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Une comédie du pouvoir orchestrée par des Argentins

Marcial Di Fonzo Bo. SP

La Bâtie, festival de Genève, accueille trois artistes latino-américains qui dénoncent les manipulations politiques et économiques d'un monde globalisé.

Au service de leurs pièces, ils mettent une ironie dévastatrice et une esthétique trash.

Une gigantesque comédie du pouvoir – politique et économique – attend le public de la Bâtie. Dans un esprit de cohérence et de lucidité, les programmateurs du festival ont mis à l’affiche trois spectacles en parfait accord (ou désaccord?!) avec notre monde désorienté. Où le choc des mots, des corps et des images se fait lourdement entendre.

Fait marquant: les spectacles en question, «Jardineria Humana», «Je crois que vous m’avez mal compris» et «Eva Peron», sont l’œuvre de trois auteurs, acteurs et metteurs en scène argentins pris du vertige de la folie rebelle.

A l’assaut du libéralisme

«Jardineria… » et «Je crois…» sont écrits et montés par Rodrigo Garcia. Mais aussi joués, en partie, par Marcial Di Fonzo Bo. Lequel met en scène également «Eva Peron», pièce de Copi.

Les trois hommes sont nés à Buenos Aires. Copi, exilé à Paris, y est mort en 1987, à 48 ans. Di Fonzo Bo (36 ans) vit aujourd’hui en France, et Rodrigo Garcia (40 ans) à Madrid.

Ce dernier, qui défraie la chronique théâtrale européenne depuis cinq ans environ, scandalise les uns et venge les autres. Ces autres qui n’en peuvent plus de voir la misère du Sud honteusement récupérée par un Occident opulent.

Bien connu du public genevois, Rodrigo Garcia se livre dans ses spectacles à ce qui ressemble de plus en plus à du matraquage. De ses coups de boutoir, pratiqués dans une atmosphère trash, il assomme le libéralisme et son pendant le consumérisme. Deux épouvantails fabriqués par une Amérique que Garcia exècre.

Au service de ses mises en scène, une ironie dévastatrice et une équipe d’acteurs survoltés. Lesquels ne craignent pas de mettre à nu – au sens propre – les instincts de l’homme les plus bestiaux: manger et forniquer jusqu’à en crever.

La bouffe et le sexe sont donc les deux assises des spectacles de Garcia, toujours en quête du mot qui tue et de l’image (vidéo) qui glace.

Quand le Nord jouit, le Sud trinque…

Une formule à laquelle n’échappe pas «Jardineria Humana». On y voit l’Occident réaliser, grâce notamment à Nike et à Puma, ses conquêtes marchandes et sportives. Et ce au détriment d’un tiers-monde soumis à la puissance de sa pauvreté.

«Je crois que vous m’avez mal compris», dit l’autre pièce de Garcia. A ce dernier, on a envie de répondre: «Si, on vous a très bien compris Monsieur Garcia. D’autant que votre interprète, Marcial Di Fonzo Bo, enfonce très bien le clou».

Le comédien joue ici le rôle du père qui transmet hélas à son fils, comprenez aux futures générations d’un monde globalisé, une culture polluée, une fois de plus, par le consumérisme industriel.

Le même Marcial met en scène, dans une atmosphère de surenchère tout aussi radicale, «Eva Peron». Travestissement et dérives servent ici la cause de Copi qui voyait en la figure d’Evita, femme sulfureuse du célèbre dictateur argentin, le symbole d’une double prostitution. Celle que facilitent l’argent et la politique.

swissinfo, Ghania Adamo

«Je crois que vous m’avez mal compris» et «Jardineria Humana» à voir à Annemasse, Château Rouge, jusqu’au 4 septembre.
«Eva Peron» au Forum Meyrin, les 5 et 6 septembre.
Tel: 022 738 19 19

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