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Deep Symphonic Purple pour clore Montreux

Deep Purple, l'énergie au rendez-vous. (C) Lionel Flusin

C’est Deep Purple qui a conclu, en mêlant hard rock et orchestre symphonique dans une joyeuse surenchère, le 45ème Montreux Jazz Festival. Pour évoquer ce groupe mythique, lié de près à l’histoire montreusienne, entretien avec Don Airey, le dernier venu de la bande.

Il y avait eu en 1969 le fameux Concerto For Group and Orchestra, collaboration riche et audacieuse entre Deep Purple et le London Symphony Orchestra.

En 2011, pas de concerto pour le Violet Profond: c’est son répertoire habituel que le hard quintet revisite avec un orchestre philharmonique.

Après une ouverture symphonique en forme de clin d’œil jazzy et ‘purpelien’, les choses sérieuses commencent par l’incontournable Highway Star. Elles se termineront en ultime rappel par le non moins incontournable Black Night. Entre deux, une quinzaine de titres envoyés comme toujours sans s’économiser, avec de grands classiques (Strange Kind Of Woman, Lazy, Perfect Strangers, Space Truckin’) et un ou l’autre titres plus rarement entendus en concert (Hard Lovin’ Man, No One Came).

Additionné du Neue Philharmonie Frankfurt, le répertoire est… comment dire… énorme. Voire hypertrophié. D’autant plus que, pour Deep Purple, il s’est manifestement moins agi de réinventer ses morceaux que de leur ajouter une couche, si l’on peut dire. Les strates sonores s’additionnent donc, donnant une impression de surenchère assez vaine.

Mais tout le monde s’éclate néanmoins: l’orchestre, le public, ravi, et Deep Purple, toujours caractérisé par la virtuosité et la furia des quatre instrumentistes (le batteur Ian Paice, le bassiste Roger Glover, le guitariste Steve Morse, le claviériste Don Airey) et de Ian Gillan, à nouveau plutôt en voix.

Avant les rappels, c’est sur Smoke On The Water que se terminera le set de Deep Purple. A la fois standard historique du rock et hymne local, puisque, faut-il le rappeler, la chanson fut composée et enregistrée ici, suite à l’incendie du casino survenu lors d’un concert de Frank Zappa, le 4 décembre 1971, alors que Deep Purple s’apprêtait à mettre en boîte l’album Machine Head.

 

Depuis lors, le groupe a connu moult séparations, reformations, réorganisations. Dernier arrivé, Don Airey a pris en 2002 la succession de Jon Lord aux claviers. Don Airey est d’ailleurs lui-même une sorte d’histoire vivante du hard rock: il a notamment joué avec Cozy Powell, Ritchie Blackmore (dans Rainbow), Gary Moore, Black Sabbath, Whitesnake, Jethro Tull, Judas Priest et bien d’autres… Nous l’avons joint par téléphone peu avant le concert montreusien.

swissinfo.ch: Deep Purple a une longue histoire en commun avec Montreux. Mais vous, Don Airey, n’étiez pas présent ce fameux jour de 1971. Vous vous souvenez de la première fois où vous avez entendu «Smoke On The Water»?

Don Airey: C’était aux USA, en 1972 ou en 1973. L’un des disques les plus incroyables que j’aie entendus! J’étais à l’époque dans une école de musique. J’ai même vu Deep Purple jouer alors que j’étais à l’école. Et je me souviens d’avoir pensé: bon sang, je veux faire ça! Ils étaient inouïs.

swissinfo.ch: Deep Purple tourne actuellement avec un orchestre symphonique. Pourquoi ce choix? Et en le faisant, ne craigniez-vous pas une certaine… redondance?

D.A.: En fait, on était à la recherche de quelque chose d’un peu différent, puisque nous tournons avec le même album depuis cinq ans. L’idée était donc d’aborder le spectacle avec un angle différent. On a fait plus de vingt shows aux USA et au Canada, et je dois dire que cela fonctionne bien. On a eu d’excellentes critiques aux Etats-Unis.

On n’a pas souhaité faire des adaptations «classiques» des titres de Deep Purple. Il s’agissait plutôt d’ajouter quelque chose au groupe, de l’augmenter d’un orchestre. Avec quelques créations – il y a par exemple une ‘Ouverture’ écrite pour l’occasion. Certaines atmosphères sont différentes de ce à quoi on peut s’attendre.

swissinfo.ch: Qui a écrit les arrangements?

D.A.: La plupart ont été signés par le chef d’orchestre Steven Bentley. Et j’en ai réalisé trois moi-même. A l’origine, les autres membres du groupe m’ont demandé si je pouvais m’en occuper. Mais on est tout le temps à tourner, à voyager, et… je ne rajeunis pas! Je leur ai donc recommandé Steven, c’est un type plein de talent. Et je me suis limité à trois arrangements: Contact Lost, Rapture Of The Deep, Hard Lovin’ Man.

swissinfo.ch: Vous avez une formation classique. Le fait de vous retrouver sur scène avec cette formule ‘groupe rock et orchestre’ vous plaît-il particulièrement?

D.A.:  C’est un grand plaisir de jouer avec un orchestre. Et quand vous voyez à quel point ces gens sont bons, avec quelle facilité ils font ce que l’on souhaite, ça vous ramène au travail, ça oblige à se réveiller, dans son propre rapport à la musique. Cela a donc été un positif pour le groupe.

swissinfo.ch: Deep Purple joue en permanence, aux quatre coins de la planète. Vous n’êtes jamais fatigués?

D.A.: On se fatigue physiquement, mais pas mentalement. Quand on est musicien, que veut-on? Des concerts. C’est l’essence même d’une vie de musicien. Cette drogue quotidienne du voyage, des rencontres, de la scène, c’est la vie que nous aimons mener, que j’aime mener. Jouer avec Purple, c’est donc parfait pour moi.

swissinfo.ch: Mais avec cela, aucun disque studio depuis «Rapture Of The Deep» en 2005.

D.A.: Nous sommes sur la route environ 200 jours par année. Ce qui ne laisse pas beaucoup de temps pour se rassembler un peu, et définir des stratégies! En principe, on aurait dû enregistrer l’année passée, mais cela ne s’est pas fait. Le nouvel album est amorcé, nous avons du nouveau matériel. Mais on ne le joue pas encore sur cette tournée: c’est beaucoup trop compliqué! (rires)

swissinfo.ch: Votre discographie, c’est un peu une encyclopédie du hard rock… Qu’avez-vous trouvé en Deep Purple que vous n’aviez pas trouvé auparavant?

D.A.: D’abord, c’est un excellent groupe. Leur niveau de musicalité a toujours été très haut. C’est l’un des groupes les plus «consistants» avec lesquels j’ai jamais travaillé. Les musiciens, mais aussi l’organisation derrière eux, l’équipe, les tour managers. L’ensemble fonctionne comme une grande famille, avec des liens très forts entre tout le monde. C’est quelque chose que je n’ai jamais vécu à ce point auparavant.

swissinfo.ch: Aujourd’hui, vous vous sentez membre de Deep Purple à part entière?

D.A.: Oui. Disons que quand j’ai commencé à jouer avec le groupe, j’ai simplement pris du plaisir. C’est avec le temps que cela devient un peu plus dur de s’habituer au fait que, blooming hell, je fais vraiment partie de… Deep Purple!

swissinfo.ch: Il semble que vous soyez en train d’écrire un livre sur vos 40 ans d’expérience dans le ‘music business’…

D.A.: Oui, j’ai commencé, puis je me suis arrêté, parce que je me suis dit que c’était trop personnel, que cela touchait certains amis de trop près. Et que j’emporterais donc tout cela dans la tombe. Et puis quand Gary Moore est mort, j’ai été dévasté par sa disparition. Je me suis dit alors que les gens seraient peut-être tout de même intéressés à en savoir plus sur les personnages incroyables avec qui j’ai travaillés – Gary était l’un deux. Alors j’ai repris mon travail. Je vais le finaliser cet été je pense, et j’espère que le livre sortira l’année prochaine…

Le 45ème Montreux Jazz Festival s’est tenue du 1er au 16 juillet.

Tensions. Le MJF a connu une fin houleuse. Des émeutes se sont déroulées pendant les nuits du dernier week-end. Les deux fois, plusieurs groupes de festivaliers alcoolisés s’en sont pris à des employés de la sécurité privée, puis
aux policiers intervenant pour rétablir l’ordre.

Succès. Sur le plan commercial, les organisateurs se disent satisfaits. Avec un taux de 87% de billets vendus, c’est «quasiment un record» selon Claude Nobs, fondateur et directeur de la manifestation. Entre 230’000 et 240’000 visiteurs ont afflué à Montreux.

 

Développements. Le festival fait des petits… Une déclinaison se déroulera à Kawasaki au Japon du 22 au 27 novembre, et une autre est prévue en 2013 à Londres.

 

Rendez-vous. La 46e édition du MJF montreusien se déroulera du 29 juin au 14 juillet 2012. Deux concerts de Leonard Cohen sont prévus.

Mark II. Deep Purple a été fondé en 1968, avec notamment Ritchie Blackmore (guitare), Jon Lord (claviers) et Ian Paice (batterie). Il trouvera sa formule phare (‘Mark II’) l’année suivante avec l’arrivée de Ian Gillan (chant) et de Roger Glover (basse).

Production. Deep Purple à ce jour, c’est 18 albums en studio, 24 live officiels et environ 350 pirates, et une dizaine de compilations. Parmi les albums phares: In Rock (1970), Machine Head (1972), le live Made in Japan (1972), Burn (1974), Perfect Strangers (1984), Purpendicular (1996). 

Mark VIII. Depuis mars 2002, le groupe en est à la formule ‘Mark VIII’, qui inclut Ian Gillan (chant), Roger Glover (basse), Ian Paice (batterie), Steve Morse (guitare) et le dernier venu, Don Airey (claviers).

Piano. Né en 1948 à Sunderland, Angleterre, Don Airey touche au piano dès l’âge de trois ans. Il étudie la musique à l’université de Nottingham, puis le piano au conservatoire de Manchester.

 

Groupes. Dès 1974, il participe à de nombreux groupes: Cozy Powell’s Hammer, Colosseum II, Black Sabbath, Rainbow (avec Ritchie Blackmore et Roger Glover), Jethro Tull, ELO, Judas Priest.

 

Studio. Il participe également à de nombreux albums notamment aux côtés de Gary Moore, Ozzy Osbourne, Whitesnake etc.

 

Deep Purple. Il prend la succession de Jon Lord en 2002. Deux albums de DP ont été enregistrés avec lui: Bananas et Rapture Of The Deep.

 

Solo. Il a publié deux albums solo, K2 (1989) et Light In The Sky (2008) et travaille actuellement à un livre.

Jack Savoretti. En première partie de Deep Purple, le public a pu découvrir le jeune chanteur anglo-italien Jack Savoretti, seul à la guitare.

Surprise. Remarquable songwriter, superbe voix, la surprise était réussie pour le public comme pour l’artiste, qui, il y a quelques jours, jouait sur une scène gratuite du festival. Le téléphone des organisateurs qui lui demandaient de faire la première partie de DP l’a laissé pantois.

Constat. A suivre absolument…

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