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Tout un ciMENa autour de 100 ans d’obsessions

«We are going to eat you» de Tsui Hark (Hong-Kong,1980) sera projeté lors de la Nuit cannibale. men.ch

Démarche insolite. Pour son Centenaire, le Musée d’ethnographie de Neuchâtel (MEN) s’offre un festival de cinéma sur des thèmes qui lui sont chers.

Parmi eux, la question de la prédation occupe une place de choix puisqu’une «Nuit cannibale» est programmée de samedi à dimanche.

A travers une trentaine de films, le Festival ciMENa revisite les grandes obsessions du musée. Et – ceux qui ont vu quelques-unes de ses expositions le savent déjà – les thèmes abordés par le MEN ne manquent pas de piment.

Loin de l’ethnographie traditionnelle, l’équipe emmenée par Jacques Hainard s’est intéressée ces dernières années à des sujets comme le cannibalisme, le rapport au désir et à l’interdit, l’imaginaire et la représentation de la réalité,…

Etrange critère de sélection

Le Festival ciMENa va dans le même sens. Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à voir des reportages sur la vie quotidienne d’une tribu d’Amazonie.

Olivier Müller (Festival international du film fantastique de Neuchâtel), Yann Laville (collaborateur scientifique MEN) et Grégoire Mayor (assistant à l’Institut d’ethnologie et cinéaste) ont établi la programmation sur la base de ce qu’ils ont appelé «les obsessions du MEN».

Un critère de sélection peu habituel. «C’est une démarche étonnante, puisqu’il ne s’agissait pas de faire une recherche autour d’un auteur ou d’un seul thème. Finalement, on s’est tout permis ou presque», raconte Grégoire Mayor.

Du manga au documentaire

Les trois programmateurs ont pioché aussi bien dans le film fantastique que dans le dessin animé ou le film d’animation (Magnetic Rose, Mondo Mulloy, Millenium Actress), le film de fiction ou le documentaire (Disney Land: mon vieux pays natal, The Atomic Cafe). Résultat: une affiche hétéroclite.

Pour illustrer le thème «Pouvoir, idéologie et consommation» que le MEN avait traité dans deux expositions (Marx 2000 et La Grande Illusion), on passe ainsi d’un film sur le célèbre bonbon aux fruits «Sugus» à Steamboy, le nouveau film de Katsuhiro Otomo, grand maître de l’animation japonaise, réalisateur d’Akira.

Dans cette catégorie toujours, le Festival ciMENa projette The Coast Guard de Kim Ki-Duk, auteur de douze long-métrages, primé à Berlin et Venise. Sur une base militaire entre les deux Corée, un soldat, croyant tué un espion, abat un pêcheur et sombre dans la folie.

Miam

Autre thème qui obsède le MEN: la question de l’altérité et de la prédation. «Les musées d’ethnographie ne peuvent être dissociés du processus de spoliation qui a vu une partie du monde entasser dans des réserves ce qu’une autre partie produisait. Vu sous cet angle, nous sommes tous des cannibales», écrit l’équipe du MEN.

Dans le cadre du festival de cinéma, ce thème reçoit un traitement de faveur puisqu’une nuit lui est consacrée du 27 au 28 novembre. L’occasion de (re)voir Cannibal holocaust de Ruggero Deodato, qui avait fait scandale lors de sa sortie en salle en 1980.

«Ce film dérange aujourd’hui encore par la violence de certaines scènes, souligne Grégoire Mayor. Mais il choque aussi parce qu’il développe une rhétorique de l’inmontrable. Il joue sur des effets de réalité, offrant une première esquisse du Blair witch project».

La Nuit cannibale permettra aussi de découvrir We are going to eat you de Tsui Hark, inédit en Suisse, Cannibal tours de Denis O’Rourke, un documentaire classique de l’anthropologie, et Ravenous d’Antonia Bird, un western qui met en scène un cannibale. Ames sensibles s’abstenir.

Parallèlement aux projections, le Musée d’ethnographie propose une restauration adaptée aux différents thèmes… y compris pour cette nuit spéciale cannibalisme! Pour rassurer le spectateur, Grégoire Mayor précise que le désormais traditionnel pop corn sera aussi distribué.

Un zoo humain

Enfin, autre projet parallèle, réalisé en collaboration avec le Kabaret Kino: la fosse aux cinéastes. «Pendant trois jours, nous mettrons en cage des réalisateurs et des comédiens. Ils devront créer des films sur le thème du cannibalisme qui seront ensuite livrés en pâture au public», explique Grégoire Mayor.

Une manière de boucler la boucle en exauçant le vœu exprimé par le fondateur du musée Charles Knapp lors de l’inauguration du MEN, en 1904.

L’ethnographe rêvait de faire camper des tribus indigènes dans le jardin du musée, dans la mode des zoos humains qui se faisaient à l’époque.

swissinfo, Alexandra Richard

– En 1904, le fonds ethnographique de Neuchâtel est transféré sur la colline Saint-Nicolas.

– Il s’installe dans la villa offerte par le mécène neuchâtelois James-Ferdinand de Pury.

– Le «Musée ethnographique» est inauguré le 14 juillet 1904.

– En 2004, le MEN fête son Centenaire tout au long de l’année avec diverses manifestations (voir lien vers le programme).

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