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Un trekking où les hommes enlèvent le bât

«Je crois en moi!», hurle un participant dans le désert. Visions du Réel

Le cinéaste suisse François Kohler a suivi treize hommes dans leur pérégrination identitaire. Un documentaire euphorisant, présenté à Visions du Réel.

Loin du film thérapeutique, «Le souffle du désert» a le sel nécessaire pour toucher un large public.

Ça commence comme un polar. De gros 4X4 immaculés s’enfoncent dans le désert. A bord, treize hommes, lunettes noires, mâchoires serrées. Ils se sont fixé pour mission d’explorer leur masculinité. Pour y arriver, ils vont se lâcher, jeter leurs obsessions au feu, parler au dromadaire.

«La barrière très fine entre réalité et fiction m’intéresse beaucoup, confie François Kohler. Donner les ingrédients puis lâcher prise pour que les choses se passent, organiser la liberté me captive.»

Dans le cas présent, le cinéaste suisse a trouvé à matérialiser ce goût au travers du casting de ses «acteurs». Il s’agit bien ici d’un documentaire. Largués en plein Sud tunisien avec un «psy», ces hommes partent s’ausculter dans le cadre d’un trekking de quinze jours.

Ce genre de démarche est connu. Il s’inspire notamment des travaux de l’analyste jungien québécois Guy Corneau et attire un nombre croissant d’Occidentaux mâles confrontés à la montée en puissance de la femme, à la précarisation du travail, à la perte des repères masculins.

Mais François Kohler a fait le tri et retenu trois Québécois, trois Belges, trois Français et quatre Suisses. Dans le désert, ce grand vide en forme de miroir, ils vont se parler, s’explorer, dialoguer intimement, avec et sans l’aide des techniques et rituels de la dynamique de groupe.

Une rare intensité émotionnelle

Réalisé sous la menace des tempêtes de sable avec deux caméras, ce film très cohérent est d’une rare densité émotionnelle, pour le plaisir évident du spectateur, à la fois mis en question et conforté dans ses tentations voyeuristes.

«La différence avec les reality shows, estime le cinéaste, c’est notamment la relation entre l’équipe de tournage et les trekkeurs. C’est aussi la finalité: inviter les hommes à s’interroger sur eux-mêmes et proposer une autre vision de ce que pourrait être un homme.»

D’une scène à l’autre, l’humour s’insinue dans tous les interstices du film, y compris dans le regard parfois fraternellement ironique du cinéaste.

Des hommes, des vrais, c’est ce que nous montre François Kohler. Des hommes ordinaires et de tous âges, cabossés par la vie juste ce qu’il faut, aux problèmes pas toujours bien réglés avec papa ou maman, qui parlent de leur relation aux femmes, font émerger leur agressivité en luttant à la culotte, s’étranglent de leur incapacité à sortir des jeux de pouvoir. Et qui fondent en larmes.

Un film grand public

«Le souffle du désert» montre les barrières émotionnelles qui éclatent, les étreintes spontanées, les fessiers rondouillards. Il est même question – en tout bien tout honneur – de zizis taille XS.

«Dans mon cinéma, j’aime exprimer l’invisible, l’intériorité, explique François Kohler. Mais mon but était aussi de faire un film vivant et grand public, ni psychologique ni prise de tête!»

Présenté en première mondiale à Visions du Réel, il a clairement emporté l’adhésion du public, féminin en particulier, dont il fait sa cible première. «Merci, a d’ailleurs lancé à Nyon une spectatrice conquise. En tant que femme, c’est une grande joie d’entendre les hommes parler ainsi!»

swissinfo, Pierre-François Besson

La 11e édition du festival de films documentaires Visions du Réel s’achève dimanche 24 avril à Nyon
Le palmarès sera dévoilé samedi soir 23
17 films concourent en compétition internationale
Et 25 dans celle des premières œuvres
143 films de 31 pays sont présentés
Dont le film de François Kohler, dans la section «Tendances»

– François Kohler est né en 1954 dans le canton de Neuchâtel. Diplômé en droit, il a étudié à l’INSAS – Institut National Supérieur des Arts du Spectacle et Techniques de Diffusion – à Bruxelles en Belgique.

– Depuis 1987, il a réalisé une dizaine de documentaires pour la télévision et plusieurs courts et moyens métrages de fiction. Il radicalise aujourd’hui son travail en privilégiant l’approche cinéma.

– «Le souffle du désert» sort en salles le 10 mai en Suisse romande. Il est produit par SRG SSR idée suisse et l’Office national du film du Canada notamment.

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