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Un Pavillon visionnaire qui brasse les nationalités

Le Pavillon entouré d'une bulle imaginée par le collectif RaumLabor swissinfo.ch

Qualifié de geôle soviétique en 1933, le Pavillon suisse de la Cité internationale universitaire de Paris est célébré aujourd'hui comme une des œuvres maîtresse de Le Corbusier. Reportage à l'occasion du 75ème anniversaire du bâtiment.

Pour son anniversaire ce vendredi 14 novembre, le vénérable écrin de béton s’est paré de ses plus beaux atours : une bulle transparente, englobant la base du Pavillon comme un jupon osé.

La directrice du Pavillon, Yasmin Meichtry, a en effet mandaté un collectif berlinois, RaumLabor, pour repenser une partie habituellement découverte du Pavillon. Une sorte de seconde jeunesse donnée à un bâtiment qui n’a jamais fini de susciter le débat, parfois très enflammé.

«Cérémonie macabre»

C’est déjà le cas le 7 juillet 1933, à l’inauguration officielle du Pavillon d’accueil des étudiants suisses. « Une cérémonie macabre », rappelle un film d’archives, tourné et monté par la Fondation suisse. Il faut dire que le choix de confier à Charles-Edouard Jeanneret-Gris, dit Le Corbusier, la conception d’un bâtiment représentant la Suisse n’avait pas fait que des heureux.

A l’époque, Le Corbusier a 44 ans et son style bétonné détonne. Cet avant-gardiste inspire une « fureur théorique », souligne, Yasmin Meichtry, présidente depuis 2004 de la Fondation suisse. Un avant-gardiste qui laisse certains représentants suisses sur leurs gardes.

Et lorsqu’ils découvrent la réalisation de Le Corbusier, ils crient au scandale : ils ont en tête un chalet suisse, sensé symboliser par excellence l’identité de la nation. A l’inauguration, les représentants tirent donc une tête d’enterrement.

Logements étudiants

Puis, les premiers étudiants s’installent. Un peu plus de 6 000 se sont succédé depuis 1933. Des générations qui s’accommodent des quelques aléas de l’œuvre de l’architecte suisse, naturalisé français. Les courants d’air circulent allégrement.

Mais les anciens résidents, qui témoignent dans un film anniversaire, en gardent plus un souvenir ému qu’une véritable rancœur. Ainsi, Paul Meyer, né en 1915, l’un des tout premiers résidents, se souvient surtout d’une ambiance familiale au sein du Pavillon : le recteur et sa femme l’emmènent régulièrement à des expositions, concerts ou autres manifestations culturelles.

Pierre Bernasconi, résident entre 1946 et 1949, retient de son long séjour sa rencontre avec Le Corbusier : « Il sortait de sa limousine, tout de blanc vêtu, une blouse maculée de peinture. »

Brassage culturel

Aujourd’hui, 45 étudiants cohabitent à l’année dans ce bâtiment devenu l’une des meilleures représentations des œuvres de Le Corbusier.

La direction du Pavillon veille à ce que le brassage culturel ait lieu dès la sélection des étudiants : la moitié des résidents viennent de Suisse, l’autre moitié est «échangée» avec les maisons de la Cité internationale universitaire. Une reconstitution à plus petite échelle des relations diplomatiques et culturelles de la Confédération avec les autres nations.

Le Pavillon suisse commandé au Corbusier doit aussi véhiculer un « esprit de Genève », rappelle Yasmin Meichtry. Selon l’ambassadeur de Suisse à Paris, Ulrich Lehner, le Pavillon doit insuffler une idée de paix entre les nations, une idée née des ruines de la 1ère guerre mondiale.

A l’époque, pas de programme Erasmus pour étudier à l’étranger. La démarche du brassage entre étudiants de différentes nationalités ne coule pas de source. Le Pavillon, avec sa cuisine collective, doit permettre un dialogue.

«Ce brassage est aujourd’hui permanent », témoigne Xavier, étudiant de Fribourg, l’un des 45 résidents pour l’année 2008-2009. Son compatriote, Bernard, également résident, exprime également cette sensation de microcosme international au cœur de Paris : « Il y a beaucoup de fêtes entre les maisons, parfois on a l’impression que ça crée une sorte d’isolement par rapport à la France, comme si c’était un petit village.»

Patrimoine mondial

Un village dont la représentation suisse fait figure d’îlot architectural. C’est le résumé que fait le président de la Fondation Le Corbusier, Jean-Pierre Duport, de 75 ans d’une existence tourmentée.

« Aujourd’hui, nous fêtons une œuvre historique », mais de rappeler qu’il y a 75 ans, un rédacteur de la Gazette de Lausanne écrit à propos des chambres des étudiants : « C’est absolument l’image qu’on se fait d’une des plus hideuses geôles soviétiques.

swissinfo, Aurélie Boris à Paris

Depuis 1986, le Pavillon Le Corbusier est classé aux monuments historiques de France.

Le Pavillon concourt depuis janvier 2008 au label du Patrimoine mondial décerné par l’Unesco.

Ce bâtiment préfigure les grandes réalisations du Corbusier.

On y trouve une simplicité des formes et des matériaux. 6 pilotis de béton armés soutiennent l’édifice. La conception du bâtiment inclus le mobilier et le jeu des couleurs des plafonds des chambres.

A l’intérieur de ce bâtiment, on circule comme dans une ville. Un concept développé avec la Cité radieuse de Marseille, édifiée en 1946.

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