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Hard rockin’ Solothurn!

Krokus, époque poupées américaines. Image tirée du film «Krokus, as long as we live»

Qu’est-ce qui peut réunir la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, le groupe de heavy metal Krokus et le cinéma suisse?

Les 39e Journées de Soleure, dont les portes se sont ouvertes lundi en fin d’après-midi.

Cohue. Quinze minutes avant le début de l’ouverture officielle de la manifestation, les portes se ferment. De très nombreux spectateurs, parmi lesquels des invités, des journalistes, veulent entrer. Pas question, répondent les vigiles, aussi souriants que les Hell’s Angels lors du concert des Stones à Altamont.

Non loin de moi, un journaliste venu d’Inde spécialement pour les Journées de Soleure. Son cas ne fera pas fléchir les chiens de garde. Une salle pleine est une salle pleine, on ne va pas commencer à discutailler, mmh?

Si le cinéma suisse, éternellement en crise, veut s’attirer l’intérêt des médias, il faudra d’abord qu’il apprenne à s’organiser…

L’heure des discours

Alors que les refoulés s’éclipsent, échaudés, dans la salle, l’heure est aux discours. Ivo Kummer, directeur du festival, indique que son équipe a visionné 20’000 minutes de cinéma pour établir le programme de cette 39e édition.

«Nous avons découvert une Suisse qui peut parfois sembler grotesque, exotique et si peu suisse!», constate-t-il. Et compare le cinéma à un sismographe, qui illustre parfaitement les mutations de la société.

Accueillie comme une star, la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey lui succède, qui insiste sur la dimension voyageuse d’un film, «moyen idéal d’auto-représentation culturelle sur le plan international». Ainsi que sur la volonté qu’a son département de contribuer à exporter la culture suisse en général, le cinéma en particulier.

Et lorsque soudain la ministre des Affaires étrangères évoque le nom de Krokus, on se demande si elle va se métamorphoser en ‘rock-critic’ avisée… Pas vraiment. Disons plutôt qu’elle récupère habilement la destinée des rockers suisses alémaniques pour illustrer son propos.

«Krokus… ils nous rappellent que les Suisses ont toujours eu cette envie d’aller et venir, de voir au-delà des montagnes. Ils ont bien souvent rapporté dans notre pays des impulsions nouvelles de leur périple. La pluralité des cultures, des modes de pensée ou d’agir ne doit dès lors pas nous faire peur. La Suisse est riche de cette diversité, son cinéma le prouve. A nous, à vous, de faire qu’il le reste», dit-elle.

«Metal Rendez-vous»

Qu’Elizabeth II ait métamorphosé Mick Jagger en Lord, la chose a pu étonner. Comment? Le voyou lippu des sixties anobli par la reine? Shocking. Toutefois, on sait les Anglais facétieux.

Mais que les Journées de Soleure, plutôt cérébrales, vitrine d’un cinéma suisse souvent austère, s’ouvrent par un hommage à un groupe de heavy metal, voilà qui relève d’une véritable révolution.

«Krokus, as long as we live», c’est un documentaire tout neuf, signé par le Zurichois Reto Caduff, sur le groupe le plus célèbre du rock helvétique, né en 1974 à Soleure justement.

Tout d’abord un groupuscule de cinq copains, impatients de trouver un exutoire à la «frustration des brumes du pied du Jura», selon la jolie formule du bassiste Chris von Rohr, l’un des fondateurs de Krokus, aux côtés notamment du guitariste Fernando von Arb.

Influences bluesy-psychédéliques pour commencer. Puis la claque d’un concert d’AC-DC, à Zurich: «Le choc! Nous, on était à Soleure, et ça se ressentait dans notre musique», constate l’un des musiciens. En effet, Soleure n’est ni Los Angeles, ni Sydney.

L’arrivée du chanteur maltais Mark Storace va ‘survitaminer’ la machine, l’album «Metal Rendez-vous» en est l’illustration. Et Krokus va partir conquérir le monde. L’Europe d’abord, les USA ensuite.

«As long as we live»

Un documentaire comme un autre? Oui, dans son principe: alternance d’images d’archives et de témoignages récents. Mais la richesse des composants apporte une dimension particulière à l’affaire.

Il y a le conte de fées, avec les cinq petits gars de Soleure qui n’en reviennent pas d’être stars. Il y a la musique et le sexe: «On avalait les filles par packs de six!», se souvient l’un des musiciens.

Il y a aussi le drame. L’arrivée des dissensions, des problèmes d’argent, pétages de plomb et autres conflits d’ego. Le démembrement du groupe, la dérive musicale due à des managers peu regardant en matière d’authenticité. Enfin, la mort de l’un des anciens membres, le guitariste Tommy Kiefer.

Grandeur et décadence. «En étant toujours sur la route, tu te perds», constate Chris von Rohr, poète tendance Jack Daniel’s.

2003. Les membres de Krokus ont réintégré la Suisse. La bourgade de Soleure, qui étouffait tant les jeunes rockers, sert de décor aux retrouvailles de Fernando von Arb et Chris von Rohr. Les brumes du pied du Jura sont aussi au rendez-vous. «Je suis content de vieillir ici», dit l’un d’eux.

Apaisement, et apparence de réconciliation. Apparence seulement, car dans le «Krokus» qui est ressuscité de ses cendres l’année dernière, ne figure autour de Fernando von Arb aucun autre membre originel du groupe.

The show must go on…

swissinfo, Bernard Léchot à Soleure

– Les Journées de Soleure se tiennent jusqu’au 25 janvier et présentent un panorama du cinéma suisse, tous genres confondus: fiction, documentaire, animation, courts et longs métrages.

– La 39e édition a été inaugurée lundi en fin d’après-midi, en présence notamment de la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey.

– C’est le film «Krokus, as long as we live» qui a fait l’ouverture. Un portrait du célèbre groupe de hard rock, né en 1974 à Soleure justement. Un film signé par le journaliste et réalisateur zurichois Reto Caduff, établi aux USA depuis une dizaine d’années.

– Krokus est le groupe suisse qui a connu le plus important succès international, à travers des albums comme «Metal Rendez-Vous», «Headhunter» ou «Hardware».

– Après avoir connu une sérieuse éclipse au cours des années 90, Krokus a publié avec succès l’album «Rock the Block» en 2003. Un double live, «Fire & Gasoline», retraçant la tournée européenne consécutive, sort ce 24 janvier.

– Le groupe est actuellement composé de Marc Storace (chant), Fernando von Arb et Dominique Favez (guitares), Tony Castell (basse) et Patrick Aeby (batterie).

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