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Un petit air de Lusitanie

La Casa Lusitania à Berne: une île portugaise. swissinfo.ch

Ils sont émigrés mais portent toujours le Portugal dans leur cœur: la 3e diaspora la plus importante de Suisse reste fidèle à ses racines. Même dans son amour pour le foot.

Baccalà, rissóis et porto: l’Eurofoot est une bonne occasion pour découvrir la culture des Portugais de Suisse.

En matière de football, le Portugal appartient aux meilleures nations européennes. La récente victoire de Porto (3-0) sur le club français de Monaco en finale de la Ligue de Champions en est la meilleure preuve.

Et peut être un signe de bonne augure pour tout le Portugal avant les Championnats d’Europe qui débutent, justement à Porto, le 12 juin.

A l’association portugaise de Berne, on espère bien que oui. S’ils n’étaient qu’une petite vingtaine devant leur écran géant pour fêter la victoire de Porto en Ligue des Champions, des familles entières vont débarquer pour assister aux rencontres de leur équipe nationale durant l’Euro.

L’esprit de clan

Pour les Portugais – dont le flux migratoire vers la Suisse a commencé à prendre des dimensions importantes au cours des années 80 – se réunir est le moyen le plus agréable pour conjurer le mal du pays.

Au total, plus de 130 associations portugaises sont présentes sur le territoire helvétique.

«La différence essentielle entre la vie au Portugal et la vie en Suisse s’exprime dans la manière de vivre les liens sociaux avec la famille, avec les voisins, avec un village», explique Antonio da Cunha, professeur de géographie à l’Université de Lausanne.

Le représentant de la Fédération des Associations portugaises de Suisse précise que «le village portugais est une sorte de grande famille élargie. Les liens sociaux, qui se sont souvent tissés durant l’enfance, comptent énormément».

C’est de là que vient ce style de vie particulier. On aime sortir de chez soi pour rencontrer les autres – que ce soit au café ou sur la place du village – et disputer une partie de billard ou parler de football. Des habitudes que l’on ne retrouve pas vraiment en Suisse.

«Les mouvements associatifs reflètent aussi l’attachement des Portugais à leur lieu d’origine. C’est une sorte de retour symbolique au pays.»

Entre intégration et retour au pays

Contrairement aux Italiens ou aux Espagnols, les Portugais retournent souvent au pays après avoir passé une vingtaine d’années en Suisse. Ainsi, la communauté portugaise sur sol helvétique se renouvelle et change continuellement de visage.

«Ceux qui sont arrivés en Suisse il y a dix ans venaient de la campagne et avaient un niveau de formation relativement bas», souligne Antonio da Cunha.

«Aujourd’hui, par contre, nous voyons arriver de plus de plus de citadins. De jeunes biens formés avec leur diplôme en poche. Pour eux, il est plus simple de s’intégrer que pour leurs prédécesseurs.»

Ils sont encore nombreux à rêver d’un retour au pays. Mais bon nombre d’émigrés se sont créé un petit coin de Portugal en Suisse et ont ainsi trouvé un équilibre entre les deux cultures.

C’est le cas de Francisco Aragão. Il a ouvert un magasin d’alimentation – la Casa Lusitania – à Berne en compagnie de son épouse Claudia, une Suissesse.

Son parcours est significatif. Arrivé en Suisse il y a 22 ans, il a commencé en tant que «plongeur» dans un restaurant, puis aide-cuisinier, avant de travailler dans une entreprise automobile. C’est il y a treize ans qu’il a ouvert son magasin.

«Lorsque j’ai quitté mon pays, j’avais un contrat d’un an avec un restaurant bernois. Cette année-là, j’ai rencontré mon épouse… Et je suis resté ici», se souvient Francisco Aragão.

«Berne est devenue ma seconde patrie. Bien sûr, je suis toujours heureux de retourner au Portugal, mais désormais ma vie est ici.»

Le football comme occasion de se faire connaître

Les affaires de la Casa Lusitania fonctionnent bien. Le vin portugais, jusqu’ici peu connu, séduit de plus en plus les papilles suisses. La clientèle, exclusivement portugaise à l’ouverture du magasin, s’est – petit à petit – diversifiée.

«Les Portugais apprécient notre magasin car ils y trouvent les produits du pays, ajoute Claudia Aragão. Les Suisses, eux, ont l’impression d’être en vacances.»

A l’approche de l’Eurofoot 2004, les ventes ont augmenté. «De nombreux restaurants suisses nous ont commandé des produits typiques du Portugal, qu’ils comptent offrir à leurs clients durant le tournoi.»

En résumé, le football est un rituel collectif. Ceux qui ne pourront pas se rendre au stade se réuniront devant les écrans géants des différentes associations portugaises de Suisse, avec le baccalà et les rissòis – des rissoles de viande. Le tout arrosé de bon vin et de bière portugaise.

Francisco, lui, sera au Portugal. Mais pas pour encourager son équipe favorite – il n’a pas réussi à trouver de billets – mais pour suivre l’équipe de Suisse. L’intégration passe peut-être aussi par le football.

swissinfo, Doris Lucini
(Traduction et adaptation: Alexandra Richard)

162’098 citoyens portugais vivaient en Suisse à fin 2002 (sans compter les binationaux).
Seuls les citoyens de l’ex-Yougoslavie (364’558) et de l’Italie (318’256) sont plus nombreux.
2691 citoyens suisses vivent au Portugal (juillet 2002) dont 1444 ont la double nationalité.
On compte plus de 130 associations portugaises en Suisse.

– Le Portugal a une superficie de 91’632 km2 (Suisse 41’300) et compte plus de dix millions d’habitants (Suisse 7 millions).

– Le 25 avril 1974, la révolution des Œillets a mis fin à la dictature et instauré un Etat de droit.

Il y a quelques années encore, la croissance démesurée de la population (due à forte natalité enregistrée dans les campagnes) a entraîné un important flux migratoire. Plus de quatre millions de Portugais vivent à l’étranger (plus d’un million en France).

Depuis, le taux de natalité a fortement baissé et l’émigration vers les autres pays européens, y compris la Suisse, tend à diminuer.

Avec l’exposition universelle de 1999 et l’Eurofoot 2004, le Portugal a démontré sa capacité à organiser de grands événements.

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