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Une génération d’artistes suisses cartonne à Lyon

«The End of the Remake», par Christoph Draeger, d'après «My Generation» des Who de 1965. swissinfo.ch

C'est avec une performance déjantée sur une chanson des Who, décibels et instruments fracassés à la clef, que s'est ouverte l'exposition des Suisses au Musée d'art contemporain de Lyon.

Elle présente une généreuse palette d’artistes suisses nés dans les années 60, exposés par le Centre culturel suisse de Paris, dans le cadre de l’opération ‘La belle voisine’.

«J’étais au concert des Who en 1965, ici à Lyon. La performance m’a rappelé de bons souvenirs!»

Ce nostalgique à cheveux gris faisait partie des centaines de personnes venues assister au «vernissage des Suisses», à Lyon le 15 février. Un événement organisé dans le cadre de ‘La belle voisine’, cette opération visant à faire découvrir des artistes suisses – de tous horizons – à Lyon et dans la Région Rhône-Alpes.

«Justement, je suis né en 1965», indique de son côté Christoph Draeger. Ce Zurichois de New York est l’auteur de «The End of the Remake», d’après le fameux «My Generation» des Who, qui figurait sur un album paru en… 1965.

La performance récupère la légende en se terminant à l’identique: après un déluge sonore, la destruction des instruments, dont les restes sont exposés jusqu’à la fin de l’exposition, le 29 avril prochain.

La génération d’avant la pilule

C’est l’un des travaux de «Question de génération», très belle exposition conçue par Michel Ritter, directeur du Centre culturel suisse de Paris, avec douze exposants et onze vidéastes.

«I hope I’ll die before I get old», chantait Roger Daltrey en préfigurant le «No Future» des punks… Contredisant la chanson des Who, les artistes présentés semblent promis à un bel avenir. «Ces artistes n’ont pas peur de chercher, ils ne se demandent pas si cela a déjà été fait, déclare une Lyonnaise. En 68, les créateurs se révoltaient mais n’étaient pas dans le système. Ceux d’aujourd’hui y sont, mais osent tout!»

Certains sont connus, comme Pipilotti Rist, Ugo Rondinone, Lori Hersberger ou Fabrice Gygi. D’autres moins. Mais tous sont issus de cette même veine de liberté et d’individualisme, tant dans les thèmes que les techniques. «Nous nous connaissons mais nous nous influençons peu. Du reste, la moitié d’entre nous vit à l’étranger», précise Christoph Draeger.

De son côté, la Bâloise Gerda Steiner salue ceux qui ont tracé le chemin: «En Suisse, nous avons une bonne politique culturelle, beaucoup de possibilités et peu de murs à casser, car ceux qui nous ont précédés (notamment les femmes) nous ont préparé la voie.»

Exposition-caléidoscope

Ce n’est qu’après avoir arrêté son choix, pour montrer «la diversité créative de cette lignée aléatoire», que Michel Ritter s’est aperçu que celle-ci était née entre 1962 et 1967. Le titre de l’expo était trouvé.

«Le musée de Lyon offre de grandes salles et de petites salles de cinéma. Nous avons donc pu présenter de grandes pièces et beaucoup de vidéos», se réjouit Nicolas Tremblay, du Centre culturel suisse de Paris, qui réalise là une belle opération.

Dans cette exposition-caléidoscope, on citera «Untitled» du Bâlois Lori Hersberger, immense installation de miroirs jouant habilement avec l’espace, dans lesquels se reflètent ses peinture aux couleurs fluos ainsi que les 18 colonnes de «Dancer and the Dance» et le X géant de «Lessnss» d’Ugo Rondinone.

Ou encore «Seebach OI#0785» de Bob Gramsma, un objet-installation fait de centaines de fenêtres récupérées sur une vieille maison zurichoise, une sorte de sculpture «walk-in» en forme de pavillon aux mille recoins mystérieux.

Ou «Il pleut», de Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger, jardiniers d’une installation aux lignes et couleurs psychédéliques rappelant encore les années 60. Un pays des merveilles où poussent… des cristaux d’urée, un engrais naturel.

Etre suisse ou ne pas être?

Qu’a-t-elle de suisse, cette génération? Tout et rien, répondent en cœur les artistes rencontrés à Lyon.

«Tous travaillent au niveau international et l’art est globalisé, déclare Leo Hirsberger. Je suis né en Suisse, j’ai un passeport et, bien sûr, des choses en commun avec ce pays, mais mon travail n’a rien de suisse. Il n’y a pas d”école suisse’, mais c’est vrai que le niveau général de l’art y est bon.»

«Nous n’avons rien de plus particulier que les autres, mais cette époque nous a gâtés et la qualité de la politique culturelle de la Suisse nous aide à aller travailler à l’étranger», relève Bob Gramsma.

«Moi je suis né d’immigrants italiens à Lausanne, donc cette question a peu d’importance. Entre artistes, nous nous connaissons et nous apprécions, mais ne formons pas une scène soudée. Cela dit, la diversité de cette expo prouve que nous sommes aussi nombreux que différents pour un si petit pays et ça, c’est intéressant», estime Massimo Furlan.

Une atmosphère favorable

Pour Thierry Raspail, directeur du Musée d’art contemporain de Lyon, la Suisse est privilégiée. «La Suisse compte beaucoup d’amateurs et de collectionneurs très en phase avec l’art visuel. Et puis il y a longtemps qu’elle a développé un réseau de musées, de Kunsthalle et de lieux montrant l’art en train de se faire, ce qui n’existe en France que depuis vingt ans. Enfin, je suis frappé du respect que les Suisses accordent aux artistes vivants, même aux artistes émergents.»

Et Nicolas Tremblay renchérit: «C’est vrai qu’il y a de l’argent en Suisse, et que l’atmosphère y est favorable. Toutes les villes ont leur musée d’art contemporain. Après tout, celui de Bâle a été le premier du monde!»

swissinfo, Isabelle Eichenberger à Lyon

«Une question de génération» est présentée par le Centre culturel suisse de Paris au Musée d’art contemporain de Lyon du 15 février au 29 avril.

Exposants: Francis Baudevin, Andreas Dobler, Christoph Draeger, Massimo Furlan, Bob Gramsma, Fabrice Gygi, Lori Hersberger, Claudia & Julia Müller, Pipilotti Rist, Ugo Rondinone, Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger, Sydney Stucki.

Vidéo: Christoph Büchel, Yan Duyvendak, Laurent Goei, Teresa Hubbard et Alexander Birchler, Marianne Müller, Elodie Pong, Markus Wetzel, Ingrid Wildi.

Le Musée d’art contemporain de Lyon a été créé en 1988.

En 1995, il s’installe au sein de la Cité Internationale conçue par l’architecte italien Renzo Piano.

Il crée la Biennale d’art contemporain en 1991.

L’opération ‘La belle voisine’ est soutenu par Pro Helvetia et les autorités culturelles françaises.

Présentation de la création suisse à Lyon et dans la région Rhône-Alpes du 12 janvier au 31 mars 2007.

Plus de 50 structures dans 16 villes accueillent 160 événements conçus par plus de 300 artistes suisses.

Le projet se poursuit avec le «retour en Suisse» des artistes français, de février jusqu’en 2008.

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