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La SUISA veut-elle la mort des webradios?

Passionné de radio depuis plus de vingt ans, Steve Ritschard a installé une webradio dans sa cave. swissinfo.ch

La Société suisse pour les droits des auteurs d’œuvres musicales (SUISA) augmente drastiquement la redevance pour les radios Internet.

Le plus souvent gérées par des passionnés qui les financent de leur poche, les webradios risquent de ne pas survivre à ces nouveaux tarifs.

Un ordinateur installé dans la cave d’un immeuble, quelques piles de disques, un accès à Internet et une bonne dose de passion… Jusqu’ici, il ne fallait pas beaucoup plus que ça pour lancer une radio sur le Net.

Mais les nouveaux tarifs de la SUISA pourraient bien couper tout nouvel élan créatif et signer l’arrêt de mort des webradios existantes.

Ces dernières n’étaient pas encore nées lorsque l’ancien système de perception des droits d’auteurs a été mis en place. En fait, il s’agissait plutôt d’un arrangement.

La SUISA perçoit généralement un pourcentage du chiffre d’affaires du diffuseur. Les webradios n’ayant aucun revenu, la société s’était entendue avec leurs détenteurs pour prélever un pourcentage des coûts de fonctionnement.

15 fois plus cher

A l’avenir, le principe restera le même. En revanche, le nouveau règlement introduit une redevance minimale. Et c’est ce point qui change tout.

Le tarif minimum sera de 130 francs par mois pour les webradios qui ont jusqu’à 25 connections simultanées. Pour celles ayant plus de 25 connections, il sera de 260 francs. Avec ce nouveau tarif, certaines paieront jusqu’à 15 fois plus qu’auparavant!

«Ma facture va passer d’environ 150 francs par an à 3100 francs», observe ainsi Steve Ritschard, fondateur de lemixx.com, une webradio spécialisée dans le funk des années 80. «C’est un assassinat! Je ne sais pas si ceux qui ont établi ce nouveau règlement en sont conscients.»

Droit des musiciens

Alors, homicide involontaire ou meurtre prémédité? «C’est clair que nous ne pouvions pas ignorer que certains diffuseurs auraient de la peine à s’acquitter de cette redevance minimum», reconnaît Cédric Divoux, fondé de pouvoir à la SUISA.

«Bien sûr, notre but n’est pas de causer leur perte, poursuit le responsable des droits de diffusion pour la Suisse romande. Mais la musique a un prix. Or les radios sur Internet ont des programmations essentiellement musicales.»

S’adressant à un public international, les webradios limitent en effet les interventions parlées pour éviter le problème de la langue et des créneaux horaires.

Elles sont le plus souvent spécialisées dans un style de musique et offrent une alternative à ce que propose la bande FM. Certaines font même la promotion d’artistes locaux qui n’ont aucune chance d’être diffusés sur les ondes hertziennes.

Redistribution de l’argent

«Avec ces tarifs prohibitifs, la SUISA encourage un formatage des radios, une certaine conformité, commente Steve Ritschard. Elle favorise le créneau commercial et soutient ceux qui ont déjà beaucoup d’argent.»

«Les diffuseurs nous servent souvent cet argument. Mais il faut bien payer des droits d’auteurs aux musiciens, répète de son côté Cédric Divoux. Et puis, l’argent que nous récoltons est ensuite redistribué aux personnes qui ont composé les œuvres.»

Comme il est impossible d’obtenir un listing complet de ce qui est diffusé, la SUISA se base sur des statistiques. Du coup, l’artiste le plus diffusé de manière générale est celui qui obtient le plus d’argent.

Autrement dit, l’argent perçu auprès des webradios qui passent des artistes souvent méconnus ira à Céline Dion plutôt qu’à ces derniers.

Cédric Divoux admet un certain «effet pervers des statistiques. Mais la SUISA essaie aussi de jouer sur les répertoires. Lorsqu’on sait qu’une webradio diffuse un style de musique, on va tenter de redistribuer l’argent vers ce répertoire-là.»

Quelle issue?

La société de perception des droits d’auteurs a déjà reçu plusieurs appels de détenteurs de webradios. Jusqu’ici, seuls les Romands ont réagi. Il faut dire qu’en Suisse alémanique, les lettres informant les diffuseurs des nouveaux tarifs en vigueur sont parties une semaine plus tard.

Face aux réactions, la direction de la SUISA a décidé de se réunir en fin de semaine pour évoquer la question. Parallèlement, elle va également poursuivre les discussions avec les diffuseurs.

«Nous allons tenter de trouver une solution avec eux, précise Cédric Divoux. Ils peuvent par exemple limiter leur temps de diffusion en émettant le week-end seulement, cela leur coûtera moins cher.»

La SUISA n’exclut pas non plus de revoir son prochain règlement tarifaire. Mais ce ne sera pas avant… 2009! D’ici là, la grande majorité des webradios n’auront probablement pas survécu.

«Les nouveaux tarifs nous poussent à abandonner ou alors à s’exiler virtuellement, constate l’initiateur de lemixx.com. Internet n’a pas de frontières. Dès lors, on peut très bien s’installer dans un autre pays.»

«Ce serait pourtant dommage d’en arriver là et surtout de décourager ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure. Récemment, un éducateur m’a contacté pour obtenir des renseignements. Il pensait monter une webradio avec des adolescents en difficulté. J’imagine que désormais son projet est compromis…»

swissinfo, Alexandra Richard

En principe, la SUISA perçoit un pourcentage du chiffre d’affaires du diffuseur.
Les webradios n’ayant aucun revenu, la SUISA prélevait jusqu’ici un pourcentage des coûts de fonctionnement.
A l’avenir, le principe restera le même, mais une redevance minimale a été introduite.
Elle s’élèvera à 130FS par mois pour les webradios ayant jusqu’à 25 connections simultanées et 260FS pour celles ayant plus de 25 connections simultanées.

– En Suisse, les webradios sont nées ces dix dernières années.

– Certaines appartiennent à des radios hertziennes qui veulent élargir leur audience.

– Mais la plupart des webradios sont gérées par des passionnés qui les financent de leur poche.

– Celles-ci sont le plus souvent spécialisées dans un style de musique et proposent des titres qui n’ont pas leur place sur les ondes hertziennes.

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