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L’art comme palliatif à la vitesse

Adel Abdessemed: «Habibi», 2003. I. Kalkkinen, Genève

A Genève, le Mamco (Musée d'art moderne et contemporain) entame le septième et dernier épisode de son cycle d'expositions «Rien ne presse».

Son directeur, Christian Bernard, s’exprime à cette occasion sur les enjeux d’un cycle qui questionne notre époque, les guerres et le stress qu’elle engendre.

Christian Bernard n’est pas seulement un homme féru d’art. Il est aussi un fin linguiste qui n’hésite pas à manier la métaphore pour exprimer sa pensée. Ou mieux, pour esquisser d’un trait les lignes d’un cycle d’expositions, présenté au Mamco (Musée d’art moderne et contemporain), à Genève.

Dans cette institution qu’il dirige est donc proposée, jusqu’au 12 septembre, «E la nave va», septième et dernière séquence du cycle «Rien ne presse/Slow and Steady/ Festina Lente», initié en 2002.

Soixante mille visiteurs environ ont pu apprécier ces séquences enrichies de peintures, de sculptures, de bandes vidéo ou d’installations interactives réalisées par des centaines d’artistes contemporains, de différentes nationalités. Pour les avoir vues, on pourrait dire qu’elles reflètent l’idée d’un désordre mondial.

Désordre né des conflits armés (ceux vécus en Irak, notamment) et des guerres marchandes, mondialisation oblige. Mais désordre engendré également par le stress de notre époque, auquel fait pendant, de façon satirique, la lenteur suggérée dans le titre du cycle.

«Rien ne presse»

«Rien ne presse», en effet, dans l’univers éthéré des artistes au rang desquels on pourrait placer Christian Bernard, lui qui cite les philosophes pour filer la métaphore de la lenteur.

«Festina Lente, observe-t-il, est une expression de Nietzsche pour dire que toute hâte est vulgaire et dangereuse. Lorsqu’on est en charge d’un musée, on doit savoir porter un regard sur la société comme elle va et sur le monde de l’art comme il vit».

Et de préciser: «Nous ne prétendons pas être toujours sur la brèche. Ce que nous voulons avant tout, c’est proposer à nos visiteurs l’espace d’un recul». Et le temps d’une respiration, voudrait-on ajouter.

«Recul pris vis à vis des valeurs établies par notre époque», poursuit Christian Bernard. En témoigne «Rien ne presse» qui sollicite un regard différent, celui d’artistes délestés du poids des précipitations politiques ou commerciales.

«Nous nous sommes employés au cours de ce cycle, confie encore le directeur du Mamco, à mettre l’accent sur la sensibilité historique des artistes et sur leur désir de parler de la violence du monde».

Dans l’une des séquences du cycle était exposée, par exemple, une grande toile du peintre français Gérard Fromanger, intitulée «Peinture d’Histoire de toutes les couleurs».

«Réalisée durant la première guerre du Golfe, cette oeuvre, explique Christian Bernard, illustre un dilemme. D’un côté, l’impossibilité de peindre l’Histoire – au sens académique du terme. De l’autre, l’impossibilité de faire autre chose que de peindre une guerre qui ne cesse de recommencer».

Voilà qui résume l’inquiétude de nombreux artistes invités à présenter leurs oeuvres dans le cadre de «Rien ne presse».

swissinfo, Ghania Adamo

«E la nave va» est le septième et dernier épisode du cycle «Rien ne presse».
A voir à Genève, Mamco, jusqu’au 12 septembre.
Tel: 022.320.61.22.

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