
25 ans après, Seveso hanté par de douloureux souvenirs

Les habitants de la ville italienne ont commémoré, mardi, le 25e anniversaire de la catastrophe causée par un nuage toxique de dioxine. Les entreprises suisses responsables ont certes dédommagé des milliers de victimes. Mais le traumatisme hante toujours la région lombarde.
«Il reste 17 cas juridiques non résolus. Soit 17 procès en cours, dont un de taille moyenne», explique Peter Wullschleger, porte-parole de l’entreprise genevoise de parfumerie Givaudan.
Car Givaudan, à Verrier, a repris le dossier Seveso à Roche, depuis qu’il s’est détaché du groupe bâlois, l’an dernier.
«Ce sont pour la plupart des demandes de dédommagement pour tort moral, précise Peter Wullschleger. Mais Givaudan s’oppose à ces 17 requêtes en cours».
Motifs évoqués par l’entreprise genevoise: «ces demandes de dédommagement n’entrent pas dans le cadre de la loi. D’autres émanent de personnes qui n’ont même pas habité à Seveso».
Or, pour Roche et aujourd’hui pour Givaudan, «les personnes qui ont subi un dommage personnel, qui ont été, par exemple, affectées par l’acné du chlore, ont toutes été dédommagées».
Mais certains habitants estiment que justice n’a pas été complètement rendue, malgré les 300 millions de francs suisses déjà versés par Roche/Givaudan pour décontaminer le terrain, bâtir de nouvelles maisons, soigner les blessés et dédommager les propriétaires des animaux décédés.
Et Marzio Marzorati, l’adjoint à l’environnement à Seveso, de rétorquer: «Roche a certes rempli ses obligations devant la loi. Mais il n’a pas payé pour les dommages psychologiques. Roche garde une responsabilité pour les éventuels problèmes de santé».
Toujours est-il que cet accident a poussé l’industrie chimique européenne à reconsidérer les mesures de sécurité dans le domaine: «Roche a centralisé l’organisation de la sécurité à son siège de Bâle. Il a aussi analysé la responsabilité dans les procès qui ont suivi les accidents chimiques», précise Daniel Biller.
Selon ce porte-parole de Roche, «il a été procédé, tous les ans, à des audits dans tous ses centres de production, pour être sûr que toutes les mesures de sécurité soient observées.»
Rappel des faits: le 10 juillet 1976, de la dioxine s’échappe de l’usine chimique italienne Icmesa, qui appartient au Suisse Roche. Conséquence: le nuage chimique contamine quatre communes du nord de l’Italie. 736 personnes sont évacuées et 193, dont beaucoup d’enfants, doivent suivre un long traitement médical.
Aujourd’hui, la petite cité italienne de Seveso porte une attention toute particulière à son environnement. Son conseil municipal ne tolère aucune transgression, même de la part des touristes.
Les 42 hectares de la zone contaminée ont été transformés en une réserve naturelle. Mais, au milieu, une colline herbeuse recouvre une bulle géante de ciment renfermant 200 000 mètres cubes de terre et de déchets contaminés par le nuage de dioxine.
Reste que le Docteur Paolo Mocarelli, de l’Hôpital de Desio et de l’Université de Bocconi de Milan, a notamment constaté, au cours de ses 25 ans de recherches, un nombre de tumeurs plus élevé que la normale dans la population de Seveso.
Emmanuel Manzi

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