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Les deux Rolex ou la fin d’une exception

James Bond, Rolex au poignet, pratiquait également la fusion. calpoly.edu/"Les Diamants sont éternels", 1971

Noyée dans l’actualité d’une économie globale en chantier permanent, l’annonce ce printemps de la fusion des deux sociétés Rolex est presque passée inaperçue.

Les piliers genevois et biennois de la première marque horlogère suisse vivent pourtant une petite révolution. Au moins symbolique.

Faut-il rappeler que Rolex est l’archétype de la montre de luxe sur les cinq continents et environs?

Le dispositif industriel et commercial qui se dissimule derrière la première marque suisse est par contre nettement moins connu. Ce n’est pas un hasard: chez Rolex, depuis toujours, le silence est d’or…

Jusqu’ici, il n’y avait pas un, mais deux Rolex. D’un côté, à Bienne, le producteur quasi-exclusif des mouvements de la marque (le «moteur» de la montre). De l’autre, à Genève, le fabricant des boîtiers et bracelets (la «carrosserie»), qui assume aussi l’assemblage de la montre et sa commercialisation.

Or, ce printemps, les deux sociétés ont mis un terme à une véritable curiosité industrielle, héritière du passé particulier de la marque. Rolex SA (Genève) et Rolex Bienne Holding ont annoncé leur fusion économique.

Objectif déclaré: «Renforcer encore la position de Rolex sur le marché mondial», indique sans rire leur service de presse.

Vers une reprise totale

Dans un premier temps, la Genevoise prendra une participation minoritaire dans sa consœur biennoise (contrôlée par les famille Borer et Aegler). Puis elle rachètera l’entier de son capital d’ici deux ans. L’ensemble des implantations industrielles et des quelque 4700 emplois seront conservés, assurent les deux partenaires.

Partenaire: le mot est lâché. Il explique comment deux sociétés distinctes sont parvenues aux cours des décennies à mettre leurs compétences particulières au service d’un produit commun.

Ce partenariat a commencé en 1901. L’entreprise biennoise «Jean Aegler» entame alors sa collaboration avec Hans Wilsdorf, qui crée à Londres quatre ans plus tard la société Wilsdorf & Davis.

En 1908, le grossiste horloger londonien lance la marque Rolex. Label qu’Aegler comme Wilsdorf reprennent dans leur raison sociale peu de temps après.

Plus tard, en 1920, la société Montres Rolex SA naît à Genève sur les fonds baptismaux de Wilsdorf & Davis. C’est de ce moment là que daterait l’accord tacite de répartition des tâches qui aura lié les deux parties jusqu’à la fusion de ce printemps.

Selon les observateurs, la détention partagée des droits sur la marque a probablement permis au partenariat de résister aux aléas du siècle.

Intégration verticale

Mais l’heure est aujourd’hui au renforcement, à la simplification des structures et à l’intégration verticale des entreprises (accumulation des différents métiers pour fabriquer leurs produits).

Les deux Rolex ont donc commencé depuis plusieurs années à racheter leurs fournisseurs (fabricant de bracelets, de cadrans, étampeur, décolleteur, etc.).

Et comme le fait remarquer François Matile, secrétaire général de la Convention patronale de l’industrie horlogère suisse (CP), Rolex Genève avale maintenant son principal fournisseur, qui produit ses mouvements.

Révolution interne, curiosité qui disparaît du monde horloger – avec cette fusion, Rolex rentre dans le rang. En toute discrétion, mais pas par sa faute.

«Que peut-on encore espérer de plus pour Rolex?», se demande – admiratif – le Conservateur-adjoint du Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds.

«Il semble en tout cas clair que cette fusion ne va rien changer pour le client final, constate Jean-Michel Piguet. D’où, peut-être, la relative indifférence avec laquelle la nouvelle a été accueillie».

swissinfo, Pierre-François Besson

1878: création de l’entreprise «Jean Aegler» (future Rolex Bienne Holding)
1901: début de la collaboration avec Hans Wilsdorf
1905: création de Wilsdorf & Davis à Londres
1908: lancement de la marque Rolex
1910: obtention de la première certification chronomètre pour une montre bracelet
1920: création de Montres Rolex SA à Genève
2004: annonce de fusion entre Rolex SA et Rolex Bienne Holding

– Rolex n’est pas cotée en bourse et ne publie pas ses résultats. Son chiffre d’affaires est estimé entre 2,5 et 3 milliards de francs, pour un nombre de montres vendues de l’ordre de 750’000.

– Avec ses 17 marques, Swatch Group – numéro un mondial de la branche – a enregistré l’an dernier un chiffre d’affaires de 2,9 milliards de francs dans le secteur de la montre complète.

– Rolex Genève est contrôlé par la Fondation Wilsdorf, qui alloue des dons à diverses oeuvres de bienfaisance et à des patronages. Rolex Bienne est en mains majoritaires de la famille Borer.

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