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Le show de toutes les démesures

Ron Wood et Mick Jagger le mois dernier à Hanovre: It's only Rock n'Roll. Keystone

Charlie Watts et ses fantastiques Rolling Stones donnent samedi sur l'aérodrome militaire de Dübendorf le plus grand concert jamais vu en Suisse.

Normal, Charlie Watts et ses fantastiques Rolling Stones passent pour le plus grand groupe de rock du monde. Et c’est à un ministre qu’ils doivent d’avoir trouvé – pour leur onzième concert en Suisse – une enceinte à leur démesure.

Merci au confrère français à qui j’emprunte les premiers mots de cette intro. Car que dire de neuf des Stones après 45 ans de carrière? Si ce n’est que la Suisse les aime toujours beaucoup.

C’est d’ailleurs sur intervention personnelle de Samuel Schmid, ministre de la défense et des sports, qu’elle offre pour la première fois un site militaire à un groupe de rock. Après les 50’000 spectateurs de 2003 à Zurich, le pays n’a plus de stade assez grand pour la bande à Jagger.

A Bigger Bang

70’000 personnes et un budget de 10 millions de francs. Pour les Stones, c’est une bagatelle. En février, ils ont réuni entre un et deux millions de spectateurs sur la plage de Copacabana à Rio. Mais pour la petite Suisse, c’est énorme: l’équivalent de deux soirées à Paléo, le plus grand festival d’un été musical incroyablement riche.

«Ce sera bien le plus gros concert jamais vu dans ce pays», confirme Dano Tamasy, porte-parole de Good News, l’organisateur.

Une tournée des Rolling Stones, c’est toujours des chiffres à donner le vertige: 80 semi-remorques pour 1560 tonnes de matériel, 350 personnes pour monter une scène de 62 mètres sur 27, entourée de deux structures en métal hautes comme des immeubles de trois étages et surmontée d’un écran de 18 mètres sur 13.

Et parce que «the show must go on», tout ce matériel voyage en trois exemplaires à travers l’Europe. Histoire de ne pas attendre ici qu’on ait fini de démonter là.

A Dübendorf, il a encore fallu monter les gradins, les 50 stands de nourriture, les 400 toilettes et tout ce qui doit se trouver dans une enceinte de concert et qui ne se trouve pas sur un aérodrome militaire. Trois semaines de travail en tout.

Plus vraiment Satanic, mais toujours Majesties

Sans oublier les exigences des stars. Oh, trois fois rien, juste un hangar pour avions de combat reconverti en palace, avec moquette et tentures au plafond, meubles personnels, garde-robe et décoration.

Sans oublier une piste de 50 mètres pour l’échauffement de Sir Mick et une table de billard pour Ron Wood et Keith Richards, pour qui on lèvera l’interdiction de fumer dans la halle.

Elle est bien loin la roulotte du concert d’Altamount (1969) que l’on peut voir dans le film “Gimmie Shelter”. C’est qu’on ne voyage plus à 60 ans passés comme à 25. Et pour rallier la scène, le groupe se contente d’une limousine.

Mais bon, qui leur demande encore d’être des rebelles? Les plus assagis de leurs fans peuvent d’ailleurs suivre le concert depuis les 200 loges VIP installées sur les côtés de la scène, à 1500 francs la place, «dont 600 sont reversés à des œuvres de bienfaisance», précise Dano Tamasy.

Time is on my side

Côté répertoire, il est bien loin également le temps où Jagger et sa bande jouaient «les trois derniers albums, pour promouvoir les ventes, et juste quelques titres plus anciens». Les Stones, désormais c’est du patrimoine, alors comment en négliger les perles?

Les titres varient légèrement d’un soir à l’autre, mais on est à peu près sûr de retrouver “Jumping Jack Flash”, “Honky Tonk Women”, “Sympathy for the Devil”, “Midnight Rambler”, “Brown Sugar”, “Miss You”, “You Can’t Always Get What You Want” («Vous voulez chanter avec nous ? Vous connaissez cette chanson ?»)… et “Satisfaction”. Pour que les plus jeunes voient qui hurlait ça avant Britney Spears.

Et puisqu’il faut bien innover un peu, ils repiquent alternativement un titre à Bob Marley et un à Ray Charles. Les monuments rendent hommage aux monuments.

Till the next goodbye ?

«Cette tournée sera la dernière… avant les autres» disait Keith à la veille de leur précédent tour du monde, en 2002. Et celle-ci ? Pas d’annonce pour l’instant. Mais nombreux sont ceux qui voient les Stones faire de la scène jusqu’à leur dernier souffle.

Et le public devrait suivre. Parce que même s’il n’a plus produit d’album essentiel depuis au moins 25 ans, même si les trois quarts de son répertoire scénique est désormais formé de chansons écrites entre 1965 et 1972, ce groupe essentiel s’il en est reste avant tout porte-drapeau d’une certaine forme urbaine et électrique du bon vieux blues, musique… essentielle.

Et qui se joue des générations, Baby !
Les gens comme B.B. King en savent quelque chose.

swissinfo, Marc-André Miserez

– Jusqu’en 1970, l’essentiel des gains des Rolling Stones (comme ceux des Beatles d’ailleurs) sont passés dans les poches de leurs managers. Mais les pirates du Rock n’Roll se sont bien rattrapés depuis.

– Avec la chute des ventes de disques, les Stones – comme les autres – comptent désormais sur les concerts pour faire leur beurre. Et ils y réussissent mieux que quiconque.

– Selon le magazine américain Billboard, l’actuelle tournée mondiale aurait dégagé un chiffre d’affaires record de 180 millions de francs au premier semestre 2006.

– En voulant rédiger leurs testaments aux Pays-Bas (qui ne taxent pas les royalties), Mick Jagger, Keith Richards et Charlie Watts ont dû fournir quelques informations sur leurs avoirs, gérés par une société néerlandaise.

– Selon la presse allemande et britannique, il en est ressorti que depuis 20 ans, les trois membres historiques du groupe n’ont payé que 7,2 millions de dollars d’impôt sur des revenus de 450 millions de dollars.

Les portes de l’aérodrome de Dübendorf (à proximité de Zurich) s’ouvrent ce samedi 5 août dès midi.
Dès 17h, le public patientera avec la brit-pop élégante de Kasabian, puis la swiss-pop non moins élégante des Lovebugs, groupe bâlois très coté à l’Est de la Sarine, qui avait déjà fait la première partie des Stones à Zurich en 2003.
La soirée devrait se terminer à 22h45.
60 trains spéciaux sont prévus, gratuits pour les détenteurs de tickets. Mais les organisateurs s’attendent tout de même à ce que la moitié du public vienne en voiture (et débourse 40 francs pour le parking). Les bouchons sont donc garantis.
Les places ont été vendues entre 160 et 300 francs.
Il en reste quelques milliers, qui seront vendues aux caisses le jour même. Pas besoin de se précipiter sur le marché noir donc.

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