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Montreux prescrit la jubilatoire formule du docteur Lloyd

Charles Lloyd, humble et particulièrement en verve. Montreux Jazz Festival

Star «historique» du festival, Charles Lloyd ne pouvait pas ne pas être à l'affiche de cette quarantième édition. Pour le bien du public...

Mercredi, le saxophoniste américain et ses compères Zakir Hussain au tabla et Eric Harland à la batterie ont comblé l’auditoire du Casino barrière.

Charles Lloyd venait de monter son vertigineux quartet (Atlantic). Keith Jarrett au piano, Jack DeJohnette à la batterie, Cecil McBee (ou Ron McClure) à la basse…

L’époque était autre et les stars se recrutaient aussi parmi les jazzmen. Celles-ci avaient su reconnaître leur bonne étoile – les compositions de Lloyd et Jarrett.

Résultat: «Forest Flower: Charles Lloyd at Monterey» (1966). Disque marquant pour toute une génération et premier album de jazz à dépasser le million d’exemplaires vendus.

C’est là, avant de devenir le premier groupe américain à se produire en URSS, que le quartet fera halte au Montreux Jazz Festival. En 1967. Première tête d’affiche de l’événement.

Claude Nobs raconte avoir convaincu Charles Lloyd lors du Festival de Juan les Pins, dans le Sud de la France. «I’ll be there», aurait simplement consenti le saxophoniste.

Affecté par le décès de sa mère, Charles Lloyd délaissera la musique deux ans plus tard pour se consacrer à la méditation transcendantale. Avant de réapparaître au début des années quatre-vingt.

Et, presque quarante ans plus tard, venir prouver que sa part Cherokee n’a rien perdu de son instinct de pisteur. Le tout, en compagnie de deux magiciens des rythmes. Plus qu’un trio, un rendez-vous.

Charles Lloyd: «La musique est tout pour moi. C’est un passage vers une conscience supérieure, vers la liberté. (…) Il s’agit simplement de partager des moments d’inspiration et de consolation avec le spectateur.»

Entre (free) jazz, sonorités du nord de l’Inde et percussions extatiques, la musique des trois compères est aussi jubilatoire qu’un billet de loterie gagnant.

Comme un gosse en liberté

Casquette, éternelles lunettes sombres, Charles Lloyd commence par se mettre au piano et par entamer une ballade. Au tabla, Zakir Hussain souligne. A la batterie, Eric Harland tisse.

Puis ce dernier rejoint «Master» Lloyd au piano, avant que l’autre s’en aille caresser les peaux des caisses d’Harland. Mélopées de Hussain, motifs récurrents du piano: la transe émerge. Lloyd saisit sa flûte au son plein et profond.

Phrases ornementées, jamais bavardes, il jouit comme un gosse de sa liberté, toujours attaché à la beauté du son, ici comme aux saxophones.

Suivront cinq morceaux de la même trempe. Une musique incantatoire ou dansante, expressionniste, aux accents coltraniens, ponctuée de clins d’oeil.

Facétieux, Hussain est irrattrapable. Harland, flamboyant et mélodique. Et Lloyd, à la fois humble et particulièrement en verve.

Une courte apparition gênée

Au premier tiers du concert, le saxophoniste insiste pour faire émerger des coulisses un musicien qu’il vénère depuis sa jeunesse. Il tient à lui rendre hommage. Quincy Jones fait une courte apparition gênée.

Plus tard, avec émotion, Charles Lloyd évoquera Billy Higgins, batteur et compagnon de route durant quarante ans. Puis il s’excusera auprès de Quincy Jones pour l’embarras causé. «You know, I’m just a kid!»…

Pour le second set de la soirée, le Casino barrière accueillait Marcus Miller et son groupe. Toujours aussi roborative, la musique funk-jazz du bassiste a une nouvelle fois ébahi l’auditoire par sa technicité et son évidence.

A 47 ans, l’homme au chapeau noir est un musicien et un showman hors pair. Mais sa voltige à cheval sur quatre cordes peut aussi lasser.

swissinfo, Pierre-François Besson à Montreux

Le 40e Montreux Jazz Festival a lieu jusqu’au 15 juillet.
Il se déroule au Centre des congrès (Auditorium Stravinsky et Miles Davis Hall), mais aussi au Casino Barrière pour les concerts plus spécifiquement jazz et sur les quais pour le festival off, gratuit.
Parallèlement aux concerts proprement dits, des concours instrumentaux et des workshops ont lieu chaque année.
En novembre sortira «Montreux Jazz Festival, 40th», un ouvrage de 1200 pages signé Perry Richardson, qui évoquera l’ensemble de l’épopée montreusienne.

– Sang mêlé du Tennessee, Charles Lloyd, aujourd’hui âgé de 68 ans, est entré dans l’histoire du jazz dès les années soixante. Ce géant du saxophone explore depuis des lustres des territoires souvent proches du free jazz et des musiques modales indiennes.

– En hommage à Billy Higgins, longtemps à ses côtés, il a créé en 2004 le trio qui vient de sortir l’album Sagam (confluence, intersection, rencontre) et qui se produisait à Montreux.

– Au Tabla, souvent considéré comme le maître actuel de l’instrument, Zakir Hussein (1951) multiplie les rencontres et expériences musicales. Sur son chemin sont notamment passés John McLaughlin, Jan Garbarek ou George Harrisson.

– Aux percussions, le jeune New-Yorkais Eric Harland. A 30 ans, le subtile Texan d’origine a déjà été entendu aux côtés de McCoy Tyner, Pharoah Sanders, Betty Carter, Joe Henderson, Jason Moran. Notamment.

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