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Le gouvernement veut interdire les pitbulls

Les pitbulls ne sont plus bienvenus en Suisse. Keystone

Six semaines après la mort tragique d'un garçon de six ans sous les crocs de trois pitbulls, le gouvernement lance un projet d'interdiction des chiens dangereux.

La mesure vise à terme la disparition de treize races. Les milieux intéressés ont cinq jours pour se prononcer, mais vendredi déjà, de nombreuses voix sceptiques se sont élevées.

Le pitbull n’est pas une race en tant que telle. Il s’agit de bêtes sélectionnées à partir d’american staffordshire-terriers pour des combats de chiens. Quoi qu’il en soit, l’Office vétérinaire fédéral (OVF) et son ministre de tutelle Joseh Deiss veulent faire disparaître ces animaux du territoire suisse.

Pour y parvenir, ils proposent un train de mesures qui devrait entrer en vigueur «aussi tôt que possible». Selon ce projet, les pitbulls vivant actuellement sur sol suisse ainsi que les bâtards issus des 13 races citées dans la liste de l’OVF devront être stérilisés ou castrés.

Les détenteurs de chiens concernés auront jusqu’au 31 mars pour annoncer leur animal, qui fera l’objet d’un examen. Les cantons décideront d’autoriser ou non le propriétaire à garder ses pitbulls et autres bâtards avant la fin juin. Pour les chiens de race, la décision sera prise d’ici la fin de l’année.

Caractère équilibré


L’OVF entend également forcer les détenteurs et éleveurs de chiens à d’éduquer leurs bêtes, quelle que soit leur race.

Les vétérinaires, médecins, policiers, douaniers et éducateurs canins seront tenus de déclarer les troubles du comportement et les morsures sur des personnes ou des animaux.

L’élevage et l’éducation des bêtes doivent produire des «chiens au caractère équilibré». Lesquels devront également bénéficier de contacts quotidiens avec des êtres humains, et si possible avec leurs congénères.

La pointe de l’iceberg


«Les mesures d’interdiction ne concernent que la pointe de l’iceberg: les chiens de combat constituent 11% de la population canine suisse. Tout chien est potentiellement dangereux» rappelle Hans Wyss, directeur de l’OVF.

Un avis que partage Pierre-François Gobat, vétérinaire cantonal de Neuchâtel. Son canton est le seul à tenir, depuis quatre ans, une statistique des morsures qui amènent les gens chez le médecin ou à l’hôpital.

«Seuls 10% environ de ces morsures ont été causées par des chiens inscrits sur la liste de l’OVF, note le vétérinaire. Et si l’on considère les 13 cas où le chien a carrément arraché un lambeau de chair, un seul est dû à un animal de type pitbull».

Question d’éducation


Adversaire résolu des listes de races, Pierre-François Gobat confirme à swissinfo que tout chien peut être dangereux: «ce qui est important, c’est que le chien sache qu’il n’a pas le droit de mordre. Et ça, ce n’est pas une question génétique, mais une question d’éducation».

Selon l’OVF, l’application des mesures préconisées impliquera la création de quinze nouveaux postes dans les cantons. Ce que craint le vétérinaire neuchâtelois, c’est que les moyens déployés ici fassent défaut ailleurs, pour la prévention notamment.

«En outre, ajoute Pierre-François Gobat, en focalisant tout sur ces races, on va donner au public l’impression que les autres ne sont pas dangereuses. Et c’est complètement faux».

L’effet «Blick»

Colette Pillonel, spécialiste du comportement canin, a récemment claqué la porte du groupe de travail mis sur pied par le gouvernement sur les chiens dangereux.

Elle rappelle que les deux races qui sont responsables du plus grand nombre de morsures, soit le berger allemand et le berger belge, ne sont pas sur la liste de l’OVF. Comme Colette Pillonel le déclare à swissinfo, ces mesures sont «une simple réponse politique à la pression mise par le Blick (quotidien de boulevard alémanique)».

Peter Rub, président de la Société cynologique suisse (SCS), estime également que l’interdiction des pitbulls est une mesure «politique et non objective».

Enfin, la Protection suisse des animaux (PSA) craint que de nombreux propriétaires de chiens interdits cherchent à se séparer de leurs bêtes et veuillent les lui confier. Or, elle ne pourra pas trouver de places pour tous ces animaux. Selon elle, il est «inacceptable de vouloir se débarrasser du problème de cette manière».

swissinfo et les agences

La Suisse n’a pas encore de législation nationale sur les chiens. Celle-ci dépend des cantons. Certains sont sévères, d’autres totalement laxistes.
Après la mort d’un garçon de six ans, déchiqueté par les pitbulls en décembre dernier dans le canton de Zurich, le ministre de l’économie Joseph Deiss avait promis de prendre des mesures.
Le projet a été dévoilé vendredi. Il vise les races suivantes: american staffordshire-terrier, staffordshire-bullterrier, bullterrier, dobermann, dogue argentin, dogue des Canaries, fila brasileiro, rottweiler, mastiff, mâtin espagnol, mâtin napolitain, tosa et cane corso italiano. La liste pourrait être complétée.
La détention de ces chiens serait soumise à autorisation, tout croisement serait interdit et les animaux seraient tous castrés ou stérilisés.
L’Office vétérinaire fédéral estime le nombre des chiens concernés à 10’000 environ.

– En Allemagne, plusieurs races de chiens sont interdites à l’importation ou à l’élevage.

– En France, l’acquisition, la cession, l’importation et l’élevage de chiens dangereux sont interdits. Ceux qui en possédaient avant l’entrée en vigueur de la loi ont dû les stériliser. En outre, ils doivent porter une muselière et être tenus en laisse sur la voie publique et dans les immeubles.

– En Angleterre, la laisse et la muselière sont obligatoires pour les chiens susceptibles d’être dangereux. L’élevage et l’importation de chiens de type pitbull y sont interdits, tout comme aux Pays-Bas.

– Dans tous ces pays, ces chiens sont donc appelés à disparaître à terme.

– Avec la nouvelle législation qu’il propose d’introduire, le gouvernement suisse vise le même but.

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