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Rien ne va plus, investissons dans l’art

Paradoxalement, en ces temps de crise, le marché de l'art souffre beaucoup moins que le reste de l'économie.

Il attire des investisseurs qui choisissent de se faire plaisir. Et qui s’ajoutent aux grands collectionneurs, toujours fidèles.

«On fuit la bourse et on investit dans l’art». Par cette formule laconique, Peter Vetsch, porte-parole de Art Basel, résume bien l’idée que tant qu’à perdre en bourse, autant se faire plaisir en achetant de l’art.

«On ne peut en effet tomber amoureux d’une action», plaisante Frédérique Hutter de Ars Futura.

De la même manière, «on n’achète pas de l’art contemporain uniquement pour décorer son salon, insiste Nicole Timonier de la galerie Evergreene. Mais parce qu’on craque pour le travail d’un artiste.»

Quant à l’époque des golden boys de la fin des années 80 qui spéculaient sur l’art comme sur n’importe quelle autre valeur, elle est révolue. Le marché de l’art s’est enfin stabilisé après l’écroulement qui a suivi les excès des années 80.

Collectionneur mais pas ‘trader’

Et de toute manière, le vrai collectionneur ne pensera jamais en termes de dividende. De plus, les meilleurs sont ceux qui ont osé acheter des artistes très jeunes, au moment où leur cote était très basse, souligne Jean-Paul Felley d’Attitudes.

Ils vont donc suivre un artiste dés le début de sa carrière, qu’ils aideront d’ailleurs à construire. Il fonctionne par coups de cœurs et accorde une confiance durable à tel ou tel artiste. Il ne songera pas non plus à se forger un statut social grâce à sa collection.

Une collection se construit donc petit à petit, une approche souvent aiguillée par les galeristes. Et surtout un travail de longue haleine qui est souvent l’œuvre d’une vie. Ce type de parcours dépasse donc les fluctuations du marché.

Des carrières très éphémères

En période de crise, «la qualité ne change donc pas. C’est simplement le volume d’activité qui baisse et la spéculation qui est moins forte», remarque Edward Mitterand qui s’est installé à Genève depuis trois ans

Et ce sont les artistes dont la cote est montée très vite qui s’en ressentent le plus. Les galeries importantes font en effet tout pour pousser et imposer leurs artistes. Parfois de manière artificielle.

Prenez l’exemple d’Emmanuelle Antille, pour qui, soit dit en passant, tout va bien. En l’espace d’une année, la Lausannoise a monopolisé les grandes foires de l’art, les galeries phares et les musées. Et cela depuis que la plus importante galerie zurichoise l’a prise sous son aile.

«On a parfois l’impression qu’il n’y a de place que pour un seul artiste», regrette Pierre Eichenberger, ancien galeriste bernois.

La photographie revient à la réalité

Cette période de conjoncture morose a au moins eu le mérite de remettre les pendules à zéro.

Ce fut le cas pour la photographie notamment, dont les cotes avaient explosé, notamment sous l’impulsion de ces fameux golden boys qui achetaient très cher et sans discernement.

Ils n’hésitaient pas à acheter des tirages multiples, ce qu’un véritable collectionneur ne ferait pas. Il voudra être le seul à posséder une œuvre.

Là aussi, le marché s’est stabilisé, selon Ars Futura. Seuls les tirages uniques atteignent encore des prix très élevés, et encore des artistes incontournables comme le surréaliste Man Ray qui se vend encore à des prix fous aux ventes aux enchères.

Ces excès auront toutefois eu l’insigne mérite de promouvoir la photographie au rang d’œuvre d’art.

La peinture revient en force

Il est quand même vrai que la tendance actuelle est d’acheter des artistes modernes ou contemporains confirmés. Et plutôt des objets. La peinture revient en force.

«Mais c’est plus difficile pour les jeunes artistes peu connus», reconnaît Hans Furer, de l’Association suisse des galeries.

D’autant plus qu’ils utilisent massivement la vidéo ou présentent des installations. Des pièces qui sont difficilement vendables à des privés.

Seuls les musées achètent par exemple des installations. Les galeries ne les présentent d’ailleurs que lors d’expositions ou de foires de l’art. Où elles servent de vitrines pour le travail de l’artiste.

Quant à la vidéo, le problème se résume aussi à sa présentation. Ca revient en effet à acheter un film. Une œuvre qu’on ne peut donc pas accrocher au mur et contempler à loisir.

Qu’on se rassure toutefois, l’évolution technologique, – home cinéma et écrans plats – devrait bientôt rendre la vidéo plus accessible.

Cette démocratisation technologique devrait aussi concerner les photos numériques. Des galeries comme Ars Futura essaient aussi de trouver d’autres supports, comme les boîtes lumineuses pour présenter les images.

L’art suisse dans le vent

De toute manière, l’art suisse à la cote. En tout cas sur le marché second que sont les ventes aux enchères où Ferdinand Hodler ou Felix Valotton se vend à des prix record.

Mais les artistes contemporains, du moins ceux qui sont déjà renommés n’ont guère de soucis à se faire.

Il n’y a qu’à voir le succès actuel des Helvètes à Arco 03, la foire de l’art de Madrid.

swissinfo, Anne Rubin

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