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Le secteur public suisse toujours vulnérable à la corruption et au lobbying

arrestation à Zurich
La Suisse est considérée comme un pays relativement «propre» en matière de corruption dans le secteur public, mais elle a aussi ses problèmes. Pascal Mora/Keystone

Si la Suisse stagne au septième rang de l’indice de perception de la corruption de Transparency International, son score global a atteint son plus bas niveau historique. L’ONG pointe à nouveau du doigt le népotisme et le lobbying politique opaque du secteur public helvétique.

«Par rapport à d’autres pays, la Suisse obtient de bons résultats», estime Martin Hilti, directeur de la section suisse de Transparency International. «Elle figure parmi les dix pays les mieux classés. C’est une bonne nouvelle, mais il est très important de contextualiser ce résultat. Nous avons nos propres problèmes de corruption en Suisse.»

Le classement de l’ONG mesure les niveaux perçus de corruption du secteur public dans le monde entier. Transparency International souligne que la Suisse fait partie des nations européennes atteignant des scores historiquement bas sur une échelle allant de zéro (très corrompu) à 100 (très propre). Cette année, la Suisse a obtenu 82 points, contre 84 l’année dernière. La tendance correspond à une baisse très progressive, puisque la Suisse avait obtenu un score de 86 en 2016.

En tête du classement, on trouve le Danemark. La Finlande et la Nouvelle-Zélande se partagent la deuxième place. Les pires résultats ont été obtenus par des nations en proie à des conflits, à savoir le Soudan du Sud, la Syrie et la Somalie. Au total, deux tiers des 180 pays et territoires étudiés n’ont même pas atteint la barre des 50 points sur un maximum de 100.

«Même les pays qui occupent les premières places du classement ont stagné, car ils ne parviennent pas à combler les lacunes de leur politique d’intégrité», avertit Transparency International dans son communiqué de presse.

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Népotisme généralisé

Pour améliorer sa position, Martin Hilti note que la Suisse doit mettre fin à la pratique «généralisée» du népotisme, améliorer la façon dont les conflits d’intérêts sont traités et mieux réglementer le lobbying.

«La Confédération doit faire un effort de transparence pour que le grand public sache quel lobbyiste fait du lobbying pour quels intérêts, quand et avec qui», analyse-t-il. «Il manque des réglementations garantissant que les intérêts spécifiques aient un accès plus ou moins égal à la politique.»

Ces dernières années, l’image propre de la Suisse a été ternie par des scandales de corruption qui ont fait la une des journaux et attiré l’attention des tribunaux. On peut notamment citer les démêlés judiciaires du politicien genevois Pierre Maudet pour l’acceptation d’avantages financiers indus, l’affaire des contrats informatiques attribués sans appel d’offres par le Secrétariat d’État à l’économie ou encore les mandats lucratifs de lobbying du nouveau ministre Albert Rösti.

Martin Hilti appelle également à une plus grande transparence dans le financement de la vie politique aux niveaux cantonal et communal, précisant que la plupart des cantons et des communes n’ont pas encore légiféré dans ce domaine. La Suisse étant un petit pays, les communautés soudées ne détectent parfois pas les conflits d’intérêts, comme lorsque des personnalités politiques locales obtiennent des forfaits de ski à un tarif préférentiel.

Le directeur de la branche suisse de Transparency International attribue aux activités problématiques des avocats, telles que la création de sociétés fictives et offshore, l’incapacité de la Suisse à combler les lacunes et à procéder à une révision plus approfondie de ses lois contre le blanchiment d’argent. La profession juridique est bien représentée parmi les parlementaires suisses. «Nous avons beaucoup de travail à faire en Suisse. Nous ne pouvons pas nous reposer en nous disant que tout va bien», souligne Martin Hilti.

>> L’indice de perception de la corruption de l’an dernier:

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Les banques suisses mises en cause

S’exprimant lors d’un panel sur la corruption au Forum économique mondial (WEF) ce mois-ci, la secrétaire d’État suisse Livia Leu a dressé un tableau différent. Elle s’est enorgueillie du classement constant de la Suisse dans le top 10 et a souligné les efforts internationaux du pays pour lutter contre la corruption à l’échelle nationale et mondiale. Elle a évoqué la mise en œuvre des sanctions à l’encontre de la Russie, affirmant que les banques suisses «se surpassent» sur ce front.

«Les méchants de James Bond n’ont plus de comptes bancaires en Suisse parce qu’au cours des dernières décennies, nous avons mis en place un système robuste de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme», a-t-elle déclaré. «Nous pensons qu’une place financière saine est importante pour l’économie suisse, tout comme l’intégrité financière. Le secteur financier représente environ 10% de notre PIB.»

À ce propos, Transparency International considère que les banques sont «généralement mieux réglementées», mais elles continuent à apparaître dans presque toutes les grandes affaires de blanchiment d’argent. L’ONG déplore entre autres les pratiques douteuses du numéro deux bancaire helvétique Credit Suisse, accusé par l’enquête «Suisse Secrets» d’avoir hébergé des milliards pour une clientèle sulfureuse.

«Les autorités suisses doivent faire davantage pour identifier et sanctionner rapidement les défaillances du secteur bancaire», estime l’organisation. «De plus, le secret bancaire continue d’empêcher les journalistes suisses d’enquêter et de rendre compte des cas de corruption et de blanchiment d’argent impliquant des banques suisses.»

Adapté de l’anglais par Katy Romy

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