La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935
Les meilleures histoires
Démocratie suisse
Les meilleures histoires
Restez en contact avec la Suisse

L’arbitre de hockey, ce drôle de «zèbre»

Nicolas Fluri prend la pose devant la patinoire de Davos. Keystone

A seulement 25 ans, Nicolas Fluri siffle déjà sa deuxième Coupe Spengler cette semaine dans les Grisons. Mais qu’est-ce qui peut bien motiver ce jeune étudiant en droit à endosser deux à trois fois par semaine le costume du mal-aimé des patinoires?

C’est ce qui s’appelle une progression fulgurante. A 16 ans, Nicolas Fluri enfilait pour la première fois la tenue rayée noire et blanche caractéristique des arbitres de hockey sur glace. Moins de 10 ans plus tard, le jeune citoyen de Moutier, dans le Jura bernois, se retrouve acteur – ou plutôt à la mise en scène – du plus grand tournoi interclubs de hockey sur glace en Europe.

Pour la deuxième fois d’affilée, Nicolas Fluri a en effet eu l’honneur d’être convoqué au traditionnel rendez-vous de fin d’année à Davos, où il officie comme juge de ligne. Etudiant en droit à l’université de Neuchâtel dans le ‘civil’, le jeune homme passe une majorité de son temps libre à sillonner les patinoires de Suisse pour y exercer sa passion. Et au plus haut niveau, puisqu’il est le plus jeune arbitre du pays à siffler des matches de Ligue nationale A. Rencontre.

swissinfo.ch: Nicolas Fluri, comment vous est venue cette vocation pour l’arbitrage?

Nicolas Fluri: Un peu par hasard, en fait. J’étais joueur au HC Moutier et mon club avait un besoin urgent d’arbitres. En Suisse, ce sont en effet les clubs qui sont responsables de fournir un nombre d’arbitres suffisants à la ligue. J’ai accepté de suivre les cours et dès mes premiers coups de sifflet, je me suis tout de suite pris au jeu. Ensuite, j’ai progressé pratiquement d’une ligue chaque saison pour atteindre la Ligue nationale A en 2006. L’année passée, j’ai décroché le graal en étant convoqué pour la première fois à la Coupe Spengler. C’est le plus beau tournoi de hockey européen et chaque arbitre espère un jour y participer.

swissinfo.ch: Quelles sont les qualités nécessaires pour devenir un bon arbitre?

N.F.: Naturellement, il faut bien connaître le hockey sur glace et maîtriser parfaitement le patinage. Ensuite, la communication est l’élément le plus important. Impossible de progresser dans l’arbitrage si vous n’êtes pas un bon communicant. Il faut également être capable de se remettre continuellement en question et d’accepter les critiques. En cela, l’arbitrage est une formidable école de vie. Le contact avec mes collègues, les joueurs et les entraîneurs est extrêmement enrichissant. Il est essentiel de comprendre que nous sommes au service du sport, pas des policiers.

swissinfo.ch: Dans les patinoires, l’arbitre fait souvent office d’exutoire pour les supporters. Comment vivez-vous avec les sifflets et les insultes qui descendent des tribunes?

N.F.: Je n’ai jamais vraiment eu l’impression d’endosser le rôle du méchant. Certes, il y a beaucoup d’ambiance dans les patinoires. C’est la marque de fabrique du hockey suisse. Les fans sont enthousiastes, donnent de la voix et c’est quelque chose que j’apprécie énormément. Alors on s’accommode très bien des quelques insultes et sifflets. Dans le cas contraire, ça voudrait dire qu’on n’est pas à la bonne place. Je ne serais en tout cas pas favorable pour que l’on change cette culture et qu’on introduise du hockey ‘cinéma’, comme on en voit en Amérique du Nord, où les spectateurs viennent aux matches pour manger du pop-corn et boire du coca-cola.

swissinfo.ch: Les agressions physiques à l’encontre des arbitres sont en hausse dans les ligues mineures de football. En hockey, la situation est-elle identique?

N.F.: Il y a de temps en temps des agressions, mais les cas sont peu fréquents. Moins que dans le football, je pense. C’est évidemment quelque chose à bannir et il faut agir avec une extrême sévérité à l’encontre des coupables.

En LNA, il y a un énorme respect à l’égard des arbitres. Bien sûr, certains entraîneurs ont la réputation de parfois s’emporter verbalement. Mais ça fait partie du jeu, ils utilisent aussi cette pression sur l’arbitre pour motiver leurs troupes. Ce sont des professionnels et ils savent en général jusqu’où ils peuvent aller s’ils ne veulent pas être sanctionnés.

swissinfo.ch: L’arbitrage-vidéo, l’introduction d’un quatrième arbitre, une nouvelle interprétation plus stricte des règles: les évolutions ont été nombreuses ces dernières années. Comment les jugez-vous?

N.F.: Tous ces progrès sont nécessaires. L’arbitrage-vidéo est une bonne chose pour l’équité sportive. Le sport évolue, devient plus rapide et est toujours plus médiatisé. Ce n’est pas normal que la planète entière puisse voir qu’un but a été entaché d’une faute et que seule la personne concernée ne le voit pas.

L’introduction d’un quatrième arbitre va également dans ce sens. Ca rassure tout le monde. Les joueurs savent qu’ils sont sous constante observation et ça permet de diminuer nettement les vilaines fautes effectuées dans le dos de l’arbitre. Quant à la nouvelle interprétation du règlement, elle ne vise pas le jeu physique mais le jeu destructif, c’est-à-dire toutes les fautes commises avec la crosse et qui pourraient freiner le bon déroulement du jeu.

swissinfo.ch: De plus en plus de joueurs sont victimes de commotions cérébrales. L’arbitre a-t-il un rôle à jouer dans la prévention de ce type de blessures?

N.F. : Les responsables de l’arbitrage en Suisse ont en effet remarqué qu’il y avait eu beaucoup de commotions cette année. Des directives ont été édictées afin de sanctionner très sévèrement les charges dans le dos ou contre la tête. Le fautif ne restera de toute façon pas impuni puisque le juge unique de la ligue a la possibilité d’avoir recours à la vidéo après coup pour le sanctionner.

swissinfo.ch: Selon Reto Bertolotti, responsable de l’arbitrage en Suisse, il manquerait 200 à 300 arbitres pour assurer le bon déroulement des différentes championnats. Comment remédier à ce problème?

N.F.: Je pense qu’il faudrait davantage mettre à contribution les jeunes hockeyeurs lors des matches de juniors. Il faut leur faire enfiler le maillot d’arbitre, c’est essentiel d’essayer au moins une fois car on ne sait pas d’emblée si c’est quelque chose qui nous convient. Certains vont mordre, d’autres pas. C’est peut-être une évidence, mais je rappelle quand même que sans arbitres, il n’y aurait pas de matches de hockey.

Samuel Jaberg, Davos, swissinfo.ch

Nicolas Fluri est un arbitre de hockey âgé de 25 ans et domicilié à Moutier, dans le Jura bernois. Il est étudiant en droit à l’université de Neuchâtel. Il a évolué en tant que joueur en deuxième ligue avec le HC Moutier. Il officie comme juge de ligne en LNA depuis 2006 et a participé aux deux dernières éditions de la Coupe Spengler.

Le juge de ligne est notamment responsable des hors-jeu à la ligne bleue, des dégagements interdits et des engagements. Il siffle les surnombres ou les pucks envoyés en dehors de la glace. Il assiste l’arbitre principal – ou les deux arbitres selon les cas – dans ses décisions, notamment pour sanctionner les fautes graves.

En tant que juge de ligne, Nicolas Fluri perçoit 300 francs par match auxquels s’ajoutent les indemnités de déplacement. A raison de deux ou trois matches par semaine durant l’hiver, cette manne lui permet de financer une partie de ses études de droit. Le jeune homme espère pouvoir officier dans le futur comme arbitre principal dans le championnat de Suisse. Son rêve est de participer un jour aux Jeux olympiques.

Tradition. La Coupe Spengler, décernée pour la première fois en 1923, est le plus ancien tournoi de hockey sur glace entre clubs en Europe.

Médecin. Le tournoi a été fondé par le médecin davosien Carl Spengler, désireux de renouer le dialogue entre les nations au sortir de la Première Guerre mondiale.

Fêtes. La compétition se déroule chaque année à Davos, plus haute ville d’Europe située dans le canton des Grisons, entre le 26 et le 31 décembre.

Importance. Avec ses 8,2 millions de francs de budget, la Coupe Spengler est le 2e plus grand événement sportif organisé en Suisse après le tournoi de tennis de Bâle.

Participants. En 82 éditions, plus de 100 clubs de 18 pays ont pris part à la Coupe Spengler. Le HC Davos, victorieux à 14 reprises du trophée, est le club le plus titré de la compétition.

Spectateurs. Le record de spectateurs a été atteint en 2002, lorsque 84’480 spectateurs ont assisté aux 11 rencontres d’une édition disputée à guichets fermées.

2010. Outre le Team Canada et le HC Davos, habitués de la compétition, les Tchèques de Karlovy Vary, les Allemands de Mannheim et les Biélorusses du Dinamo Minsk participent également à l’édition 2009 de la Coupe Spengler.

Les plus appréciés

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision