
La paix au cœur d’une école bilingue en Israël

Initiative rare au milieu des combats, une école mixte arabo-hébraïque connaît un succès grandissant à Jérusalem.
Elle est soutenue par la «Jerusalem Foundation», dont l’antenne suisse a lancé jeudi un appel de fonds pour l’agrandissement de l’école.
Les bombes ont à nouveau repoussé les espoirs de réconciliation en Israël. Mais il en faudrait beaucoup plus pour décourager Ala Khatib et Yaffa-Shira Grossberg, deux enseignants travaillant dans une école dont l’existence même est un défi à l’actualité.
Le principe de mixité
Lui, arabe de formation scientifique, est codirecteur du Centre pour l’éducation arabo-juive de Jérusalem. Elle, juive, éducatrice, enseigne à une classe de deuxième année. Ils étaient jeudi à Zurich, invités par la Jerusalem Foundation Zurich.
L’école applique le principe de mixité à tous ses échelons: chacune des cinq classes actuelles (du jardin d’enfants à la quatrième année) compte pour moitié des enfants arabes et pour moitié des enfants juifs, qui sont aussi en proportions égales filles et garçons.
La direction est aussi bicéphale, arabe et juive, et l’enseignement est donné par deux personnes présentes simultanément en classe, l’une arabe et l’autre juive. Seules les branches spécialisées sont enseignées séparément.
Encourager la tolérance
L’école veut transmettre les valeurs d’égalité, de tolérance et la compréhension mutuelle. L’apprentissage de la langue de l’autre est un premier pas nécessaire.
«Pour certaines personnes, cela ressemble à de la science-fiction, admet Ala Khatib, mais nous sommes reconnus par le gouvernement!» L’école a même suscité une réforme du système scolaire, qui autorise désormais la mixité. Jusque-là, la loi exigeait une stricte séparation.
Ouvertes en 1997, les deux écoles bilingues, soutenues par la Jerusalem Foudation, doivent chaque année s’agrandir, tant la demande est grande. Actuellement, 123 élèves étudient dans l’établissement de Jérusalem (l’autre est en Galilée). La rentrée prochaine, ils seront 205.
Population favorable
«Nous connaissons chaque année une croissance de 20%, précise Ala Khatib et, selon un sondage réalisé dans la capitale, un tiers de la population serait intéressé par une école mixte.»
L’école implique aussi beaucoup les parents dans ses activités. «Nous donnons par exemple des cours d’arabe aux parents juifs, note Yaffa-Shira Grossberg.»
Particularité de l’école: tous les congés religieux étant respectés – chrétiens, juifs, musulmans – il faut rallonger les heures de cours pour accomplir le programme! Les élèves sortent ainsi de l’école à 15h30, au lieu de 13h30, terme officiel des journées scolaires dans le pays.
Des cours d’histoire
L’école ne fait pas l’économie de sujets sérieux ou tragiques: les attentats sont discutés, chacun est invité à dire ses sentiments.
Les cours d’histoire religieuse sont basés sur des lectures de la Bible, de la Torah et du Coran. Quant aux cours d’histoire, Yaffa-Shira Grossberg explique qu’ils font toujours l’objet d’une discussion préalable.
«Nous nous demandons quels sujets traiter et quels mots employer. Souvent, en fin de compe, nous parlons de ces problèmes avec les élèves eux-mêmes.»
Origines sociales diverses
Les élèves viennent de toute la ville de Jérusalem. Ils ne sont pas sélectionnés, les premiers inscrits trouvent une place. Toutes les couches sociales sont représentées, assure Ala Khatib.
«Nous ne sommes pas une école privée, précise Yaffa-Shira Grossberg. Mais, comme dans les autres écoles publiques, les parents sont sollicités pour compléter le budget, car l’Etat ne finance pas suffisamment les écoles.»
L’école bilingue est ainsi financée à 75% par l’Etat et, pour le reste, par les parents et les dons privés. «Si des familles ont des difficultés, nous les aidons, selon nos possibilités», ajoute le codirecteur.
Agrandissement
Avis aux donateurs: l’antenne suisse, la Jerusalem Foundation Zurich, veut participer au financement de l’agrandissement de l’école. La première tranche des travaux est devisée à 3,34 millions de dollars, sur un total de 8,9 millions.
La future école sera située entre le quartier juif de Gonen et le quartier arabe Beit Safafa. Tout un symbole.
Symbolique également, l’anecdote racontée par Yaffa-Shira Grossberg pour montrer que le chemin vers le rapprochement des cultures est long et escarpé: lors d’une sortie à un spectacle organisé pour toutes les classes de la ville, un de leurs élèves, juif, semblait mal à l’aise.
Il était assis près des élèves d’une école arabe, composée uniquement de garçons. Interrogé sur son malaise, il a répondu, après avoir hésité, «ah, ils sont donc comme ça, les vrais Arabes »…
swissinfo, Ariane Gigon Bormann à Zurich
– Actuellement, 123 élèves étudient au Centre pour l’éducation arabo-juif de Jérusalem. La rentrée prochaine, ils seront 205.
– La Jerusalem Foundation a été créée en 1966 pour encourager le dialogue et la coopération entre les différents groupes de population de la ville et pour faire de la capitale un modèle de coexistence pacifique.
– L’enseignement bilingue arabo-hébraïque est basé sur une initiative de l’organisation arabo-israélienne «Hand in hand», reconnue par l’UNESCO.
– L’école, ouverte en 1997, est financée à 75% par l’Etat, le reste étant pris en charge par des fonds privés.
– Un projet d’agrandissement à 20 classes et à tous les niveaux scolaires est en cours.

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