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Des Suisses à suivre à la trace

L’éléphant Dolly au col du Grand St-Bernard, photographié par Raymond Schmid. Médiathèque Valais

Nos ancêtres sont à Neuchâtel, en noir-blanc. Les extraits restaurés de douze fonds sont présentés au public dans «Traces – 100 ans de patrimoine photographique en Suisse».

Cette exposition inaugure le nouvel Espace culturel de l’Office fédéral de la statistique.

Définitions. Noé, syndrome de: propension à la sauvegarde de tout et parfois n’importe quoi.

Début du 21e siècle, société du: groupe humain gagné par le syndrome de Noé.

Certes, mais parfois pour le bien de tous, rétorque le patron de l’Institut suisse pour la conservation de la photographie (ISPC).

Dans l’optique de Christophe Brandt en effet, il faut protéger les témoins du passé, car ils doivent permettre de fonder un progrès humaniste, loin de notre pseudo-modernité économiste.

Qui doit sauvegarder quoi? Comment, avec qui et pourquoi? Telles sont les interrogations que cherchera à résoudre le monde la photographie suisse lors d’un colloque organisé à Neuchâtel en marge de l’exposition Traces (voir encadré).

Christophe Brandt en est pour sa part convaincu: ce travail de conservation et de mise en valeur du patrimoine photo doit être mené en réseau par les nombreuses institutions actives en Suisse.

Douze fonds

«Traces» est justement le fruit du partenariat de douze d’entre elles, sous l’égide de Memoriav. L’exposition présente quatre ans de travail de sauvegarde, de restauration, de catalogage et de numérisation sur douze collections. Et autant de regards sur la Suisse des 19e et 20e siècle.

Celui de d’Adolphe Braun (1812-1877) par exemple, mandaté pour documenter le premier percement des Alpes (Gothard). Son portfolio destiné aux industriels et actionnaires participait à l’époque d’une stratégie de communication. Il demeure aujourd’hui un reportage des plus exclusifs.

Un peu à la même époque, à Nyon et La Chaux-de-Fonds, les photographes Louis Colin et Louis Kunz multipliaient les portraits des petites et moins petites gens.

En possession des seules plaques de verre, parfois en piteux état (4 à 5000 pour chaque fond), les concepteurs de «Traces» ont misé sur le tirage grand-format et utilisé la technologie ultra-moderne du jet d’ancre. Le résultat: deux bandes de 1,5 m sur 12, dessinant une fresque humaine aussi diverse que figée.

Le daguerreotype de Girault de Prangey montrant le monument de Rudolf von Erlach vers 1850 est une curiosité. Par contre, les négatifs sur papiers (calotypes) d’Auguste Quiquerez – autres prémices de la photo – dépassent l’intérêt documentaire pour s’élever à une beauté presque picturale.

Le constat est similaire pour les travaux à l’albumine (blanc d’œuf utilisé pour lier et maintenir les sels d’argent dans la fabrication des négatifs sur plaque de verre), présentés par la Bibliothèque nationale.

Ecrin de verre

A quelques pas, le visiteur découvre d’autres originaux, lumière tamisée par soucis de protéger l’image. Ceux d’André Schmid notamment, qui photographia les symboles du progrès (infrastructures et bâtiments) dans la seconde partie du 19e siècle lausannois.

Les travaux du Tessinois Roberto Donetta – l’humour y côtoie la mort – et d’Yvan Dalain – le benjamin de cette exposition – témoigne d’un regard plus «moderne» encore sur la Suisse.

Cette modernité esthétique, la Confédération a choisi de l’appliquer à son nouvel Office de la statistique, flanqué d’une tour de verre à l’épure digne des grandes cités globalisées.

Le nouvel Espace culturelle occupe une partie des deux premiers étages du quadrilatère. «Cet écrin de verre est un anti-musée, explique Christophe Brandt. Normalement, un musée, c’est une boîte noire dans laquelle on fait ce qu’on veut. Ici, il a fallu composer. Un véritable challenge!».

Et les concepteurs ont utilisé la transparence jusqu’au bout. En levant les yeux, le visiteur découvre une série d’images grand format sur support plastique. Le vitrail, revu et corrigé. Ou comment le passé fonde le progrès…

swissinfo, Pierre-François Besson

«Traces – 100 ans de patrimoine photographique suisse» est présentée jusqu’au 19 septembre prochain.

Elle a lieu au nouvel Espace culturel de l’Office fédéral de la Statistique à Neuchâtel.

Des visites commentées sont organisées les 16 juin, 8 juillet, 26 août et 16 septembre.

Elle s’accompagne de la publication d’un catalogue offrant une réflexion critique sur le thème de la conservation.

L’association Memoriav gère et soutient des projets de préservation du patrimoine audiovisuel. Dans le domaine de la photographie donc, mais aussi dans ceux du son, du film et de la vidéo.

Forte de 137 organismes et particuliers, elle met en réseau les acteurs de l’image et du son dans le but de promouvoir la conservation, la valorisation et la mise à disposition de la mémoire audiovisuelle suisse.

La Bibliothèque nationale, l’Office fédéral de la communication, SRG SSR idée suisse, l’Institut suisse pour la conservation de la photographie ou les Archives fédérales font partie de ses membres fondateurs (décembre 1996).

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