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La musique ancienne dans l’air du temps

Jean-Michel Chabloz a lancé son festival il y a quatre ans déjà. swissinfo.ch

Le 4e festival de musique ancienne La Folia s’est invité ce week-end à Rougemont, dans les Préalpes vaudoises.

Avec, en vedette, deux clavecins en hommage à Vivaldi signés Jean-Michel Chabloz, l’un des rares facteurs de clavecins de Suisse.

«La cerise sur le gâteau, pour moi, c’est lorsque j’entends la ‘voix’ d’un clavecin que je viens de terminer. C’est comme une quatrième dimension.» Evoquant ce moment de vérité après trois mois de travail méticuleux, Jean-Michel Chabloz déborde d’enthousiasme.

Comme toute sa personne, du reste. Ce jeune homme dans la trentaine est facteur de clavecins et d’épinettes à Château-d’Oex, dans les Préalpes vaudoises. En Suisse, on les compte sur les doigts d’une main.

Il est passionné au point qu’il a créé en 2000 le Festival de musique ancienne, dans la magnifique église du village voisin de Rougemont. Le clavecin, ce n’est pas un peu démodé? «Pas du tout, on est étonné de voir que notre festival attire toujours plus de jeunes.»

Une dynastie du bois

Et puis, il faut dire que Jean-Michel Chabloz est issu d’une véritable dynastie. Fils, petit-fils et arrière-petit-fils de constructeurs de chalets dans cette région vouée à la forêt et au bois. Dont les épicéas sont du reste «réputés pour leur qualité acoustique».

Le travail du bois, dans la famille, remonte aux origines, au 15e siècle. Les armoiries montrent en effet deux épicéas et un «chable», un treuil permettant de descendre les sapins dans les couloirs à avalanches. Un outil de bûcheron auquel la famille Chabloz doit son nom.

«Moi, l’industrie ne m’attirait pas et j’ai opté pour un travail plus fin, plus artistique – enfant, je voulais devenir peintre», se souvient Jean-Michel. Formé à Amsterdam, il a fabriqué une quinzaine d’instruments depuis ses débuts, en 1996.

Trop noble pour la Suisse

Son travail consiste à copier des instruments anciens, sur commande de musiciens. «Je ne vois pas toujours l’original, mais je travaille sur les plans existants, qui sont parfois rudimentaire», raconte le facteur de clavecins.

La principale difficulté, c’est d’égaler la très grande précision des instruments anciens. C’est du reste la réalisation des claviers qui est la plus délicate.

«Le style aussi est important, avec des caractéristiques propres aux écoles de musique. On dit qu’un instrument a la même voix que les gens de son pays de fabrication, que ce soit l’Italie, la France, l’Allemagne, la Flandre ou l’Angleterre.» Ce caractère se définit par le design, la forme de l’instrument.

L’entreprise Chabloz Clavecins s’est faite connaître peu à peu en louant ses instruments pour des concerts et festivals (Montreux, Tibor Varga, Bach, etc.). Puis les commandes sont arrivées.

«J’ai deux instruments à Paris et j’ai un contact avec la Chine, actuellement», indique le facteur, qui, grâce à Internet, est en train d’élargir son potentiel hors de la vieille Europe.

«Il n’y a jamais eu de grand facteur suisse, car le clavecin ainsi que l’épinette flamande et anglaise étaient des instruments de roi, de cour.» Trop nobles pour les Helvètes aux bras noueux.

Les Quatre Saisons dans tous leurs états

Mais, justement, Jean-Michel Chabloz est en voie de réaliser son rêve: créer une collection de deux clavecins et deux épinettes en bois ancien, et décorés à la façon des meubles montagnards. Par exemple une «Poya» (montée à l’alpage), des scènes champêtres ou une grue, symbole de la Gruyère toute proche.

Un clin d’œil, puisque cet instrument noble s’il en est, pouvait être décoré de riches incrustations, de marqueteries savantes ou de peintures signées des plus grands noms, comme Rubens.

Baptisée Les quatre saisons, cette collection rend hommage au grand maître italien qu’était Antonio Vivaldi. Les deux clavecins déjà terminés (L’hiver et Le Printemps) figurent parmi les vedettes du festival, ce week-end.

«Ruedi Lutz, un improvisateur génial de Saint-Gall, va nous faire vivre des moments de folie», se réjouit Jean-Michel Chabloz. Qui rappelle que la musique baroque ou Renaissance, «très libre et folklorique», ne s’écrivait pas, mais s’improvisait.

Ce qui ne s’improvise pas, ce sont les instruments estampillés Chabloz: «Peut-être qu’ils seront restaurés un jour, dans deux ou trois cents ans…»

swissinfo, Isabelle Eichenberger

– Le 4e festival de musique ancienne La Folia s’est tenu du 19 au 23 mai à l’église de Rougemont, dans le Pays d’Enhaut vaudois.

– Après le clavecin, la voix et la flûte l’année en 2003, La Folia s’est concentrée cette année sur les instruments à cordes. Des Quatre Saisons de Vivaldi aux concertos de Bach, le programme offrait aussi des improvisations, la spécialité de La Folia.

– Quatre des cinq concerts ont été enregistrés par RSR Espace 2.

– L’église de Saint-Nicolas, construit vers l’an 1080 par des moines de Cluny, fut le 1er bâtiment de la vallée.

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