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«Les Gazaouis ne sont pas des objectifs militaires»

Fabrizio Carboni, directeur régional du CICR pour le Proche et Moyen-Orien
Fabrizio Carboni, directeur régional du CICR pour le Proche et Moyen-Orient, s’inquiète pour les populations civiles de Gaza, qui doivent être protégées, même si elles ne se déplacent pas au sud de la bande de Gaza. © Keystone / Salvatore Di Nolfi

Alors que l’aide humanitaire reste bloquée en Égypte, la situation continue de se détériorer dans la bande de Gaza, bombardée et assiégée par les forces israéliennes qui préparent une possible offensive terrestre. Le CICR est inquiet.

Dans la bande de Gaza, où une offensive terrestre de l’armée israélienne pourrait être imminente, la situation humanitaire dramatique a forcé environ un million de personnes à se déplacer.

«Un million de personnes, c’est deux fois Genève», a souligné Fabrizio Carboni, directeur régional du CICR pour le Proche et Moyen-Orient, dans la Matinale de la RTS lundi. «C’est immense. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu un tel mouvement de population dans des conditions aussi extrêmes dans l’histoire récente.»

>>> Écouter l’interview complète de Fabrizio Carboni dans la Matinale RTS de lundi:

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«Indépendamment de l’offensive annoncée par Israël, la situation est extrêmement critique à Gaza», a-t-il indiqué. Les approvisionnements en eau ont repris dimanche dernier dans le sud de Gaza, après avoir été coupés pendant sept jours par le gouvernement israélien. Celui-ci avait ordonné en début de semaine dernière l’arrêt de l’approvisionnement en eau, en électricité et en carburant de ce territoire qui dépend de ses apports.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a fourni «du fuel aux stations de distribution d’eau» et «établi des réserves d’eau pour quelque 250’000 personnes», a annoncé Fabrizio Carboni.

Pas des objectifs militaires

Malgré l’ordre de se déplacer donné par le gouvernement israélien aux Gazaouis, toutes les populations n’ont pas quitté le nord de la bande de Gaza. Mais elles ne doivent pas devenir des ennemies pour autant, il faut continuer à les protéger, a souligné Fabrizio Carboni. «Il y a des hôpitaux, des malades, des personnes âgées, des personnes qui ne veulent pas lâcher leur maison. Toutes ces personnes-là sont protégées. Elles sont en droit de recevoir le minimum vital pour rester où elles sont. Même si elles ne bougent pas, elles ne deviennent pas soudainement des objectifs militaires.»

«Il faut que ce soit très clair pour tout le monde, ajoute-t-il. Je crois qu’on doit trouver des espaces à l’intérieur de la bande de Gaza pour protéger ces gens.»

Des hôpitaux transformés en morgues

Le représentant du CICR avait fait part jeudi passé de sa crainte que «sans électricité, les hôpitaux se transforment en morgues», après avoir été en contact avec des professionnels de la santé sur place et avec ses collègues du Croissant rouge palestinien.

«Je crois qu’on est dans des situations extrêmes où les médecins essaient de faire au mieux avec ce qu’ils ont, mais ce qu’ils ont est de plus en plus réduit. Donc malheureusement on bouge lentement vers ce scénario», a constaté Fabrizio Carboni.

Mardi soir, l’explosion d’un hôpital de la ville de Gaza a tué plus de 500 personnes, selon le Hamas, qui accuse Israël d’être à l’origine de celle-ci. Tel-Aviv a démenti toute responsabilité et a attribué la responsabilité de la déflagration au Djihad islamique. Ce dernier a nié son implication.

Fabrizio Carboni a souligné lundi l’importance d’assurer la libre circulation dans le territoire de la bande de Gaza pour pouvoir ensuite subvenir aux besoins de la population. «Ça ne sert à rien d’avoir de la nourriture, de l’eau, de la logistique médicale si l’on ne peut pas bouger à l’intérieur. Ce qu’il nous faut, c’est pouvoir travailler dans des conditions de sécurité acceptables, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.»

«On doit pouvoir amener de manière urgente de l’assistance humanitaire à l’intérieur de la bande de Gaza», a-t-il indiqué.

Aucune aide humanitaire n’a pu entrer à ce jour dans la bande de Gaza depuis l’Égypte par le poste-frontière de Rafah qui est resté fermé. Israël a toutefois annoncé mercredi soir autoriser l’entrée d’aide humanitaire dans la bande de Gaza par celui-ci. Des centaines de camions, notamment des agences onusiennes, transportant de la nourriture, de l’eau et des médicaments sont en attente du côté égyptien.

Peur pour les civils en cas d’opération terrestre

Une opération terrestre d’Israël pourrait avoir de terribles conséquences sur les populations civiles, craint le CICR. «Avec les expériences passées à Mossoul (Irak) et Alep (Syrie) notamment, on sait très bien que les conflits en milieu urbain sont dévastateurs pour la population civile. Ils sont extrêmement meurtriers, violents et ont un impact dévastateur sur les infrastructures essentielles: celles pour approvisionner l’eau et l’électricité sont en général détruites. Donc, notre première préoccupation est le coût humain de cette opération militaire en milieu urbain», a déclaré Fabrizio Carboni.

La bataille de Mossoul qui a duré de 2016 à 2017, aurait causé la mort d’environ 10’000 civils et celle d’Alep, de 2012 à 2016, aurait causé celle d’au moins 21’500 civils.

Pour protéger les populations, il va falloir que les acteurs humanitaires, à savoir «le Croissant rouge palestinien, les membres du Mouvement, les Nations unies, toutes les organisations présentes, les organisations locales», agissent ensemble, a ajouté Fabrizio Carboni.

Discussions confidentielles

Concernant les otages israéliens du Hamas, l’organisation genevoise dit avoir eu des discussions confidentielles avec le Hamas pour demander leur libération au plus vite. «Ils sont exposés à un grand risque et un grand danger, a souligné Fabrizio Carboni. Samedi, on a contacté toutes les parties pour leur demander d’assurer la sécurité de ces personnes au plus vite.»

«On n’a pas demandé uniquement qu’elles soient bien traitées. Mais aussi qu’elles contactent leurs familles et qu’elles soient libérées sous aucune condition, précise-t-il. Je crois que personne n’a été libéré donc c’est une indication d’où on en est dans les discussions.»

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