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Le souffle cinquantenaire du théâtre de Carouge

Le fondateur François Simon sur l'affiche du cinquantenaire. Photo SP

Sis sur le territoire genevois, le célèbre théâtre fondé en 1958 par le mythique François Simon (fils de Michel) fête son 50e anniversaire.

Regards passés et présents échangés à cette occasion avec François Rochaix, l’actuel directeur du Théâtre de Carouge et l’un de ses piliers.

L’histoire de François Rochaix avec le Théâtre de Carouge est un peu à l’image des destinées amoureuses, faites de séparations fatales et de retrouvailles inattendues, de moments de bonheur et de crispations.

La rencontre entre l’artiste et l’institution remonte à loin, au début des années 1970 quand Rochaix, d’abord membre de la direction collégiale de Carouge, reprend, seul (en 1975), la tête du prestigieux théâtre. Il le quittera six ans après pour parcourir le monde à sa manière artistique, posant ici un spectacle, là un enseignement.

Pas de secrets

Il sera professeur à Boston. Ses qualités pédagogiques épatent, bien plus que ses mises en scène, voudrait-on ajouter méchamment. Elles nous épatent encore ce matin de janvier 2008 où nous avons rendez-vous avec lui.

François Rochaix parle comme un livre – pour reprendre une formule éculée. Sa pensée est claire, il maîtrise sa matière, son théâtre, soupèse le passé, s’abstient de prévoir l’avenir. Carouge pour lui n’a presque pas de secrets. Il en connaît les failles. Il sait par exemple que lorsqu’il est revenu le diriger en 2002, succédant ainsi à Georges Wod, l’équipe sortante lui a mis « des peaux de banane partout».

Ce qui ne l’a pas empêché de remettre debout une maison croulante. Ce qui ne l’empêche pas non plus de rester lucide sur Georges Wod, avouant aujourd’hui que ce dernier «avait après tout réussi à fidéliser 10’000 abonnés».

L’époque des grandes idées

Les 10’000 abonnés avaient leur prix: des spectacles convenus, ultra consensuels. Wod laissait aux oubliettes l’esprit même des lieux. Entendez, «le geste social» tel que voulu par François Simon (fils de Michel), fondateur de Carouge en 1958; tel que poursuivi aussi par son élève et successeur François Rochaix.

En juillet prochain, ce dernier s’en ira cédant sa place de directeur au jeune metteur en scène Jean Liermier. «Le devoir d’une institution, consiste aussi à faire jouer les générations», lâche Rochaix, qui pense que Carouge profitera de la folle énergie d’un jeune homme frais, comme jadis ce théâtre profita de la passion de son fondateur.

C’était alors l’époque des grandes idées. «Il y avait en Europe une vraie droite et une vraie gauche, commente Rochaix. Aujourd’hui, les frontières entre ces deux formations sont presque abolies. Ce qui rend les choix artistiques plus mous et les repères du public plus flous.»

Peopelisation de la culture

Les mœurs théâtrales ont changé entre le premier et le second mandat de Rochaix à Carouge. L’homme a appris, entre temps, à composer avec la « peopelisation de la culture », comme il dit. « Aujourd’hui, on confond, déplore-t-il, notoriété et compétence en offrant, par exemple, à un artiste de renom une place dans une discipline qu’il ne maîtrise pas.» Une griffe remplit les salles. La qualité dans ce cas n’est pas forcément au rendez-vous.

Ce que souhaite le directeur des lieux, c’est que Carouge résiste à cette insupportable tentation marchande; qu’il reste «une forteresse contre le théâtre bourgeois»; qu’il ne cède pas aux démons de l’audimat et aux pressions des autorités de tutelle. Celles-là mêmes que Rochaix vise, par métaphore interposée, dans son spectacle du cinquantenaire: «Molière ou la cabale des dévots».

swissinfo, Ghania Adamo

Programme du cinquantenaire:
«Molière ou la cabale des dévots» de Boulgakov. Mise en scène François Rochaix, Théâtre de Carouge, jusqu’au 10 février.
Une exposition au Musée de Carouge: «Le Théâtre de Carouge, 1958-2008», jusqu’au 16 mars.
Un livre qui sortira ce printemps sous la plume de Joël Aguet: «Le Carouge, 1958-2008».
Un colloque: «La Scène est à Genève II», les 7 et 8 mars au Théâtre de Carouge.

Acteur et metteur en scène genevois, François Rochaix est l’élève de François Simon qui, en 1958, fonde, avec la complicité de Louis Gaulis et Philippe Mentha, le Théâtre de Carouge.

1972 est une année clef pour François Rochaix dont la troupe professionnelle, L’Atelier de Genève, s’associe, sur le plan administratif et technique, au Théâtre de Carouge.

De 1972 à 1974, Rochaix participe à la direction collégiale du Carouge, avant d’en prendre la tête, seul, en 1975. Il reste alors fidèle à l’esprit de ses fondateurs en défendant un théâtre engagé où «le geste social» l’emporte sur le simple divertissement.

Rochaix quitte la direction du Carouge en 1981, cédant alors sa place à Georges Wod, pour la reprendre en 2002.

Ses auteurs de prédilection ont toujours été les russes et les anglo-saxons. Au cours de ses 2 mandats, il les a servis avec l’attention d’un artiste qui pense que la scène est le reflet de nos questionnements.

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