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Comment décrypter le scandale du cryptage?

Les machines exportés par Crypto étaient truquées pour pouvoir espionner leurs utilisateurs. Keystone / Rama/lizenz Cc-by-sa-2.0-fr

L’Opération Rubicon bouleverse la petite Suisse. Pour faire la lumière sur l’affaire d’espionnage à grande échelle passant par l’entreprise suisse Crypto, la Confédération pourrait créer la cinquième Commission d’enquête parlementaire (CEP) de son histoire. Un instrument qui s’utilise lorsque l’heure est grave.

L’affaire Crypto secoue la Suisse. La CIA et les services de renseignement allemands (BND) se sont servis de l’entreprise helvétique Crypto pour espionner une centaine de pays. Les révélations publiées mardi par la télévision suisse alémanique SRF, la télévision allemande ZDF et le Washington Post mettent en lumière une histoire d’espionnage international passant par la Confédération.

Le gouvernement a annoncé dès mardi qu’il ouvrait une enquête. Ce jeudi, c’est la Délégation des commissions de gestion du Parlement qui a annoncé le lancement d’une enquête pour faire la lumière sur ce que savait le gouvernement de l’époque. La gauche est toutefois convaincue qu’il faut aller plus loin et créer une commission d’enquête parlementaire, un instrument utilisé uniquement dans des cas exceptionnels.

Les deux Chambres du Parlement peuvent décider d’instituer une Commission d’enquête parlementaire (CEP) «en cas d’événements d’une grande portée sur lesquels il est indispensable de faire la lumière», comme l’indique la loiLien externe.

La CEP est chargée d’établir les faits. Elle est composée d’élus du Conseil national (Chambre basse) et du Conseil des États (Chambre haute), en nombre égal. Leur désignation se fait par les bureaux des Chambres en respectant la force numérique des groupes parlementaires. La CEP dispose aussi de son propre secrétariat et les Services du Parlement mettent à sa disposition le personnel dont elle a besoin.

Le gouvernement est représenté par l’un de ses membres auprès de la commission. Il a le droit d’assister à l’audition des témoins et des personnes appelées à fournir des renseignements et de leur poser des questions complémentaires.

Une CEP dispose du même droit à l’information que les délégations des commissions de surveillance, chargées d’examiner le bon déroulement des affaires publiques. Elle peut notamment entendre des témoins, consulter des procès-verbaux ou, selon le cas, confier à un chargé d’enquête le soin d’administrer les preuves.

Tant que le rapport de la CEP n’a pas été publié, toutes les personnes qui ont pris part aux séances ou aux auditions sont soumises à l’obligation de garder le secret. Les autorités de la Confédération et des cantons sont tenues de lui prêter l’aide juridique ou administrative dont elle a besoin.

Seules quatre Commissions d’enquête parlementaire ont été constituées dans l’histoire de la Confédération.

L’affaire des Mirages

La première est mise sur pied en 1964 pour faire la lumière sur l’affaire des MiragesLien externe. Cette CEP est chargée d’enquêter sur un dépassement de crédit de 576 millions de francs dans l’acquisition de 100 avions de combat français. Le rapport est accablant: le Département militaire est accusé d’avoir trompé le gouvernement, le législatif et l’opinion publique. Le nombre de Mirages achetés est ramené à 57.

L’affaire des fiches

En 1989, une CEP reçoit le mandat d’enquêter sur la démission de la ministre Elisabeth Kopp à la tête du Département fédéral de justice et police. Elle révèle l’existence de 900’000 fiches constituées illégalement, qui traçaient les activités les plus quotidiennes de Suisses et d’étrangers, essentiellement des personnes de gauche. L’objectif officiel de ce fichage est de protéger la Suisse d’activités subversives communistes dans le contexte de la Guerre froide. La découverte du scandale des fiches soulève à l’époque des protestations étendues.

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Une armée secrète

L’affaire des fiches entraîne la mise en place d’une troisième CEP. Celle-ci est chargée d’investiguer sur le fonctionnement du Département militaire fédéral, chargé des renseignements et de la sécurité. En 1990, elle met au jour l’existence de la P-27, un service de renseignements extraordinaire, détaché de l’administration et chargé de récolter des informations à l’étranger par tous les moyens, ainsi que le fonctionnement d’une armée secrète sans base légale ni contrôle politique, la P-26.

Dysfonctionnement de la Caisse fédérale de pensions

La dernière CEP est lancée en 1995 à la suite des dysfonctionnements de la caisse fédérale de pensions. Elle attribue la responsabilité principale de sa mauvaise gestion à l’ancien ministre Otto StichLien externe.

D’autres commissions d’enquête ont été proposées, mais le Parlement a refusé de les créer. C’est notamment le cas de demandes d’institution d’une CEP pour enquêter sur le grounding de la compagnie d’aviation Swissair.

Le Parlement pourrait déjà se prononcer sur l’opportunité de lancer une CEP sur l’Opération Rubicon, lors de la session de mars prochain. 

Sur le plateau de l’émission de débat télévisée Infrarouge, la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga a d’ores et déjà fait savoir que si les Chambres décidaient du lancement d’une CEP, «bien sûr, le Conseil fédéral va le soutenir, comme c’est toujours le cas».

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