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Le documentaire suisse s’invite au bord du Tage

«God no say so» (Dieu dirait non), de Brigitte Uttar Kornetzky, un subtil recueil de témoignages en Sierra Leone, présenté à Lisbonne. kornetzky.ch

Evènement automnal incontournable, le Doclisboa - festival du documentaire à Lisbonne qui dure jusqu'au 24 octobre - rend cette année un hommage à la Suisse avec une section spéciale consacrée à la production helvétique.

Doclisboa, le festival du documentaire Lisboète, a vu grand pour sa VIIIe édition. C’est d’ailleurs de l’aveu même de son programmateur, Augusto M. Seabra, «le plus grand jamais réalisé».

Par sa diversité: compétitions officielles de courts et longs métrages, ses avant-premières, ses masterclass, ses rétrospectives de poids (Joris Iven, Jorgen Leth, Max Ophuls), et par sa qualité, Doclisboa est une fois encore un must du documentaire en Europe.

Durant onze jours, Doclisboa propose quelque 204 films très différents. Pour juger de la dimension de ce festival, il suffit de s’intéresser à la rétrospective Joris Ivens, le cinéaste hollandais, que les organisateurs de Doclisboa présentent comme le «père» du documentaire moderne. Pas moins de 39 de ses films sont montrés à Lisbonne, un fait très rare dans l’histoire du cinéma.

Identité suisse

Qu’est-ce donc qu’être Suisse? Augusto Seabra, écrivain, critique de cinéma et programmateur du Doclisboa, dans un article remarqué, publié dans Le Monde Diplomatique (édition portugaise) soulève la question de l’identité suisse, victime la plupart du temps des stéréotypes de cartes-postales, égratignés dans les années 70 par la vague du cinéma suisse de langue française avec Tanner, Goretta, Soutter ou Yersin.

Puis, il a fallu attendre Fredi Murer et Richard Dindo pour secouer l’image d’Épinal. «La logique suivie par le Doclisboa était donc de «donner à voir» une vitalité contemporaine, et c’est parce que la Suisse possède un cinéma de qualité et de grands cinéastes qu’elle mérite de figurer dans l’hommage que nous rendons à un pays chaque année», renchérit Sergio Tréfaut, directeur du festival.

«Il y a un positionnement politique très clair du festival: montrer des exemples différents de ce que l’on voit ici au Portugal. Et, dans le cas de la Suisse, montrer un documentaire financièrement mieux soutenu, et distribué généralement dans les salles», précise le directeur du Doclisboa.

L’hommage au documentaire suisse n’est pas la seule surprise du festival, puisque le film «Dieu dirait non» (God no Say so) de Brigitte Uttar Kornetsky est dans la section compétition internationale et que trois films suisses figurent dans la section «Investigations».

Une politique payante

En 2009, la Suisse était l’invitée d’honneur du délicieux et imaginatif festival d’animation «Monstra». Toujours en 2009, le film «La Forteresse» de l’hispano-suisse Fernand Melgar avait ouvert la compétition officielle du Doclisboa . Et, en septembre 2010, ce fut au tour du festival de cinéma gay et lesbien Queer d’inviter le cinéma helvétique du genre.

«A ma grande surprise, la Suisse a tout de suite dit oui, et nous a concocté un programme de 24 films de qualité. Nous avons organisé un cocktail autour des cinéastes invités pour l’occasion à l’emblématique cinéma São Jorge de Lisbonne: un vrai succès. Pour moi, et en ce qui concerne le cinéma, Lisbonne c’est comme une éponge: il suffit d’apporter de l’eau pour augmenter ses capacités d’offre», explique avec humour Rudolf Schaller, l’ambassadeur suisse au Portugal.

Sa petite et dynamique équipe multiplie les initiatives pour pouvoir valoriser la culture suisse. Le résultat est payant, visible. Grâce à la résonance rencontrée chez Swissfilms qui finance la présence cinématographique helvétique dans les festivals du Portugal – et dans le monde.

Swissfilms a une stratégie de diffusion claire. «Nous pensons que nous ne pouvons pas avoir seulement un film en compétition internationale. Et que la cinématographie d’un pays ne se résume pas aux derniers films sortis en salles. C’est une histoire du pays à travers différents regards. Et c’est vrai que depuis 2 ou 3 ans on a une bonne cote à Lisbonne», commente Marcel Müller, chargé de programmes chez Swissfilms, qui considère que Doclisboa offre une programmation d’excellente qualité.

Richard Dindo encensé

Pour le directeur du festival Doclisboa, le documentaire suisse est parfaitement intégrable dans la programmation du festival: il s’agit de sortir des sentiers battus, permettre de découvrir ce qui, au Portugal, n’a guère d’espace de diffusion. Toutefois, les documentaires présentés à Doclisboa respectent les critères en vigueur: des films d’auteurs, historiques et quelquefois difficiles côtoient des films que Sergio Tréfaut le directeur du festival qualifie de «lyriques».

La critique a encensé «Che Guevara, le journal de Bolivie», de Richard Dindo, sur les derniers mois de la vie du révolutionnaire cubain à partir de son journal. Le public a répondu présent, comme pour «God no say so», subtil recueil de témoignages en Sierra Leone. «Les spectateurs ont compris, et se sont montrés intéressés par ma démarche. C’est un public averti, passionné et exigeant. Et Lisbonne est magnifique», se réjouit la cinéaste Brigitte Kornetsky.

Le critique Augusto Seabra n’a pas hésité à qualifier le cinéma suisse de «nomade». Une appellation qu’on n’aurait à priori pas attribuée à la production helvétique. Mais le panorama présenté au Doclisboa – comme dans les autres festivals – lui donne raison: les réalisateurs suisses sont allés poser leurs regards sur d’autres coins du monde. Ils en sont revenus avec des images bouleversantes.

Doclisboa est organisé par APORDOC association pour le documentaire créée en 1998 avec pour objectif de diffuser et promouvoir le documentaire.

En 2002, Apordoc se lance dans l’aventure Doclisboa lui donnant en 2006 ses caractéristiques actuelles: celui d’un festival largement ouvert au public.

Les records de fréquentation sont régulièrement battus (35’000 à 40’000 spectateurs). Doclisboa remet plusieurs prix, dont trois dans la catégorie internationale. Le premier, le prix de la Ville de Lisbonne est doté de 15’000 euros.

Eclectique, le Doclisboa invite les grands réalisateurs internationaux, rend hommage aux précurseurs, met en avant un pays, organise des masterclass gratuites, et multiplie les initiatives envers les jeunes.

Cette année, le Portugal est représenté par une quarantaine de réalisations. Doclisboa se déroule dans la seconde quinzaine d’octobre.

La section hommage de 2010 est consacrée à la Suisse. Le Doclisboa souligne que la politique helvétique de soutien au cinéma permet de maintenir une production de qualité et de surcroit distribuée en salles. A l’intérieur de cet hommage, un autre, celui rendu à Richard Dindo, auteur d’une trentaine de films presque exclusivement documentaires.

Dans la catégorie «Investigations», 3 films suisses: «Aisheen (still alive in Gaza)» de Nicolas Wadimoff; «La Cité du pétrole» de Marc Wolfensberger, «Il Nuovo sud dell’Italia» de Pino Esposito.

Dans la section Internationale, long format: «God no say so» de Brigitte Uttar Kornetsky.

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