le roman, l’essai et les notes ou le journal de voyage.

«Emmenez-moi à l’Ange!», c’est un parcours à travers un Mexique qui ne cesse de surprendre, d’émerveiller, mais aussi de désespérer, de fatiguer et parfois même de rendre fou celui qui le visite.

Tel un pèlerin, Jean-Baptiste frappe de porte en porte et, lorsque l’une d’elles s’ouvre, il nous fait pénétrer dans le labyrinthe des quartiers populaires, dans une chapelle sublime qui l’émeut, dans des musées à la longue tradition historique et artistique ou encore dans une taverne pittoresque et haute en couleur pour s’offrir un petit verre de… tequila, bien sûr.

Un protestant en extase

A travers son personnage, Jean-Michel Wissmer, écrivain genevois, bon fils de Calvin – est-il besoin de le préciser ? – nous dévoile avec une exquise subtilité la ferveur inconditionnelle des Mexicains pour la Vierge de Guadalupe.

Mais il ne cache pas non plus sa stupéfaction face au jeu macabre avec la mort si enracinée dans cette culture. Il laisse son personnage se perdre dans le flot du trafic, du bruit, de la confusion urbaine, dans le tumulte de tous ces gens que par commodité on appelle «le peuple».

«Emmenez-moi à l’Ange!» est un livre dont les pages sont comme des ailes déployées sous lesquelles la vie mexicaine passe d’un extrême à l’autre.

Rien ne retient la plume de Wissmer qui tente d’expliquer l’inexplicable: la tragédie quotidienne du Mexique, illustrée par de gigantesques manifestations populaires.

Dans la capitale aztèque, certains manifestants vont jusqu’à défiler nus. Il ne s’agit pas là d’une plaisanterie ou d’un ‘happening’. Non, en fait, ce sont des paysans. «Ils défilent à poil pour montrer qu’ils n’ont plus rien», explique tranquillement un cireur de chaussures à Jean-Baptiste.

A la découverte de l’autre

Le héros du roman voyage beaucoup dans cette aventure qui paraît souvent irréelle. Il se promène à pied, en minibus, en voiture, entraîné par son éblouissement, sa fascination pour l’autre et par la quête insatiable de la poétesse baroque Sor Juana Inés de la Cruz qui, tel un ange gardien, guide les pas de ce promeneur infatigable, de ce somnambule qui marche en se frottant les yeux.

«L’Ange, nous dit Jean-Michel Wissmer, est un point stratégique au milieu de l’immense Paseo de la Reforma que les Mexicains considèrent comme leurs Champs-Elysées».

«La statue de l’Ange – une victoire ailée – se trouve sur la colonne du Monument de l’Indépendance. Une couronne de laurier dans la main, il paraît s’envoler à près de cinquante mètres au-dessus de tous les embouteillages […], heureux d’échapper au marasme, dansant un pied levé au milieu des nuages. Heureux Ange!».

Pour Jean-Baptiste, prendre un taxi «sûr» qui le conduise à l’Ange, c’est échapper un instant au chaos, à la moquerie et à l’excès, propres à l’esprit mexicain.

En fin de compte, «Emmenez-moi à l’Ange!» est un livre de révélations, un éclairage sur l’inconnu. C’est le regard attentif et fasciné d’un Européen sur la réalité latino-américaine qui le dépasse, le captive et l’effraie puisqu’il réalise qu’il a atterri dans une autre dimension.

Jean-Michel Wissmer sait très bien, comme Luis Cardoza y Aragón lorsqu’il écrit à André Breton, que «le merveilleux est tissé de la même étoffe que les jours, les secondes et les siècles du Mexique».

Pour cette raison, dans son voyage, il confronte le lecteur à une expérience intellectuelle et spirituelle, mais, aussi et surtout, profondément humaine.

swissinfo, Araceli Rico

«Emmenez-moi à l’Ange! Un journal mexicain», de Jean-Michel Wissmer
Publié aux Editions Bartillat, Paris, 2006

Jean-Michel Wissmer est né à Genève, en 1956.

Docteur en lettres de l’Université de Genève, il a consacré une bonne partie de ses recherches à la littérature coloniale hispano-américaine, et tout particulièrement à l’œuvre de Sor Juana Inés de la Cruz.

Il participe régulièrement à des colloques sur la poétesse mexicaine et a publié plusieurs articles à son sujet.

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