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Sabine Weiss, vedette de La Sérénissime

autoportrait
Autoportrait, 1953 Sabine Weiss

Dans le monde de la photographie internationale, elle occupe les premières loges. Décédée l’an dernier, Sabine Weiss est à l’honneur de Casa dei Tre Oci, à Venise, qui lui consacre une très belle rétrospective réunissant plus de 200 photos. En voici six, commentées par notre journaliste Ghania Adamo.

Humaniste! C’est une étiquette que tous les commentateurs lui collent, mais elle, Sabine Weiss, la refuse, l’effaçant d’un trait de sa voix bien calme: «Je n’aime être classée dans aucune catégorie, je suis une photographe complète». Elle sait qu’elle a raison, mais s’en excuse néanmoins: «Ce n’est pas très modeste ce que je vous dis là», lance-t-elle dans un sourire à son interlocuteur. On l’écoute parler avec bonheur dans l’un des trois films documentaires qui complètent l’exposition consacrée à l’artiste suisse. Cette très belle rétrospective vénitienne, intitulée «Sabine Weiss. La poésie de l’instant», est à l’affiche jusqu’au 23 octobre prochain. 

Née dans le canton du Valais en 1924, et décédée en 2021, à Paris où elle vivait, Sabine Weiss est véritablement cette photographe «complète». Son objectif embrasse des horizons très variés, de l’Europe à l’Amérique, en passant par l’Asie; observe tous les âges de la vie, de l’enfance à la vieillesse; et s’aventure dans les multiples couches de la société: personnes démunies ou riches, anonymes ou célèbres, écrivains ou artistes, dont elle-même. En témoignent 200 photographies réunies donc à la Casa dei Tre Oci, magnifique édifice du début du XXe siècle, situé sur l’île de la Giudecca, face à Venise et à son majestueux Palais des Doges. Notre choix de photos:

Woman in Venezia
Venise, Italie, 1950 Sabine Weiss

Cinq minutes de traversée en vaporetto pour passer de la Place Saint-Marc à la Giudeca. Le visiteur, qui croit laisser derrière lui le Palais des Doges, le retrouve une fois franchies les portes de l’exposition. La majestueuse colonnade du mythique Palais est mise en perspective dans cette photo prise en 1950. Un clair-obscur qui semble hors du temps. Dans l’enfilade de colonnes, Sabine Weiss debout, de profil, tête tournée vers une caméra cachée. Sur le sol, son ombre. À ses pieds, Venise. Un instant de poésie, et la voilà vedette de La Sérénissime. Savait-elle à l’époque que sa célébrité la ferait revenir à Venise après sa mort?

Alberto Giacometti
L’artiste Alberto Giacometti, Paris, France, 1955 Sabine Weiss

L’alchimiste, pourrait-on dire ici d’Alberto Giacometti que Sabine Weiss a photographié en 1955. L’auteur de «L’Homme qui marche» est figé. Son regard fixe la caméra, mais son esprit est ailleurs. Dans son atelier, qui ressemble à un laboratoire souterrain bien encombré, il semble s’interroger: comment mettre de l’ordre dans ses idées et ses compositions artistiques? Au fond de lui, il admet peut-être que le talent est une affaire secrète, une alchimie qu’aucune formule ne saurait expliquer.

Man running
L’homme qui court, (Hugh). Paris, France, 1953 Sabine Weiss

«L’homme qui court» ici est Hugh, le mari de Sabine Weiss; c’est elle qui le précise. Mais pris de dos, il peut se confondre avec n’importe quel individu cavalant dans la brume du soir. Une atmosphère mystérieuse plane sur ce cliché réalisé en 1953, l’année où fut créé «En attendant Godot» de Samuel Beckett. Il y avait à cette époque une complicité intellectuelle entre les artistes et écrivains vivant à Paris. Les personnages de Beckett espéraient un être surnaturel qui les délesterait du poids de leurs inquiétudes. Sabine Weiss y a-t-elle pensé? Après qui «l’homme» court-il?

New York
New York, USA, 1955 Sabine Weiss

Le New York des années 1950. Moins intimiste que les précédentes, cette photo fait glisser la réflexion dans l’espace public. Ironique, elle s’arrête sur une image qui caricature le militantisme religieux pratiqué dans la rue. Une affiche sous forme de bande dessinée recommande le salut de l’âme, tandis que juste derrière flotte le drapeau américain. Patriotisme et foi, même combat, toujours en vigueur aux États-Unis.

Portugal
La danse du dimanche, Nazaré, Portugal, 1954 Sabine Weiss

Légèreté et allégresse. Elles qualifient les pays latins, en général. Au Portugal, dans la ville côtière de Nazaré, un bal est donné dans une clairière. C’est dimanche, est-il dit dans le cartel d’exposition. L’atmosphère est évaporée. Deux femmes s’amusent en dansant, des hommes se contentent de les reluquer, certains avec convoitise. Les enfants, que Sabine Weiss a beaucoup valorisés dans son oeuvre, apportent à la fête du dimanche sa part sacrée.

Yves Saint-Laurent
Yves Saint-Laurent, première collection pour Dior, pour Life Magazine, 1958 Sabine Weiss

Autre fête autre style, celui-là bien moins populaire. Sabine Weiss a collaboré avec de célèbres magazines people, dont Life pour lequel elle réalise cette photo. Nous sommes en 1958. Yves Saint-Laurent signe alors sa première collection pour Christian Dior. Luxe et volupté! Un roi au milieu d’irrésistibles princesses. En un mot, une cour! Celle de la haute couture.

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