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Leçons d’architecture suisse à Pékin

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L'exposition Arch/Scapes s'est ouverte fin septembre à Pékin. Elle présente en images, audio et vidéo quinze constructions architecturales de Suisse pour illustrer le mariage de l'urbanisme contemporain et de la nature. L'intérêt est artistique, mais aussi commercial...

Entre petits fours et vin blanc, les discours chantaient les louanges de l’architecture suisse et son interaction avec la nature, lors du vernissage de l’exposition Arch/Scapes au Today Art Museum de Pékin.

Mais en coulisses, certains émettaient quelques doutes quant au réel intérêt de la manifestation. Le public pékinois allait-il vraiment se mobiliser pour venir découvrir les talents des bâtisseurs suisses? Présentée une première fois il y a deux ans à la biennale d’architecture de Sao Paulo, puis à Bâle, l’exposition Arch/Scapes se penche sur 15 réalisations architecturales de Suisse, à travers photos, tableaux explicatifs, vidéos et interviews des architectes (synchronisées en langue anglaise et dûment sous-titrées en mandarin).

De conception un rien austère, l’exposition se veut un démenti cinglant des clichés qui font de la Suisse une campagne idyllique. On y découvre par exemple une étable pour trente vaches construite à Lignières, un vieux chalet de vacances complètement transformé à Crans Montana, la nouvelle cabane du Mont Rose, la maison-atelier de l’architecte Peter Zumthor – autant de «chefs d’œuvre absolus» de l’architecture suisse, à en croire les organisateurs chinois de l’exposition.

Aux anges

Zhang Zikang, le directeur du Today’s Art Museum, est aux anges: «Nous découvrons ici beaucoup d’exemples dont la Chine peut s’inspirer, car pendant longtemps en Chine l’urbanisme et la construction se sont faits sans beaucoup de respect ni pour l’environnement ni pour le patrimoine historique. Nous estimons que la Suisse a beaucoup à nous apprendre dans ce domaine en particulier.»

«Donneurs de leçon, j’espère bien que non!», s’exclame l’architecte Manuel Herz, spécialiste d’urbanisme à Bâle, où il collabore avec Jacques Herzog et Pierre de Meuron. «Il s’agit d’échanger des expériences et des points de vue. Et je crois qu’en matière d’urbanisme, la Suisse a beaucoup à apprendre de la Chine, qui est en train de bâtir et de développer des villes d’une façon bien plus rapide et plus radicale que nous ne l’avons jamais fait.»

Pour Simon Frommenwiler, co-fondateur du bureau HHF architects à Bâle, le développement ultra-rapide de l’environnement urbain chinois est certes impressionnant. Mais pour avoir visité des universités chinoises, il estime qu’il reste beaucoup de chemin à faire. Il évoque «un grand problème dans les programmes de formation des architectes, la transition vers le 21ème siècle n’est pas encore réalisée.» Et donc sans doute que l’exposition Arch/Scapes tout comme le colloque sino-suisse organisé le lendemain du vernissage peuvent effectivement donner quelques impulsions aux jeunes architectes chinois à la recherche d’inspiration.

Amorti en quinze ans

Tout mal formés soient-ils, les architectes chinois façonnent ces nouveaux quartiers d’affaires de Pékin, Shanghai, Shenzhen, qui forcent l’admiration. Qui en Occident développe autant d’audace créative? «L’approche est très différente», explique Peter Boelsterli, qui dirige le département architecture de l’Université de Berne. «En Asie, un bâtiment est amorti en 15 ans. On peut l’adapter à l’air du temps, lui donner un caractère moins définitif. En Suisse, nous planifions pour 100 ans.»

Pourtant, s’ils sont en Chine aujourd’hui pour y présenter l’excellence des compétences suisses, c’est parce qu’il y a beaucoup à y gagner. Blaise Godet, l’ambassadeur de Suisse en Chine, est assez clair à ce sujet: cette exposition, «c’est une manière de montrer que la Suisse dans le domaine de l’architecture est à la pointe et donc, si cela peut se traduire en mandats, en commandes dont pourraient bénéficier des architectes suisses, des dessinateurs, des entreprises, des décorateurs … eh bien ce serait excellent.»

Mais Simon Frommenwiler, qui travaille déjà en Chine, n’y croit pas trop: «Je pense que la demande pour des architectes suisses arrivera dans dix ans, lorsque la Chine cherchera la qualité plus que la vitesse. Nous sommes plus chers, plus lents, nous ne sommes pas habitués à développer des projets à court terme.»

Intérêt bien réel

Dix jours après le vernissage, on ignore si des Suisses ont décroché de nouveaux contrats. Mais un second passage au musée le prouve: l’intérêt des Chinois pour l’architecture suisse est bien réel. Les visiteurs y sont nombreux, la plupart eux-mêmes architectes. Et si l’origine des exposants leur importe relativement peu, ils reconnaissent que la Suisse fait de beaux efforts en matière d’aménagement du territoire, et estiment que la Chine a grandement besoin de s’améliorer en la matière.

Alain Arnaud, Pékin, swissinfo.ch

L’exposition se présente comme un ruban de bois qui épouse la topographie de la Suisse et affiche les photos et vidéos de diverses réalisations, dont six villas, ateliers, chalets ou cabane de montagne, deux complexes d’habitation, un théâtre, une halle d’usine, une étable et quelques ouvrages d’art: pont suspendu, plateforme d’observation.

La Confédération, qui organise Arch/Scapes, en profite pour présenter aux Pékinois les premières images (de synthèse) du Pavillon suisse à l’Expo universelle de Shanghai 2010.

Les architectes Buchner Bründler Architekten et Element GmbH ont conçu un bâtiment qui incarne la symbiose entre l’urbain et le rural.

Un télésiège fera monter les visiteurs vers la légèreté naturelle du toit boisé avant de les faire redescendre vers la pesanteur de la ville. L’EXPO 2010 se tiendra du 1er mai au 31 octobre.

Le pavillon suisse doit fêter l’achèvement du gros oeuvre en présence de la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf le 23 octobre prochain.

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