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Trois quarts de siècle et une exposition pour JLG

JLG, 75 ans, dont 50 au moins consacrés au cinéma. Keystone

Le cinéaste suisse le plus connu au monde – et l'un des plus confidentiels néanmoins – a fêté ses 75 ans samedi.

Jean-Luc Godard prépare une exposition événement prévue à Paris au printemps 2006.

«Je me demande pourquoi je suis une légende, puisque aujourd’hui personne ne va voir mes films»… Question légitime que se posait un jour Jean-Luc Godard, 75 ans ce samedi.

Effectivement, autant le nom de Godard résonne encore dans les discussions intellectuelles comme une référence cinématographique absolue (en bien ou en mal, c’est selon), autant le grand public ne connaît-il de lui que son nom, son visage de hibou pince-sans-rire et son phrasé inimitable.

Ou plutôt imitable justement, puisque des humoristes comme le Français Laurent Gerra ou le Suisse Yann Lambiel n’ont pas hésité à l’accrocher à leur tableau de chasse.

Preuve que Jean-Luc Godard est malgré tout une figure «populaire», même si ses films ne le sont pas. Un chiffre? «Notre musique», sorti l’an passé, a attiré en Suisse quelque 2600 spectateurs, selon l’organisation professionnelle ProCinema à Berne. Soit à peine plus de monde que la vidéo de vos dernières vacances en République dominicaine.

Godard, populaire, comme certaines de ses expressions: les «professionnels de la profession», c’est lui, à l’occasion du César d’honneur qu’il avait reçu en 1987 – il en recevra un autre en 1998.

Paris-Nyon-Paris

Cet étrange oiseau du 7e Art est né à Paris le 3 décembre 1930 de parents d’origine suisse, et a grandi à Nyon. Après une enfance et une adolescence vaudoises, Jean-Luc Godard retourne dans la capitale française pour y suivre des études d’ethnologie, puis se lance dans le cinéma avec un documentaire réalisé en 1954 sur le chantier du barrage de la Grande Dixence en Valais.

Son premier long métrage sort six ans après. Reconnaissance immédiate, succès critique et public. Avec «A bout de souffle», Godard invente un style nouveau, nerveux, à la limite de l’improvisation, à mille lieues des standards français de l’époque. «Le Mépris» (1963), «Pierrot le Fou» (1965), «La Chinoise» (1967) étayeront ce constat, et imposeront l’homme comme chef de file de la «Nouvelle Vague», avec à ses côté Rohmer, Rivette ou Truffaut.

Il décrochera même une caution rock n’roll en signant «One + One» en 1968, soit le film, quasiment en temps réel, de «Sympathy for the Devil» par les Rolling Stones.

Désordre organisé

Les films continueront de s’égrener au fil des décennies et, progressivement, le public de se distancer. Citons «Sauve qui peut (la vie)» en 1980, «Prénom Carmen» (1983) ou les huit épisodes des «Histoire(s) du cinéma» (1988-1998).

Alors que Belmondo avait accompagné le Godard des débuts, le Godard plus tardif n’hésitera pas à faire appel, à la surprise générale, à Johnny Hallyday («Détective», 1985) ou à Alain Delon («Nouvelle vague», 1990).

Ces dernières années, un peu plus à chaque production, le cinéma de Godard joue du montage et du mixage pour mêler présent et passé, fiction et documentaire, voix off et dialogues, musiques et bruits d’ambiance, film de cinéma et discours sur le cinéma.

Le cinéma, que Godard désormais revenu en terre vaudoise, à Rolle, a vénéré, vénère et vénérera toujours. Ses comparaisons avec le petit écran en témoignent: «Quand on va au cinéma on lève la tête. Quand on regarde la télévision on la baisse!» Ou encore: «Un téléfilm montre le visible, un film montre l’invisible.»

Ses formules sont aussi concises et efficaces que nombre de ses films touffus.

Exposition prévue

«Collage(s) de France: une archéologie du cinéma d’après JLG», tel est le nom du projet d’exposition que Jean-Luc Godard est en train de préparer. Non pas une rétrospective, mais, selon lui, une «oeuvre totale», la première que le cinéaste accepte de créer pour un musée, explique à l’ats le Centre Pompidou, à Paris.

L’événement initialement prévu il y a un an, et censé durer neuf mois, est désormais programmé du 26 avril au 14 août 2006, soit durant trois mois et demi. Le réalisateur comme le musée restent évasifs sur la teneur de l’exposition.

On sait toutefois que Godard va disposer de 1150 mètres carrés répartis en neuf salles et qu’il a accepté d’être filmé lors de rencontres avec des intellectuels. L’exposition devrait aussi tisser des liens entre sa carrière longue d’un demi-siècle et des oeuvres de la collection permanente du musée.

swissinfo, Bernard Léchot et les agences

– Jean-Luc Godard est né à Paris le 3 décembre 1930 de parents d’origine suisse.

– C’est avec «Le Mépris» (1963) et les films suivants qu’il s’affirme comme le chef de fil de la «Nouvelle Vague».

– Depuis les années 80, le public s’est largement distancé de son œuvre.

– Malgré l’exigence et la complexité de son cinéma, le personnage reste paradoxalement une figure populaire.

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