Un brillant jeu de rôles
A Genève, Roger Jendly et Serge Merlin incarnent Abel et Bela dans la pièce éponyme de Robert Pinget.
Sur scène, ils suscitent une curiosité amusée. L’un est calé dans un fauteuil et boit bière sur bière. L’autre sautille, exécutant une danse presque immatérielle qui tantôt s’emballe tantôt se calme.
Roger Jendly et Serge Merlin n’ont pas à prendre leurs personnages avec des pincettes. Ils peuvent sauter droit dedans et jouer comme à la maison en robe de chambre et en charentaises. C’est ce que fait d’ailleurs le premier qui interprète Bela.
Jendly oppose sa lassitude badine au ravissement naïf de son compère Abel. Merlin, lui, fait vibrer ses rêves et sourdre ses déceptions en forçant juste un peu sur le ton pour montrer que nous sommes bien au théâtre.
Deux raisonneurs à la noix
Car «Abel et Bela», du grand auteur genevois Robert Pinget, est bien une pièce sur le théâtre que Jean-Michel Meyer a mis en scène avec finesse. Deux hurluberlus, qui n’ont rien à envier à Bouvard et Pécuchet, y font entendre leurs voix de raisonneurs à la noix.
Ils tentent de tisser la trame d’une pièce qui s’écrit à mesure que se racontent leur enfance, leurs amours passées, leurs ambitions vaines d’auteurs. Dans la pénombre du plateau, ils apparaissent comme deux silhouettes que la «Nuit» vient étreindre.
Heureuse idée que le choix de cet autre texte de Pinget sur lequel s’achève le spectacle. Fusion-absorption de deux pièces donc, l’une pouvant être vue comme le pendant théâtral de l’autre.
Dans «Nuit», Abel devient Al et Bela, Ben. Tous deux sont les protagonistes d’une pièce qui elle aussi se fabrique en même temps qu’elle se joue. Est-ce fiction ou réalité? Mirage. Ce sont des histoires à dormir debout, très bien imaginées par Jean-Michel Meyer et ses deux acteurs qui reprennent au Poche de Genève ce spectacle créé avec succès l’an dernier au Théâtre de Vidy-Lausanne.
Ghania Adamo
«Abel et Bela suivi de Nuit», à Genève, Théâtre Le Poche, à partir du 20 novembre. Tel: 022/310 37 59 20
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