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L’amour qui tue

Ted (Fabrice Benard) et Francis (Roland Bertin), écrivains et amants. SP

Joël Jouanneau crée au Théâtre de Vidy-Lausanne «Madame on meurt ici!» du Français Louis-Charles Sirjacq.

Sur scène, deux hommes, écrivains et amants, se livrent un combat sans merci.

Bien sûr, Jean Genet rôde dans la petite salle de Vidy. Et comment ne le ferait-il pas, puisqu’on lui emprunte ses propres mots pour en faire le titre d’une pièce que le Français Louis-Charles Sirjacq signe en poussant sa plume sur les braises de l’amour.

De l’amour qui tue: «Madame on meurt ici!». C’est le cri de Genet dans son célèbre poème «Le condamné à mort».

Cri d’extase, secousses des corps et immense révérence à la jouissance, que Genet tire en beauté: «Au secours, nous bougeons! Emportez nous/ensemble, Dans votre chambre au ciel, Dame de la merci.»

On croyait que l’esprit de Genet vivifierait le texte de Sirjacq. Il n’en est rien, hélas. Ce dernier donne dans le banal. Son sujet? La rivalité entre deux hommes: Francis (Roland Bertin) et Ted (Fabrice Benard), écrivains et amants.

Combat d’homos et de mots

L’un, plutôt vieux, réécrit les Grecs. L’autre, encore jeune, ambitieux et rapace, s’escrime sur des vaudevilles. Elégance contre vulgarité. Affranchissement de l’esprit contre appétit sexuel débordant.

En la matière, le théâtre en a vu d’autres. Sirjacq le sait. Il tente une percée vers le moderne en jouant sur deux tableaux. D’un côté, les amours homosexuelles qu’il aborde d’une manière artificielle. De l’autre, la littérature, celle qui oppose la vieille et la nouvelle garde.

Combat d’homos et de mots, donc, que le metteur en scène Joël Jouanneau règle comme «un match de boxe»; il le dit lui-même.

A l’appui de sa démonstration, un punching-ball (décor Jacques Gabel). Défouloir sur lequel Ted passe sa rancœur, avant d’entamer, en final, une danse de mort où les gestes extrêmes deviennent libération.

Face à lui, Francis, immense Roland Bertin qui fait le spectacle à lui tout seul. Il incarne la nécessité du vrai devant les accommodements du commerce social. D’un pas sûr, il avance vers le désastre, sous le ciel rougeoyant (lumière Franck Thévenon) de la tragédie intime.

swissinfo/Ghania Adamo

«Madame on meurt ici!», à Lausanne, Théâtre de Vidy; jusqu’au 22 décembre. Tel: 021/619 45

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