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Toi Tarzan, moi j’aime

Pour sa dernière livrée, le studio d'Onc' Walt offre le service complet: larmes et rires, cascades et romance. Un safari de Noël qui cueille à toutes les branches en vogue.

Pour sa dernière livrée, le studio d’Onc’ Walt offre le service complet: larmes et rires, cascades et romance. Un safari de Noël qui cueille à toutes les branches en vogue. Chanté par le britannique Phil Collins, dessiné en grande partie par des Français et inspiré par les sports de glisse, «Tarzan» régurgite les influences en un tout homogène, anthropomorphe et débarrassé de tout autochtone africain. Cela va de soi et ça n’en est pas moins goûteux.

Tarzan version Disney déboule, dans les cinémas et les supermarchés. Un Tarzan qui s’accroche aux lianes, bien sûr. Mais surtout un Tarzan qui glisse sur la mousse des branches. Lui qui avait ouvert le siècle, lorsque l’écrivain américain Edgar Rice Burroughs l’inventa en 1912, surgit aujourd’hui comme le héros fin de millénaire par excellence. Et ce n’est pas une mince ironie puisqu’il renaît des créateurs qui ont, plus qu’aucun autre depuis sept décennies, voués leur art à l’anthropomorphisme. Souris, canards, chiens, serpents: tous plus humains que nos voisins de palier. Et revoici l’homme-animal, féroce et anguleux, pour un dessin animé palpitant, l’un des meilleurs de la firme.

Le héros de Burroughs met avant tout en évidence un nouveau procédé technique qui permet aux personnages d’évoluer dans un décor en trois dimensions: le Deep Canvas. Le résultat, impressionnant, est modelé selon les mouvements des jeunes surfeurs. En transformant l’ADN de Burroughs en ADN de glisse, Disney superpose les questions motrices du mythe – faut-il rejoindre les humains ou rester parmi les singes? – à celle de la crise d’adolescence – faut-il rejoindre les adultes ou rester parmi les enfants? Superposer le passé et le présent, la fiction et la réalité, les mythes et les modes ou encore les cultures américaines et européennes, on le voit, réveille comme toujours les contradictions morales et paternalistes de Disney.

Grâce aux ordinateurs, les dessinateurs américains de Tarzan ont pu travailler en temps réel avec leurs collègues français. Tandis que les uns élaboraient la majorité des 80 minutes à Burbank, les autres créaient un tiers des décors ou la méchante panthère Sabor à Montreuil, là où est installée la filiale du groupe depuis dix ans. Faut-il pour autant s’en extasier?

Disney ne produit plus d’inventions propres depuis Mickey, Donald ou Pluto. Inspiré par des contes célèbres ou des romans mythiques, le studio préfère retapisser un imaginaire collectif. Malgré la confiance qu’il accorde aux créateurs hexagonaux, il leur propose néanmoins un formatage maison. Ainsi le département animation de l’école d’art des Gobelins à Paris, possède un cursus destiné à ceux qui cherchent à franchir le portique enchanté. La culture européenne dont se repaît Disney nécessite donc certains aménagements. Des aménagements qui rappellent étrangement le débarquement des colonisateurs: quand Disney arrive en France, il cherche d’abord à rééduquer ses esclaves. Comment leur résister? Même le héros de Burroughs a cédé à cette formidable attraction. Il n’y a donc aucune raison pour que les jeunes artistes européens ou nous, public, tentions d’y résister.

Thierry Jobin

«Tarzan», de Chris Buck et Kevin Lima (USA 1999), actuellement dans les cinémas suisses.

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