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Les incroyables adieux de BB King à Montreux

'I gonna miss you', dit BB King au public... Keystone

Le gotha du jazz est venu saluer, lundi soir à l'Auditorium Stravinsky, l'ultime concert montreusien du roi du blues, âgé de 80 ans.

BB King et Montreux… une ‘love story’ qui date de 1979, et qui n’a cessé de se renouveler d’année en année.

BB King a annoncé qu’il ne ferait plus de tournées européennes…

Lundi soir vers minuit, à l’issue de son concert, Claude Nobs, le fondateur et patron du festival, est venu saluer et remercier l’homme qui depuis 1979, est venu 19 fois à Montreux. Et dans la foulée, a annoncé les artistes qui allaient participer à la traditionnelle jam-session qui prolonge une prestation de BB King.

A cet instant-là, le public a dû se pincer pour réaliser qu’il ne rêvait pas… Au piano, George Duke et Joe Sample. A la basse, Stanley Clarke. A la guitare, John MacLaughlin. Au saxophone, David Sanborn. Et pour entourer vocalement BB King: Randy Crawford, Gladys Knight, Leela James, Earl Thomas et… Barbara Hendricks. Cela en plus des musiciens du bluesman.

Non, le public ne rêvait pas. La première impro, un blues en do, a duré 25 minutes. Le shuffle qui a suivi, histoire que le public puisse ‘se remuer un peu’ selon le vœu de BB King, à peu près autant. Tempête d’improvisations vocales – même Barbara Hendricks, dont ce n’est pas vraiment le registre, a osé se jeter courageusement dans l’affaire – et tempête de soli débridés. Pas loin d’une heure de vrai plaisir.

Sans oublier Claude Nobs, qui, ce soir-là, aura sans doute joué son solo d’harmonica le plus ému de sa carrière. Parce que c’est, en quelque sorte, à un ami que le public du Jazz Festival de Montreux venait dire au revoir. Au revoir, car «il y a un autre monde… peut-être… où je vous reverrai», a dit BB King.

Statufié vivant

Cela fait un bail qu’à chaque édition du festival, la remarque fuse: «Tiens, BB King est de nouveau là». La routine, pour des festivaliers un peu blasés. L’affiche du MJF ne se concevait plus sans la présence de Mr. Blues.

Et ce n’est pas tout… Depuis plusieurs années, celui-ci venait donner, pendant la manifestation, des ‘workshops’ de guitare. Un cours de six cordes avec BB King comme prof, on peut vivre de pires situations, non?

Et ce dimanche, c’est sur le Lac Léman qu’on pouvait croiser et écouter BB King, à bord d’un ‘Mississipi Blues Boat’ helvétique…

Last but not least… Alors que Freddy Mercury semble être devenue la figure de proue de la ville de Montreux, grâce à sa statue qui trône, face au lac, sur la place du marché, une sculpture de BB King (due à l’artiste italien Marco Zeno) orne les jardins du Montreux Palace, non loin de celles de Ray Charles et de Vladimir Nabokov.

BB King est né dans le delta du Mississipi, et a poussé à Memphis. Mais il y a longtemps qu’on sait qu’il y a un véritable pont entre la célèbre ville du Tennessee et Montreux… Et ce pont était largement symbolisé par Mr. Riley B. King, né en 1925 dans le delta du Mississipi.

BB King, on s’était donc plus qu’habitué à sa présence. Et voilà que pour la 40ème édition du Jazz Festival de Montreux, il nous fait le coup des adieux…

Des adieux joyeux

La première partie aura été un peu laborieuse. Leela James, funky woman, visage de gamine volontaire sur un corps de pulpeuse panthère noire, aura beaucoup hurlé pour convaincre le public de son amour pour le blues tout en pratiquant une musique qui n’entretient qu’un rapport lointain avec celui-ci.

Face à elle, tout humain normalement constitué se pose surtout une question existentielle: son bustier va-t-il tenir le coup jusqu’à la fin de sa prestation, ou explosera-t-il avant?

Changement de registre avec l’entrée en scène du BB King’s Band, huit musiciens en smoking noir, suivis bientôt par le maître, en veste dorée, qui jouera assis pendant tout le concert.

Assis, et néanmoins bourré d’énergie, de présence, d’humour. La voix est intacte, et la guitare, mixée très en avant, toujours incisive. Et étonnamment moins sobre qu’auparavant.

«Why I sing the Blues», «Aint That Just Like A Woman», «All over again» «Darling, you know I love you», «Nobody Loves Me but my Mother», «The Thrill is Gone», défilé de classiques…

Mais c’est peut-être moins là que dans la formidable complicité tissée avec la salle que ce concert restera dans la mémoire de ceux qui étaient présents. Car BB King parle. Beaucoup. Et insiste: «J’imagine déjà les journaux de demain: BB King était magnifique, mais il a parlé toute la soirée», pronostique-t-il.

Donc, BB King parle. Raconte en rigolant ses états d’âme – et de corps – de vieil homme. Sa gratitude envers le public. Son amour des femmes. Et, en annonçant la chanson «Bluesman (Understand)», certaines frustrations qu’il a pu connaître. Ainsi le mépris suscité par sa condition de ‘bluesman’ auprès des autres musiciens, les vrais, les jazzmen par exemple…

Pourtant, c’est bien des musiciens de jazz, et parmi les meilleures, qui sont venus saluer et entourer BB King à la fin de sa prestation. A l’énoncé de la liste des invités, il aura cette phrase: «Maybe I should quit every night!»

D’accord, Mr. King… On est partant pour un nouveau tour de piste.

swissinfo, Bernard Léchot à Montreux

Le 40e Montreux Jazz Festival a lieu jusqu’au 15 juillet.
Il se déroule au Centre des congrès (Auditorium Stravinsky et Miles Davis Hall), mais aussi au Casino Barrière pour les concerts plus spécifiquement jazz et sur les quais pour le festival off, gratuit.
Parallèlement aux concerts proprement dits, des concours instrumentaux et des workshops ont lieu chaque année.
En novembre sortira «Montreux Jazz Festival, 40th», un ouvrage de 1200 pages signé Perry Richardson, qui évoquera l’ensemble de l’épopée montreusienne.

BB King est né Riley B. King, en 1925, à Itta Bene, dans le delta du Mississipi. Elevé par sa mère et sa grand-mère, il développe une vrai passion pour les guitaristes de blues et de jazz.

Gospel à l’église, puis musique de rue à Indianola, il se rend en 1943 à Greenwood, dans le Mississippi où il enregistre pour la première fois pour la radio.

Il déménage ensuite à Memphis. C’est à ce moment là qu’il se choisit le nom de B.B. (pour Blue Boy) King.

En 1949, il commence à enregistrer des albums et collectionne les tubes dès les années 50.

A partir du milieu des années 80, il enregistre de moins en moins mais reste sur le devant de la scène en se produisant jusqu’à 300 jours par an.

Son dernier album: «80», publié en 2005 pour ses 80 ans, collection de duos avec notamment Eric Clapton, Mark Knoepfler, Glen Frey (Eagles), Roger Daltrey (Who), Elton John, Sheryl Crow…

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