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Quel serait le nombre idéal de loups en Suisse?

Des loups en Suisse
Sans intervention, la population de loups en Suisse devrait augmenter de 30% par an. Keystone

Le ministre suisse de l'Environnement, Albert Rösti, a tiré la sonnette d'alarme face à l'augmentation rapide du nombre de loups, qui progresse d'environ 30% par an en Suisse et va de pair avec davantage d'attaques sur le bétail. Alors combien de loups peuvent coexister pacifiquement avec les humains dans le pays?

En 2019, moins de 100 loups vivaient en Suisse. Leur nombre a atteint près de 150 en 2021 et 240 l’année dernière. Actuellement, ils sont plus de 300 à se balader dans le pays, répartis dans 32 meutes différentes.

La fondation KORA, spécialisée dans l’écologie des carnivores et la gestion de la faune sauvage en Suisse, affirme que le pays dispose d’un territoire favorable à accueillir entre 50 et 100 meutes de loups.

Les écologistes estiment que les loups devraient être autorisés à prospérer, pas seulement pour des raisons romantiques mais aussi parce que les prédateurs du haut de la chaîne alimentaire sont le moyen le plus efficace de réduire les effectifs d’herbivores brouteurs tels que les cerfs.

Toutefois, un équilibre doit être trouvé entre les considérations écologiques et le bien-être des agriculteurs et agricultrices, de leur bétail et des autres personnes susceptibles d’être en contact avec les loups.

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D’après une étude scientifique menée en 2016, la population de loups en Suisse a besoin d’au moins 20 meutes pour être viable à long terme. Le projet de réforme de la loi sur la chasse prévoit pour sa part une réduction des meutes allant jusqu’à 70%, ce qui représenterait environ 12 meutes.

Le gouvernement suisse estime qu’il resterait ainsi suffisamment de loups pour honorer son obligation de sauvegarde du prédateur, la Suisse étant signataire de la Convention de Berne sur la protection de la vie sauvage.

Mais les groupes de protection de la nature envisagent d’opposer un recours en justice à ce projet de révision de la législation sur la chasse, qui «ignore la volonté du Parlement et du peuple d’instaurer une loi équilibrée entre chasse et protection», selon le groupe de conservation Wolf Switzerland.

«L’idée de tuer des loups ou même de gérer les populations de grands carnivores est actuellement l’une des questions les plus controversées en Europe», expliquait John Linnell, scientifique à l’Institut norvégien de recherche sur la nature, à swissinfo.ch en début d’année.

Un coût pour les contribuables

Le monde agricole souligne que les attaques sur les moutons, les vaches et les chèvres dans les alpages ont quintuplé depuis le tournant du millénaire, lorsque les loups ont commencé à se multiplier en Suisse.

Cette situation a aussi des conséquences financières pour les contribuables, car les agriculteurs et agricultrices sont indemnisés pour le bétail tué et pour la mise en place de mesures de protection des troupeaux.

L’Union suisse des paysans (USP) déplore une baisse des fonds alloués à la protection des troupeaux, ce que conteste l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). «Combien voulons-nous que coûtent les loups? Nous avons clairement dépassé le seuil critique. La Suisse est trop petite pour les 300 loups actuels. La population de loups doit être réduite», a déclaré l’association dans un e-mail à swissinfo.ch.

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Trouver l’équilibre

Le Parlement a déjà décidé d’autoriser l’abattage des loups s’ils sont considérés comme une menace. Une proposition initiale avait été rejetée par l’électorat suisse en 2020, conduisant à une révision l’année dernière, qui restreint davantage les tirs de loups mais maintient la possibilité de les abattre avant qu’ils ne s’en soient pris à du bétail.

L’OFEV se refuse à articuler un nombre précis de loups qui pourraient vivre durablement en Suisse. «La population de loups en Suisse augmente rapidement. Cela pose des défis majeurs, en particulier pour l’élevage alpin de moutons et de chèvres», a-t-il commenté dans un e-mail à swissinfo.ch.

«Sans intervention, la population de loups en Suisse augmentera d’environ 30% par an. La Suisse veut contribuer à ce que la population de loups des Alpes ne soit pas menacée dans son ensemble.»

A la fin du 19e siècle, les loups suisses ont été chassés jusqu’à l’extinction.

Au 20e siècle, quelques loups solitaires se sont parfois aventurés en Suisse, mais le premier loup résident n’est arrivé qu’en 1995. Il s’agissait d’un loup solitaire qui a traversé la frontière italienne et y est resté.

Ce n’est qu’en 2012 que la première meute contemporaine s’est établie. Il y a aujourd’hui en Suisse 32 meutes regroupant plus de 300 loups.

La Suisse a ratifié la «Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe» (Convention de Berne) du Conseil de l’Europe en 1981. À l’époque, il n’y avait pas de loups sur son territoire.

Une modification de la loi helvétique sur la chasse permet d’abattre des meutes ou une partie des meutes lorsque l’agriculture est menacée. Les gardes-chasse peuvent également abattre les loups qui s’approchent de manière menaçante des zones habitées et des humains, ou contre lesquels les mesures de protection des troupeaux sont inefficaces.

Les cantons doivent obtenir l’approbation de l’Office fédéral de l’environnement avant de procéder à l’abattage de loups, qui sera autorisé pendant une période allant de début septembre à fin janvier.

Traduit de l’anglais par Pauline Turuban

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