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Quand des Bâlois redessinent le centre de Lyon

La «Confluence», un quartier à la pointe de la presqu'île entre le Rhône et la Saône. lyon-confluence.fr

Le bureau Herzog & de Meuron a présenté son projet de refonte du sud de la «Confluence». C’est tout un quartier qui va sortir de terre, au cœur de la ville. Un projet bien accueilli, mais avec deux tours qui font débat.

Des entrepôts plus ou moins vides, deux anciennes prisons, un marché de gros, des rues pas très peuplées, une autoroute à six voies. Où est-on? Dans un faubourg industriel mal famé?

Non: au cœur de Lyon. Il suffit de se promener sur la pointe de la presqu’île entre le Rhône et la Saône, sur la partie sud de la «Confluence», pour s’apercevoir que le centre de Lyon ne répond pas aux canons de la ville européenne.

Le quartier est laissé un peu à l’abandon, espace périphérique au cœur même de la ville. C’est cette zone «derrière les voûtes», cette immense «arrière-gare» bordée d’eau qu’a redessiné le bureau d’architectes suisse Herzog & de Meuron.

Chantier géant

Pas simple. Depuis 2000, toute la Confluence est en travaux. Comme si, à Genève, on remodelait tout le quartier entre Arve et Rhône – Jonction, Plainpalais, Vieille Ville, etc. Un chantier monumental, comparable, à l’échelle européenne, à ce qui se fait à Hambourg ou sur l’île de Nantes. Réhabilitation des quais et du port, création de logements, d’un musée et du siège du conseil régional: c’est toute la ville que l’on réinvestit.

Le maire de Lyon, Gérard Collomb, n’a pas hésité longtemps avant de confier la seconde phase – la pointe sud de la Confluence – à l’équipe Herzog & de Meuron. Séduit par le «génie» des urbanistes bâlois, et peut-être aussi par une certaine aptitude au compromis. À Lyon pourtant, l’entrée en lice des Suisses ne faisait pas l’unanimité. «J’étais un peu inquiet, reconnaît Franck Scherrer, directeur de l’Institut d’urbanisme de Lyon. Herzog & de Meuron sont plutôt connus comme des architectes d’objets, je pense notamment au stade olympique de Pékin.»

Résultat: très convaincant, estime Scherrer. Le défi était de taille. «Comment faire avancer vers le sud le front de la ville?» résume Gérard Collomb. Comment surmonter les contraintes: une autoroute, une trame urbaine très orthogonale? «Pour nous, Lyon, c’est la Confluence, explique Pierre de Meuron. On n’a pas essayé de dessiner une ville générique. Il faut s’adapter à la géographie, mais aussi à la psychologie des habitants.» Rien de spectaculaire dans le projet de Meuron. Sauf les tours.

Aiguilles

Ah, les tours! Deux gratte-ciel suivant le tracé du Rhône et de la Saône. «Ce n’est qu’une proposition, rassure Pierre de Meuron. Il s’agit de marquer la Confluence par un élément fort. A l’image de l’aiguille d’un acupuncteur, une tour peut dynamiser tout un quartier.»

L’architecte prend comme exemple l’une des réalisations d’Herzog & de Meuron, la Tate Modern, qui a développé le sud de la Tamise à Londres. «Je pense à des tours actives au sol, comme le Rockefeller Center à New York, parfaitement ancrées dans la vie urbaine.» Une suggestion qui laisse le maire assez sceptique. «On verra bien.»

«La pointe de l’île a toujours fait fantasmer les architectes, remarque Franck Scherrer. Dans les années 1920 déjà, l’architecte Tony Garnier avait imaginé deux tours à cet endroit. D’autres souhaitaient plutôt laisser, au bout de la ville, la nature s’exprimer.»

«Notre idée n’est pas de faire table rase du bâti existant, explique Pierre de Meuron. Certains entrepôts, illustrant bien l’identité industrielle de Lyon, seront conservés.» Le nouveau quartier sera de facture assez classique, avec des immeubles des hauteurs variables, logements et bureaux, beaucoup de cours jardinées et une frontière assez perméable entre espace public et privé.

À l’extrême pointe, le Champ, avec ses petites noues (fossés peu profonds et larges qui recueillent l’eau), rappellera l’ancien marécage. Du point de vue environnemental, «le projet paraît assez raisonnable, sans céder à l’obsession de certains architectes d’orienter systématiquement les maisons vers le sud», estime Franck Scherrer. Seul bémol selon ce dernier, l’effort assez moyen pour limiter la circulation automobile.

Ville marchande

«La maquette est magnifique», se réjouit Marcel Brévi, président du Comité d’Intérêt local. Lequel attend toutefois de voir ce que les architectes en feront. «Les architectes créent des villes, les habitants les vivent!» A terme, le quartier de la Confluence (7000 habitants) devrait accueillir 17’000 habitants et 30’000 salariés.

Et quid de l’offre culturelle? «C’est vrai que contrairement à Hambourg, le projet Confluence ne contient pas d’objet culturel majeur», remarque Franck Scherrer. Sauf peut-être le futur et très controversé Musée des Confluences. «Mais n’oublions pas que Lyon est d’abord une ville marchande…»

Mathieu van Berchem, Paris, swissinfo.ch

Projets réalisés. L’agence bâloise, qui emploie 340 collaborateurs, a notamment signé le nouveau stade de Munich, le musée Tate Modern à Londres, le stade national de Pékin. Et auparavant l’entrepôt Ricola à Laufen, la Maison Bleue à Oberwil et le chai Dominus à Yountville, Californie.

Projets en cours. Parmi les projets en cours: le réaménagement du bassin portuaire de Santa Cruz de Tenerife, le nouveau bâtiment de la Philharmonie de Hambourg, la Tour Triangle à Paris et le Parrish Art Museum, dans l’Etat de New York.

Centre. La presqu’île, entre Rhône et Saône, avec ses grandes places, ses avenues commerçantes, ses multiples ponts et une forte densité urbaine, est le véritable cœur ou hypercentre de Lyon.

Perrache. La gare de Perrache, à mi-chemin entre l’hôtel de ville et le sud de la presqu’île, marque l’entrée nord de la Confluence. Cette situation explique la qualité exceptionnelle de sa desserte.

Friches. Les terrains sont largement occupés par des friches industrielles et des équipements dont les activités ont été plus récemment délocalisées (port de commerce, marché de gros, prisons). Le potentiel foncier, de l’ordre de 70 hectares, est considérable pour un centre.

Population. De 7000 habitants, le territoire devrait passer à 17’000 à la fin de la deuxième phase d’aménagement. Il alliera une densité urbaine élevée et la qualité de vie d’un quartier pourvu de 5 km de rives, des vues souvent somptueuses et d’un potentiel paysager remarquable.

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