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Presse suisse: Le Courrier compte sur un nouveau miracle

Sans l’apport financier de 400 nouveaux abonnés d’ici à la fin de l’année, ce journal genevois de gauche sera dans l’obligation de prendre des mesures draconiennes. En jeu: la diversité de la presse romande.

Sans l’apport financier de 400 nouveaux abonnés d’ici la fin de l’année, ce journal genevois de gauche sera dans l’obligation de prendre des mesures draconiennes. En jeu: la diversité de la presse romande.

Les crises financières font quasiment partie de la culture d’«entreprise» de ce journal genevois de gauche. Et à chaque fois, Le Courrier a su trouver, grâce à ses aficionados, les ressources suffisantes à sa survie. Va-t-on assister, cette fois, à la fin de cet organe de presse pas comme les autres, devenu une véritable institution à Genève et également en Romandie? Manuel Grandjean ne l’exclut pas. «Théoriquement, si nous ne trouvons pas 400 abonnés d’ici à la fin de l’année et si nous ne parvenons pas à remplir nos objectifs de souscription, c’est-à-dire à récolter 120.000 francs, nous devrons arrêter», a déclaré mardi le directeur-rédacteur en chef du Courrier. Théoriquement, a-t-il bien précisé. Car avant de mettre la clef sous le paillasson, il existe encore une énième possibilité de survie. Elle implique la mise en oeuvre d’un remède draconien. «Il est possible de supprimer une édition par semaine. De passer de 6 à 5 éditions hebdomadaires. Mais évidemment, concède Manuel Grandjean, c’est douloureux car cela implique de renoncer à une partie du journal». Voilà pour le court terme.

Pour assurer sa viabilité sur le long terme, ce quotidien – vieux de cent trente et un ans – doit obligatoirement élargir son lectorat. Aujourd’hui, il bénéficie certes d’une solide assise, formée d’un cercle de fidèles, motivés par une ligne rédactionnelle «de qualité, et militante, c’est-à-dire qui défend certaines valeurs», souligne M. Grandjean. Le public du Courrier est constitué par 8500 abonnés. Et 10 pour cent d’entre eux sont des abonnés de soutien. Par ailleurs, Le Courrier reçoit environ 400.000 francs de dons par an. Reste que cela ne suffit plus. Outre le fait que le journal a dû faire face à l’augmentation importante de certains coûts sur lesquels il n’a pas prise (acheminement, frais postaux et impression), il a été amené, en juillet dernier déjà, à faire un constat douloureux. Selon Le Temps de mardi, il comptait sur l’accroissement d’un millier d’abonnements. Or, il a plutôt perdu du terrain à Genève tout en en gagnant en terres vaudoises et valaisannes, mais sans que cela compense la perte.

Cette baisse de régime, Manuel Grandjean l’explique par le manque de moyens publicitaires pour faire connaître le titre au-delà de ses frontières naturelles. Il l’attribue également aux divisions qui traversent la gauche «du fait de l’identification du Courrier avec une fraction du mouvement social, Solidarités (une des composante de l’Alliance de gauche genevoise), qui se situe à la gauche de la gauche». Le journal, concède Grandjean, doit faire un effort pour que la gauche plurielle puisse s’y retrouver.

Manuel Grandjean se veut optimiste. Et compte sur le travail de qualité d’un journal qui doit marier, tout en les distinguant de façon claire, informations de qualité et opinion. «Je pense que le Courrier doit être présent sur ces deux terrains. Nous devons marquer notre différence à travers nos enquêtes et nos reportages ainsi que dans l’analyse». Pour Roger de Diesbach, la crise financière que traverse Le Courrier n’est pas vraiment une surprise. Il la déplore, tout en faisant appel au sens des responsabilités des lecteurs «qui tiennent entre leurs mains l’avenir des journaux». «Ceux qui achètent Gala ou Voici font des choix économiques et politiques», souligne le rédacteur en chef de La Liberté.

Il existe également une responsabilité des journaux eux-mêmes. «Le Courrier, qui avait reçu le prix Dumur pour ses enquêtes, produit-il vraiment le journal voulu par ses lecteurs? Ne sont-ils pas fatigués de ce journalisme mission, de ce journalisme sermon, fait au nom de l’engagement politique? s’interroge Roger de Diesbach. Un autre engagement politique peut très bien se faire en menant des investigations. A Genève notamment.»

Jugurtha Aït-Ahmed

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