Une joyeuse polyphonie
Avec sa compagnie l'Alakran, le metteur en scène se livre, sur la scène de Saint-Gervais, à une exploration du langage. Loufoque.
L’Hispano-Suisse Oskar Gomez Mata présente son nouveau spectacle à Genève, puis en tournée romande.
Quoi de mieux qu’un «cerveau cabossé» pour nous guider dans le Babel de notre esprit? S’y bousculent et s’entrechoquent des mots qui ont perdu tout support sémantique.
Pour les énoncer, cinq acteurs et actrices (Fabien Ballif, Antonio Buil Pueyo, Espé Lopez, Pierre Mifsud et Delphine Rosay).
Cinq hurluberlus déguisés
Autant dire cinq hurluberlus déguisés tantôt en Miss Univers, tantôt en ouvriers, tantôt en gorilles… Leur obsession? S’interroger sur leur fonction de locuteurs. Avec cette phrase qui revient sans cesse dans leur bouche: «Où ça nous mène tout cela?»
«Tout cela», c’est à dire la recherche débridée du mot «pute» dans le dictionnaire, qu’entreprend un personnage au nom improbable: Valentin Ressentit.
Valentin Ressentit est l’être humain type auquel s’intéressent nos cinq acteurs acharnés à conter ses boires et déboires. Cet homme-là est condamné à rester dans «le bordel des mots» que lui offre le dictionnaire.
Plus il fouille, plus il se perd, le terme « pute » le renvoyant constamment à d’autres vocables qu’aucun lien ne rapproche: effort, planète, dégoût, télévision, capitalisme… Autant de chapitres que le spectacle illustre par des scènes loufoques où chaque mot reste totalement déconnecté de la réalité qu’il désigne.
Une assemblée de gorilles
Résultat: une polyphonie joyeuse qui permet aux comédiens de s’agiter en marionnettes aux phrases qu’ils énoncent. Ainsi de cette séquence où une assemblée de gorilles corrige à coups de singeries les méthodes dévoyées du capitalisme. Lequel s’entend comme «une machination pour altérer le prix des choses».
«Cerveau Cabossé 2: King Kong Fire» est donc le titre donné au spectacle qui explore le langage pour en décrire les vertus et les vices cachés.
Oskar Gomez Mata, qui en est le metteur en scène, s’est appuyé pour le monter sur des textes de l’artiste et auteur galicien Anton Reixa.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce dernier se place dans la droite lignée d’un Michel Leiris qui en son temps écrivait: «Une monstrueuse aberration fait croire aux hommes que le langage est né pour faciliter leurs relations mutuelles».
swissinfo/Ghania Adamo
«Cerveau Cabossé 2: King Kong Fire». Genève, Théâtre Saint-Gervais, jusqu’au 22 décembre. Tel: 022/908 20 20. Lausanne, Théâtre de l’Arsenic, du 23 au 26 janvier 2003. Nyon, Usine à Gaz, du 4 au 8 mars 2003
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