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«L’Afrique fait un homme ou le brise»

Outre les aspects idéologiques et diplomatiques, l'étude sur l'émigration suisse au 20e siècle se penche sur la destinée des Suisses dans plusieurs parties du monde.

Elle fait notamment la lumière un phénomène mal connu: l’émigration vers l’Afrique.

Les recherches sur l’émigration suisse vers le «continent noir» ont été particulièrement négligées. Peut-être en raison de non nombre relativement limité. Sur 600’000 Suisses actuellement installés à l’étranger, seuls 17’500 le sont en Afrique.

La principale colonie suisse d’Afrique se trouve en Afrique du Sud, où vivent 8600 Suisses de l’étranger. Mais on trouve aussi des colonies de quelques centaines d’Helvètes en Egypte, en Tunisie, au Maroc, au Kenya, au Cameroun, au Zimbabwe, au Sénégal ou au Ghana.

Destination Ghana

C’est justement le cas de ce dernier pays, le Ghana, que les auteurs de l’ouvrage ont choisi pour étudier et illustrer cette émigration vers l’Afrique.

Les premiers Suisses qui se sont rendus au Ghana – l’ancienne Côte d’or – au 19e siècle appartenaient presque tous à deux sociétés bâloises: la «mission bâloise» et la «société bâloise de commerce».

Ces deux sociétés ont fourni le gros de la colonie suisse jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Mais diverses petites entreprises suisses se sont également établies dans la région, parmi lesquelles une brasserie et une entreprise de construction.

«C’était une belle époque», se souvient Paul Rutishauser. Désormais à la retraite, ce pasteur réformé de Kreuzlingen a appartenu à la «mission bâloise» du Ghana de 1961 à 1970. Il enseignait dans une école de théologie destinée aux Noirs.

Un monde de Blancs

La vie des Suisses n’était pas très différente de celle des autres Blancs installés en Afrique noire. Ils cultivaient un mode de vie très européen.

Les Blancs occupaient des postes importants dans les entreprises européennes. Cette position leur permettait de jouir d’un niveau de vie supérieur à celui qu’ils auraient eu en Europe. Et pour les Suisses aussi, le Ghana offrait davantage de revenus et de possibilités d’ascension que la mère patrie.

Un Suisse établit depuis des années au Ghana témoigne de ces opportunités offertes par l’Afrique. Ne disposant pourtant que d’une formation commerciale de base, il s’est hissé jusqu’au poste de directeur général d’une société de commerce européenne. «Au Ghana, je suis quelqu’un», affirme-t-il.

Mais tous les Suisses du Ghana n’ont pas réussi à trouver leur voie dans ce pays, de loin s’en faut. Beaucoup se sont sentis frustrés dans cette Afrique tropicale. Il n’est pas rare que certains se soient mis à boire et aient été contraints de quitter prématurément l’Afrique de l’Ouest.

«L’Afrique fait un homme ou elle le brise», résumait un jour très justement une Suissesse du Ghana.

Difficiles contacts avec les Ghanéens

«Je suis allé au Ghana avec des sentiments partagés, raconte Paul Rutishauser. J’étais conscient que la mission était l’héritière du colonialisme et de tous ses côtés sombres. Mais j’ai été soulagé, car les Ghanéens ne m’ont jamais montré de ressentiment à ce propos.»

Cependant, les contacts entre Blancs et Ghanéens sont généralement restés l’exception. Même longtemps après 1945, l’attitude des Blancs envers la majorité noire a été empreinte de clichés racistes et de préjugés. Les Noirs étaient considérés comme paresseux, stupides, menteurs et voleurs.

Paul Rutishauser dit n’avoir constaté que peu de comportements racistes parmi les Suisses. Mais il est vrai que les missionnaires montraient généralement une bien plus grande compréhension pour les Ghanéens que les marchands.

«En tant que missionnaires, nous devions beaucoup plus nous intéresser aux Ghanéens, précise-t-il. Or j’ai toujours constaté que les Blancs qui s’expriment d’une façon désobligeante sur la culture noire ne la comprennent pas.»

swissinfo, Felix Münger
(traduction: Olivier Pauchard)

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