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Les nouvelles frontières de la démocratie directe

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Le e-voting ouvre de nouvelles perspectives pour la démocratie. Pour autant, il comporte des risques.

Après la votation d’Anières – la toute première par Internet de Suisse -, swissinfo pose quatre questions pour faire le point sur ce dossier.

«C’est un vrai plébiscite pour le vote par Internet», se réjouit le chancelier d’Etat du canton de Genève Robert Hensler à l’issue d’un scrutin qui – une fois n’est coutume – a mobilisé massivement les habitants de la petite commune d’Anières.

Jugez plutôt: 48 citoyens se sont rendus dans l’isoloir, 370 ont choisi de voter par correspondance et… 323 ont exprimé leur avis via Internet.

En temps normal, seul un Aniérois sur deux environ exerce son droit de vote pour les objets communaux. Or, ce dimanche, près de deux citoyens sur trois ont pris part à ce scrutin communal.

Un succès à peine croyable. D’autant que la votation portait, comme souvent, sur deux sujets mineurs. A savoir, un crédit de rénovation pour un immeuble et un restaurant.

Pas de doute, l’expérience menée dans ce petit village genevois a motivé le citoyen à faire usage de ses droits civiques.

En fait d’expérience, il s’agissait du tout premier test officiel du projet pilote de e-government lancé en 2000 par la Confédération.

Au lendemain de ce succès et au-delà de la satisfaction des autorités, reste à savoir quels sont les risques de la cyberadministration et quel est son avenir.

swissinfo vous propose une radiographie, en quatre points, du vote en ligne.

Le e-voting est-il fiable?

La sécurité du système testé à Anières semble assurée. Chaque citoyen reçoit, avec son matériel de vote, un numéro à seize chiffres.

Selon la Confédération, si elle opère par tâtonnements, une personne qui voudrait pénétrer dans le système sans disposer du numéro d’identification n’a qu’une chance sur cinq milliards d’y parvenir.

Une fois ce premier stade franchi, un bulletin s’affiche sur l’écran. Mais, pour que son vote soit validé, le citoyen doit encore indiquer sa date de naissance et retranscrire un code secret de quatre chiffres figurant dans ses documents de vote.

Et, dernier rempart contre une éventuelle tricherie, le e-votant doit pouvoir indiquer sa commune d’origine. Ce qui fait dire à Daniel Braendli, chef du projet de vote par Internet de la Confédération, que le système est très sûr.

A noter que la sécurité du système a encore été améliorée après les derniers essais effectués en mai-juin 2002 à Genève par Hacknet (l’entreprise qui a été mandatée pour jouer les ‘hackers’).

«Hacknet n’a pas pu infiltrer le système», rappelle Michel Chevallier, chargé de communication pour le projet e-voting du canton de Genève.

Et de préciser: «Les hackers, qui étaient en possession de cartes de vote, ne sont pas parvenus à modifier le scrutin. Pourtant, nous leur avions laissé six semaines alors que pour un scrutin l’urne électronique n’est accessible que pendant deux semaines.»

A souligner enfin que l’Etat de Genève est détenteur de l’application. Les solutions – développées par ses informaticiens en collaboration avec deux entreprises privées – ne peuvent pas être réutilisées telles quelles hors de Suisse.

A qui profite le e-voting?

L’objectif du vote en ligne est d’offrir un instrument supplémentaire à ceux et celles qui souhaitent exercer leurs droits civiques. «Notamment, remarque Robert Hensler aux Suisses de l’étranger qui sont tout de même 580 000.»

«Pour eux, l’e-voting serait très intéressant», précise Gabrielle Keller, porte-parole de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE). D’autant plus que l’envoi du matériel par la Poste demande en effet beaucoup de temps.

«Les Suisses qui habitent dans des pays lointains reçoivent trop souvent le matériel très tard, précise Gabrielle Keller. Ils n’ont donc pas le temps de l’étudier sérieusement.»

Plus grave, poursuit la porte-parole de l’OSE, «lors des élections, beaucoup de Suisses de l’étranger sont complètement exclus du deuxième tour».

Mais combien d’entre eux ont un accès Internet? Aucune donnée officielle n’est à disposition.

Une étude réalisée par swissinfo débouche sur des résultats étonnamment positifs. Mais cette même étude touche une catégorie de population qui est déjà sensibilisée.

En Suisse même, ce sont surtout les jeunes – souvent abstentionnistes mais férus d’Internet – qui sont visés. Ainsi que les personnes qui souffrent d’une mobilité réduite.

Cela dit, le vote électronique devrait effectivement augmenter la participation des votants. A l’instar du vote par correspondance.

Aujourd’hui utilisé par 90 % des Genevois, ce dernier a permis d’augmenter de 20 points le taux de participation du canton. Qui est ainsi devenu l’un des plus élevés de toute la Suisse.

L’expérience d’Anières semble d’ailleurs confirmer cette tendance. En effet, à en croire les résultats du questionnaire qui était distribué avec le matériel de vote, 22% des votants par Internet sont des abstentionnistes occasionnels ou réguliers.

Et même 65% d’entre eux affirment qu’ils utiliseraient systématiquement le vote électronique s’il était généralisé.

Quelles autres applications des droits politiques par Internet?

«Dans la vision fédérale, analyse Michel Chevallier, il s’agit d’électroniser les droits populaires. Pas seulement le vote mais aussi la récolte des signatures pour les référendums et initiatives.»

«Tout cela n’est pas sans conséquence, ajoute-t-il. A Genève, par exemple, seuls 5 % des votants se rendent personnellement dans les bureaux de vote. C’est devenu très difficile de recueillir des signatures.» Les pouvoirs publics doivent donc s’adapter à ces changements.

«On voit que les Suisses achètent très peu par le biais d’Internet, dit le chargé de communication pour le projet e-voting du canton de Genève. Par contre, ils pratiquent beaucoup le e-banking. Ils ne craignent donc pas de divulguer des données confidentielles en ligne.»

Quelles autres expériences de vote électronique en Suisse?

Genève n’est pas seul. Les cantons de Zurich et de Neuchâtel ont, eux aussi, été mandatés par la Confédération pour expérimenter le vote par Internet. Mais ils sont moins avancés.

Le projet de Neuchâtel se préoccupe avant tout de la signature électronique d’initiatives et de référendums. Ce canton dispose d’ores et déjà d’un registre des électeurs centralisé.

Quant aux Zurichois, ils s’apprêtent à établir un registre des électeurs doté d’un accès centralisé.

Rappelons que, pour la période 2000-2004, la Confédération a alloué un crédit de 30 millions de francs à l’encouragement de ce que l’on appelle le «gouvernement électronique». Et qu’une partie de ce pactole est réservée au vote par Internet.

Ces essais reposent sur une base légale temporaire, rappelle enfin Daniel Braendli. Elle est valable jusqu’en 2004.

swissinfo, Andrea Tognina, Anne Rubin

46% des votants d’Anières se sont prononcés en ligne, dont 12% de plus de 60 ans.

22% des e-votants sont des abstentionnistes occasionnels ou réguliers.

Et ils sont 65% a déclarer vouloir utiliser systématiquement le vote électronique s’il était généralisé.

Le taux de participation était des deux tiers, alors que d’habitude il est d’un tiers.

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