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Les failles de l’amnistie fiscale

Au centre de l'affaire: la Banque italienne Fideuram et sa filiale suisse. Keystone

La police italienne a démantelé un vaste réseau d'évasion fiscale vers la Suisse.

En Italie, des voix demandent désormais une réforme du système d’amnistie fiscale. Certains craignent que la mafia exploite ses failles pour blanchir son argent sale… en toute légalité.

«Il fallait s’y attendre. Nous avions prédit que l’amnistie fiscale mènerait à cela», lance Giorgio Benvenuto, député italien de centre-gauche et membre de la Commission des finances du Parlement.

La pointe de l’iceberg

La Garde des finances italienne a mis au jour un trafic d’au moins 23 millions d’euros, arrivés en Suisse avant d’être rapatriés en Italie, en toute légalité, grâce au nouveau règlement. Et cette découverte ne serait que la pointe émergée de l’iceberg.

«Un dicton américain dit que si l’on découvre un cafard dans la maison, c’est que le nid n’est pas loin», commente encore Giorgio Benvenuto.

Une centaine de prévenus

Pour l’instant, une centaine de personnes ont été mises à l’enquête dans le cadre de cette opération baptisée «Fido»: 92 conseillers financiers de la banque italienne Fideuram, cinq fonctionnaires et neuf clients, parmi lesquels un ex-footballeur.

Le principe était simple. Il s’agissait d’exporter des capitaux, fruits d’activités illicites ou de la fraude fiscale, vers la Suisse.

Avec la complicité d’employés de la filiale suisse de la banque, l’argent était investi dans des produits financiers helvétiques – pour le blanchir – ou simplement rapatrié grâce à la procédure anonyme de l’amnistie fiscale.

«C’est seulement par hasard que les faits ont été découverts», précise le député italien. L’organisme de surveillance des banques (Consob) a été mis sur la piste par un client de la banque Fideuram qui dénonçait les méthodes des promoteurs. L’enquête est partie de là.

La Garde des Finances italienne a ainsi appris que les clients recevaient des brochures leur proposant notamment d’«amnistier» des capitaux au noir. Autrement dit, on leur offrait la possibilité de blanchir leur argent en Suisse contre versement d’un pourcentage.

Un instrument pour la mafia?

Lancée en 2001 par le gouvernement Berlusconi, l’amnistie fiscale avait pour objectif de lutter contre la fuite des capitaux en facilitant leur rapatriement. Mais, selon les opposants au projet, le système ne fait qu’encourager la fraude fiscale.

L’anonymat est le défaut le plus pervers de cette loi, selon Giorgio Benvenuto. «Nous craignons que le crime organisé ait découvert les failles du système d’amnistie fiscale et soit en train de l’exploiter.»

Giuseppe Lumia, ex-président de la commission anti-mafia, demande au gouvernement de revoir la loi sur l’amnistie. Dans une déclaration à la presse, il a déclaré: «Si les promoteurs de Fideuram ont pu rapatrier l’argent blanchi, pourquoi la mafia n’y parviendrait pas?»

La première modification à apporter à la loi, estime le procureur du Ministère public turinois Bruno Tinti, concerne l’anonymat de la procédure, qui porte atteinte à la lutte contre le blanchiment d’argent et encourage le trafic illicite.

swissinfo, Paolo Bertossa, Rome
(Traduction: Alexandra Richard)

– Près d’une centaine de conseillers financiers de la banque Fideuram sont accusés d’avoir transféré des millions d’euros en Suisse en s’appuyant sur la filiale helvétique de l’institut.

– La banque Fideuram dispose d’une filiale basée à Zurich et d’une succursale à Lugano.

– Le système mis en place visait à transférer en Suisse, pour le compte d’entrepreneurs italiens, de l’argent non déclaré au fisc, mais aussi, dans deux cas, de fonds provenant d’activités d’usure, selon la brigade financière.

– Sept clients du réseau font par ailleurs l’objet d’une enquête pour blanchiment.

– Selon les autorités italiennes, les conseillers financiers impliqués recevaient une commission variant de 5 à 20%.

– Environ 20% de cet argent aurait ensuite été rapatrié en Italie à la faveur de l’amnistie fiscale.

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