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Un brûlot pour solde de tout compte

Ruth Metzler lors de la présentation de son livre à la presse. Keystone

L'ancienne ministre Ruth Metzler a présenté mercredi à Herisau le livre dans lequel elle règle ses comptes politiques.

La publication de ce brûlot rompt le traditionnel devoir de réserve respecté par les ex-conseillers fédéraux. Pour autant, les médias l’ont accueilli de manière très critique.

L’objectif de ce livre, qui doit paraître en français en septembre, ne «se résume pas à un règlement de comptes avec le PDC», écrit l’ancienne ministre démocrate-chrétienne (PDC / centre-droit) Ruth Metzler au dernier chapitre, dans lequel elle explique comment elle a vécu sa non-réélection au gouvernement le 10 décembre dernier.

Il ne s’agit pas non plus d’une thérapie, a-t-elle ajouté sur les ondes de la Radio Suisse Romande (RSR): «Le but de ce livre n’était pas de digérer les choses qui se sont passées. Mais je peux dire que ce livre m’a aidée».

Un manque de soutien



Toutefois, écrit Ruth Metzler, «ces pages ne rendraient justice ni au passé ni au présent si elles excluaient des réflexions critiques». Son livre n’épargne donc ni la direction du parti ni le groupe parlementaire.

Non pas seulement parce qu’ils l’ont lâchée le jour fatidique après avoir exercé un «chantage» sur elle pour qu’elle se retire, mais aussi parce que la voie prise sous l’ère de Philipp Stähelin (à l’époque président du PDC) l’a éloignée de son parti.

«Limiter les dégâts» et «se taire sur les thèmes sensibles», telle était la doctrine de l’ancien président. «Le parti était comme paralysé», répète à plusieurs reprises Ruth Metzler.

Or les dossiers brûlants, source de tension entre Ruth Metzler et son parti «à nouveau plus conservateur» ne manquaient pas: interruption volontaire de grossesse, partenariat enregistré des homosexuels, naturalisations facilitées, droit de recours pour les naturalisations, etc.

«Je m’éloignais de plus en plus de la ligne officielle du parti», qui «m’a retiré son soutien à partir du moment où j’ai commencé à poser mes marques personnelles», analyse l’ancienne ministre.

Accueil plutôt froid

La publication de “Grissini & Alpenbitter” rompt avec le silence que s’imposent traditionnellement les anciens ministres.

L’ancienne ministre Ruth Metzler suscite donc l’événement, mais ce n’est pas pour autant que les réactions sont chaleureuses.

Dans leur ensemble, les médias se montrent très critiques sur les propos de l’ancienne ministre. Pour le quotidien Le Temps, le livre montre que Ruth Meztler «n’a jamais vraiment compris comment fonctionne la Berne fédérale».

Le Tages Anzeiger remarque pour sa part qu’elle est prompte à critiquer son parti, mais qu’elle dresse un portrait flatteur d’elle-même. La Liberté est encore plus dure: le livre se lit comme un bilan d’entreprise et dévoile le total manque de vision politique et d’analyse de Ruth Meztler.

Il n’en reste pas moins que la publication des «confessions» de Ruth Metzler est un phénomène nouveau pour un ancien ministre. swissinfo en a parlé avec Peter Studer, président du Conseil suisse de la presse et ancien rédacteur en chef du Tages Anzeiger.

swissinfo: Ce livre témoigne-t-il d’un changement d’époque ou est-il dû au fait qu’avec Ruth Metzler, c’est une femme en pleine carrière qui a été exclue du gouvernement?

Peter Studer: Je pense qu’il s’agit plutôt d’un changement d’époque caractérisé par la personnalisation de la politique et par le fait d’essayer d’en tirer profit en livrant des confessions aux médias.

A cela s’ajoute bien sûr le fait que Ruth Metzler représente une personnalité intéressante.

swissinfo: Le fait que tout le monde parle de ce livre a-t-il quelque chose à voir avec la compétition accrue entre les médias et une tendance vers l’information de divertissement?

P.S.: Il y a 50 ans, personne n’aurait écrit cette sorte de livre. Mais aujourd’hui, le PDC va très mal.

Lorsqu’un parti est dans un si mauvais état, une livre comme celui de Ruth Metzler peut l’aider à tirer certaines conclusions à propos de sa situation. Il est normal aussi que sa publication suscite un certain intérêt public.

swissinfo: La personnalisation de la politique va-t-elle se poursuivre?

P.S.: La vie privée des politiciens doit être respectée. Les directives du Conseil de la presse précisent que les personnes célèbres y ont également droit. Les journalistes ne doivent donc pas s’intéresser de trop près à cette vie privée.

Mais dans ce cas, cependant, c’est Ruth Metzler elle-même qui a publié ses confessions. Il s’agit donc de quelque chose de différent.

swissinfo et les agences

Ruth Metzler: Grissini & Alpenbitter, 2004, Appenzeller Verlag, 368 p.

– Ruth Metzler a mis dix semaines pour écrire «Alpenbitter & Grissini».

– La presse dominicale de Suisse alémanique a publié des extraits dimanche dernier déjà.

– Sur 20 465 exemplaires imprimés, 15 000 ont d’ores et déjà été vendus, soit les deux-tiers.

– L’éditeur Marcel Steiner prévoit une deuxième édition en juin.

– Une version en français portant le même titre devrait paraître en septembre ou octobre.

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