Des perspectives suisses en 10 langues

Du sitar au rock n’roll

Ravi Shankar et la musique des sphères. Keystone

La magie de Ravi Shankar, la nostalgie des Beatles et l’énergie de Lenny Kravitz ont dominé la grande scène du Paléo pour la soirée de mardi.

C’est au vieux maître qu’il est revenu d’ouvrir les feux, 35 ans après avoir fait découvrir la musique classique indienne à l’Occident, à la faveur de la vague hippie.

«Notre musique est pleine de secrets, de spiritualité et d’amour. Pour bien en profiter, restez assis et abstenez-vous de boire ou de fumer». A 85 ans, Ravi Shankar en paraîtrait aisément 30 de moins. Ceci explique peut-être cela…

Accompagné de quatre musiciens, dont sa fille Anouchka, le vieux sage a gardé l’œil vif, le sourire malicieux et les doigts plus rapides que l’éclair lorsqu’il les laisse courir sur le manche de cet instrument étrange, au son métallique si caractéristique.

Sa musique s’étire en longues pièces quasiment hypnotiques, qui démarrent dans la douceur langoureuse et s’emballent sur la fin dans des enchevêtrements de rythmes frénétiques.

Les duels mélodiques qu’il livre au sitar de sa fille sont magnifiquement soutenus par les tavlas, deux sortes de petits tam-tams indiens que l’on frotte de la paume et que l’on martèle de doigts et dont l’instrumentiste arrive à tirer autant de sons que s’il était toute une section rythmique à lui seul.

Le résultat est envoûtant et le public déjà nombreux à s’être massé au pied de la grande scène en ce début de soirée en reste… assis.

Avec Ravi Shankar, on est en plein dans la légende. A l’époque, c’est lui qui avait enseigné les rudiments de son art à un certain George Harrison et ces sonorités venues d’ailleurs avaient gagné les faveurs des hippies bien avant que l’on n’invente le terme «world music».

Quatre garçons pas vraiment dans le vent

C’est à cette connivence entre l’Inde et les Beatles que les programmateurs de Paléo ont voulu faire un clin d’œil en invitant les Rabeats, un «cover-band» des quatre de Liverpool.

Ces groupes qui s’habillent, s’équipent et essayent de sonner comme leurs idoles, il en existe des douzaines de par le monde, pour pratiquement toutes les légendes du rock. Et on y trouve à boire et à manger.

Le fait est que les quatre Français font honnêtement leur boulot. Du moins pour les chansons de la première époque, celles où les Beatles donnaient encore des concerts, engoncés dans leurs costumes gris et affublés de la fameuse «coupe Beatles».

Pour ce qui est venu ensuite, par contre, les choses se gâtent. Dès 1966, en effet, les personnalités et les voix de chacun s’affirment et l’unique chanteur des Rabeats ne peut en aucun cas prétendre être à la fois John, Paul, George et Ringo.

Ainsi, les reprises au rouleau compresseur de titres comme «I’m the walrus» (Lennon) ou «While my guitar gently weeps» (Harrison) doivent faire se retourner leurs auteurs dans leurs tombes. D’autant que le soliste affiche rapidement ses étroites limites…

Le public ne s’y trompe pas, qui reste relativement froid, et ne s’anime vraiment qu’à l’heure de reprendre les «laa-la-la-lala-lala » de «Hey Jude» ou de se déhancher sur «Twist and Shout».

Et pour la magie originale, n’oublions pas que Sir Paul McCartney tourne encore.

Ministre du rock n’roll

Après cette prestation mitigée, celle de Lenny Kravitz a évidemment une toute autre allure. Très théâtrale, la star américaine fait tomber un immense rideau qui dévoile d’un coup la scène pour apparaître en pose christique, cape noire doublée de rouge.

«I’m a minister of rock n’roll», hurle le maître de cérémonie, avant de déchaîner la puissance tellurique de son band. Et le moins que l’on puisse dire est que ces formidables musiciens maîtrisent à la fois le sujet… et l’attitude.

Chevelus à souhait, le bassiste et le guitariste passeraient aisément pour des transfuges du Led Zep d’il y a trente ans, virtuosité comprise. Les choristes et la section de cuivres – tous noirs comme il se doit – n’ont rien à envier à ceux d’un James Brown et la demoiselle qui tient les baguettes est aussi puissante derrière sa batterie qu’elle paraît frêle, vêtue d’un simple bikini.

Quant à Lenny, il en fait des tonnes, mais on a peine à ne pas rester baba devant la force de sa voix et la dextérité de ses doigts sur le manche. S’il ne joue sur scène que de la guitare, cet instrumentiste accompli, grand admirateur de Jimi Hendrix, a su tenir à peu près toutes les partitions sur son dernier album.

La musique oscille entre un hard rock déchiré par les éclairs des guitares et un funk à la rythmique implacable, qui fait enfin se déchaîner la foule imposante massée devant la grande scène. Le public ne boude pas son plaisir et reprend généreusement en chœur les standards qui alternent avec les compositions récentes.

Un moment de pur bonheur ! Même en superstar consciente de son aura, Lenny Kravitz garde quelque chose de profondément humain. Et lorsqu’il souhaite au monde «la paix, au nom de Jésus», on a envie d’y croire.

Et les autres ?

Au Paléo, c’est bien connu, il sera toujours impossible de tout voir. Il faut faire des choix et ceux-ci sont parfois douloureux.

Tout au plus l’abonné d’un soir à la grande scène aura-t-il pu capter quelques notes de piano et quelques mots délicats de Vincent Delerm, le poète des petits riens, un bout de transe extatique des derviches tourneurs syriens et un peu de l’énergie révoltée de Rachid Taha, l’ancien «Carte de Séjour», au croisement du rock et de la musique algérienne…

En oubliant bien sûr – et hélas – tous les autres.

swissinfo, Marc-André Miserez à Paléo

Aujourd’hui mercredi au Paléo:
Sinsemilia, George Clinton, Jamiroquai, Juliette, Hughes Aufray, Louis Bertignac et pas mal d’autres.
Les concerts sont sold out depuis longtemps, mais pour tenter de couper court au marché noir, Paléo met chaque jour les 500 dernières places en vente dès 9 heures du matin. On peut les obtenir en ligne sur paleo.ch et dans tous les points de vente Ticketcorner.
Par contre, aucun billet n’est vendu aux caisses d’entrée.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision