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La machine du cinéma américain

«Insomnia», «The Bourne Identity», «Signs» sur la Piazza. Mais aussi «One Hour Photo» en compétition... En cette fin de festival, le cinéma made in USA ratisse large.

Il est bon de s’immerger dans des approches cinématographiques nouvelles. Mais il peut être bon également de se plonger dans des formes certes convenues, mais parfaitement maîtrisées.

Elément alors indispensable: un récit fort et si possible original. Dans cette salve américaine, il y a du décevant, du conventionnel, et du vraiment très bon. Du pire au meilleur, coup d’œil sur quelques fictions, projetées en première européenne ou en première mondiale à Locarno, et que vous découvrirez prochainement sur vos écrans.

Tendance ‘héros bouleversé’

Pourquoi choisir un genre alors qu’on peut tout mélanger dans un seul film et donc en mettre plein la vue aux ados ébaubis? C’est ce qu’a dû se dire M. Night Shyamalan en préparant «Signs». A ce réalisateur d’origine indienne, on doit déjà «Le Sixième sens» (1999) et «Incassable» (2000).

Un beau matin, un révérend défroqué (Mel Gibson) trouve des traces immenses et étranges dans son champ de maïs. Des traces comme celles qui avaient fait fureur dans les années 80, et qui n’étaient qu’un canular. Mais là, ça n’en est pas un: les E.T. ont débarqué pour de vrai.

Science-fiction (les extra-terrestres), film d’aventure (ils sont méchants), mélo (le héros a dramatiquement perdu son épouse il y a peu)… Pourquoi pas. Mais le film se conclut de surcroît par un élan bigot parfaitement indigeste.

Le héros, qui avait renié Dieu suite au décès de sa femme, retrouve sa foi après que son fils a été ‘miraculeusement’ sauvé des griffes d’un E.T. et d’une méchante crise d’asthme.

«Signs»… Evidemment, on y sursaute, on y frisonne, on y est ému par les relations père/fils. Mais à la fin, on est très contrarié d’avoir partiellement marché dans l’affaire.

Tendance ‘héros traditionnel’

«The Bourne Identity» de Doug Liman… Un athlétique jeune homme (Matt Damon) est repêché en Méditerranée. Percé de balles et amnésique, il n’a pour seul repère qu’un numéro de compte dans une banque zurichoise.

Sa maîtrise des langues et des techniques de combat, ainsi que l’énergie que développent des méchants agents secrets pour le dégommer l’amèneront tardivement à comprendre qu’il en est également un.

Un espion amnésique? S’agit-il d’une adaptation de la bande dessinée «XIII»? Non, celle d’un roman de Robert Ludlum. C’est bien fait, plein de castagnes, et d’improbables pirouettes.

Mais au-delà d’une belle poursuite en Mini-Cooper dans les rues de Paris, pas grand chose à retenir de ce film d’espionnage, où tout est parfaitement convenu. Le public applaudit comme au théâtre-guignol: normal, c’en est.

Tendance ‘héros ravagé’

«Insomina», de Robert Christopher Nolan… Dès le premier plan, vous savez que ça va rouler avec le confort d’une Rolls. Paysage infini de glacier, survolé par un hydravion. A l’intérieur de l’appareil, un super flic joué par Al Pacino, gueule burinée et voix usée.

Appelé en Alaska pour participer à une enquête, l’inspecteur de L.A. va vivre quelques jours cauchemardesques. La nuit, c’est pire, car il n’a même pas la possibilité de cauchemarder: l’insomnie est là, quotidienne. Fichu soleil de minuit!

En Alaska, il va involontairement tuer un homme. Sous l’œil du suspect qu’il recherche (Robin Williams). Ce dernier aura donc beau jeu de faire pression sur le policier. S’en suivra une étrange relation, mélange de haine et de complicité.

Et dans un climat d’épuisement et de délire, un véritable cas de conscience pour le policier. C’est poisseux, c’est tendu, et l’interprétation des deux stars est parfaite.

Tendance ‘anti-héros gentil mais psychopathe’

«One Hour Photo» de Mark Romanek… Lorsque vous donnez vos photos à développer dans un magasin, avez-vous déjà songé que des yeux étrangers vont fouiller votre intimité?

Sy Parish (Robin Williams, décidément très en forme) travaille dans une boutique de développement rapide. Conscient de l’importance qu’ont ces petits bouts de papier pour les intéressés, il est perfectionniste. Et observateur.

Bouffé par la solitude, il détourne les images de certains de ses clients, images qu’il punaise à son mur. Triste et tendre bernard-l’ermite, il vit par procuration, et surveille le quotidien de ceux auxquels il s’est ainsi attaché. Au point, lorsque soudain quelque chose le choque dans la vie des autres, d’y intervenir sauvagement.

Robin Williams, qui a des allures de Phil Collins du 9×13, est parfait dans le rôle du gentil solitaire méticuleux, psychopathe potentiel qui s’ignore. Et Mark Romanek réussit avec «One Hour Photo» un polar à la fois réaliste, lourd de suspense et réellement original.

swissinfo/Bernard Léchot à Locarno

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