Des perspectives suisses en 10 langues

Une victoire tardive du bilinguisme

Le 'Burgplatz' ou la 'Place du Bourg'? Roland Zumbühl, picswiss.ch

Cité bilingue par excellence, Bienne s'appelait jusqu'ici officiellement «Biel». Elle a enfin réagi et vient d'être rebaptisée «Biel / Bienne».

C’est la première fois qu’une ville suisse située à la frontière des langues allemande et française peut légalement porter deux noms.

La chose est assez incroyable. Voilà une ville qui depuis le 19e siècle s’est fait connaître en Suisse et dans le monde par son bilinguisme. Une ville qui est d’ailleurs la seule de Suisse où le français et l’allemand sont parfaitement égaux sur le plan juridique.

Et que lit-on dans l’édition du 23 janvier de la Feuille fédérale, journal officiel du gouvernement? Que jusqu’au mois dernier, Bienne ne s’appelait pas du tout Bienne. Que son nom officiel était «Biel (BE)» – BE pour indiquer qu’elle est située dans le canton de Berne). Et qu’elle n’était donc au fond pas bilingue.

Bilinguisme de fait

Dans la pratique, il est vrai, et même si tout n’est pas toujours parfait en la matière, il y a bien longtemps que les dénominations bilingues sont à Bienne omniprésentes. Depuis des années, la poste, les chemins de fer et les entreprises de télécommunication emploient exclusivement le nom «Biel / Bienne».

Toute l’administration communale utilise du papier à l’en-tête bilingue («Stadt Biel / Ville de Bienne»). L’office de l’Etat-civil – le seul de Suisse à délivrer tous ses documents soit en français, soit en allemand soit même en italien! – est entièrement… trilingue.

Et une grande partie des administrations du canton de Berne opérant à Bienne utilisent «Bienne» lorsque l’administré est francophone et «Biel» dans le cas contraire.

Il n’en reste pas moins que jusqu’à l’an dernier, Bienne –«Biel (BE)» – était, officiellement, une ville purement alémanique. Hors du district de Bienne, les administrations suisses étaient en principe tenues d’utiliser le nom allemand. Et même à Bienne, seul «Biel» figurait jusqu’à récemment sur toutes les inscriptions au registre du commerce, y compris sur celles rédigées entièrement en français!

L’histoire d’un anachronisme

La question, évidemment, c’est pourquoi et comment un tel anachronisme – qui dans des régions moins calmes d’Europe aurait vite provoqué des conflits – a pu durer si longtemps?

Il faut savoir à cet égard qu’en 1956, le gouvernement du canton de Berne a adopté un curieux arrêté qui mentionne pour Bienne comme unique orthographe officielle «Biel (BE)». C’est cette orthographe que l’on retrouvait jusqu’ici dans la ‘liste officielle des communes de la Suisse’ dressée par le Département fédéral de l’Intérieur. Liste importante puisqu’elle est la seule valable pour l’orthographe des communes dans l’administration fédérale.

En fait, il semblerait qu’il y a un certain temps déjà, des fonctionnaires fédéraux avaient discrètement rendu attentives les autorités biennoises à l’existence du problème. Visiblement sans succès.

Mais tout change en 2002, lorsqu’un groupe d’étude mandaté par la commune de Bienne soumet un catalogue de mesures pour répondre aux ‘petites frustrations’ des francophones de la région.

La démarche fait suite aux rapports d’un professeur de droit et ancien député au Parlement fédéral sur l’octroi au district de Bienne, à l’intérieur du canton de Berne (en majorité alémanique), d’un ‘statut particulier’. Accepté entre-temps par le Parlement bernois, ce statut entrera en vigueur l’an prochain.

Dans le catalogue de 2002, la question du nom ‘officiel’ de Bienne n’était pas mentionnée. Mais dans la foulée des discussions qui ont suivi, elle a pris de l’importance. Et les choses se sont alors accélérées.

L’appel du 18 juin!

Le 18 juin dernier, la commune de Bienne demande officiellement au gouvernement bernois de revenir sur sa décision de 1956.

Fin 2004, le canton de Berne accepte la nouvelle appellation «Biel / Bienne» (avec une barre oblique pour signaler qu’il s’agit de la même commune et pas de deux communes ayant fusionné). Le 1er janvier 2005, la décision entre en vigueur. Et le 25 janvier, elle est publiée dans la Feuille fédérale.

Seul regret des Biennois: beaucoup de programmes informatiques refusent d’enregistrer des documents dont le nom contient une barre oblique…

swissinfo, Michel Walter

Bienne, situation linguistique au 1er janvier 2004:

– Germanophones: 61,3%
(dont 13,5% d’étrangers)

– Francophones: 38,7%
(dont 13,4% d’étrangers)

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