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Bâle: un nouveau musée qui n’en est pas un

Un espace signé Herzog et de Meuron. Adrian Fritschi, Zürich

Construit par Herzog et de Meuron, le Schaulager n'est pas un musée mais un lieu de recherche pour l'art contemporain.

Ses concepteurs veulent mettre les œuvres à dispostion des spécialistes au lieu de les laisser enfermées dans des caisses.

On dirait un bloc de terre: les façades sont brunes, d’une matière ondulante et indéfinissable. Le Schaulager, du nom du dernier-né des lieux que Bâle consacre aux beaux-arts, surprend le visiteur avant même qu’il y ait mis les pieds.

Comme les façades, le porche d’entrée est peu «appétissant»: c’est une sorte de maison pointue dans laquelle il faut passer, sans qu’on puisse en deviner la fonction précise, sauf celle, manifestement peu officielle, de protéger quelques vélos.

Des puits de lumière

Mais cette première impression de magma préhistorique, sombre et fermé, est balayée dès l’arrivée sur l’esplanade marquant l’entrée du Schaulager: la blancheur immaculée des murs est ponctuée de deux énormes projections vidéos colorées. La modernité la plus contemporaine est de retour.

L’intérieur semble vouloir composer avec ces deux éléments: la librairie et la cafétéria sont installées dans des espaces bas, murs et plafonds rappellent les murs d’une grotte.

Tandis que les espaces d’exposition sont lumineux, visibles d’un seul coup d’œil car distribués autour d’un puits de lumière.

Les architectes Herzog et de Meuron se sont en outre offert un joli trompe-l’œil: les trois étages supérieurs semblent démultipliés par les lampes disposées en continuité sur le plafond du bâtiment.

Fermés au public

Des étages qui restent inaccessibles au grand public. Seuls le rez-de-chaussée et le sous-sol sont ouverts, qui plus est seulement pendant l’exposition que compte organiser le Schaulager chaque année.

Le Schaulager est en revanche accessible aux étudiants et chercheurs en histoire de l’art.

C’est là la particuliarité de ce nouveau type de «maison de l’art»: le Schaulager (nom déposé, traduction littérale: «entrepôt pour montrer») est un dépôt destiné à accueillir les quelque 650 œuvres de la Fondation Emanuel-Hoffmann, créée en 1933 par Maja Hoffmann-Stehlin.

La petite-fille de la fondatrice, Maja Oeri, a créé une autre fondation spécifiquement pour la construction du Schaulager, la Fondation Laurenz.

Des liens avec l’université

Cette fondation finance en outre un poste de professeur assistant pour l’art contemporain à l’Université de Bâle. Le Schaulager se veut ainsi un lieu de recherches, avec auditoire et salles de séminaire.

«Le Schaulager répond à une question qui préoccupe tous les musées, celle de savoir ce que l’on fait des oeuvres non exposées», explique Theodora Vischer, directrice du Schaulager, dans un supplément que la Basler Zeitung a consacré à la nouvelle institution.

«Le Schaulager n’est pas un musée. Au lieu d’être entassées dans des caisses, les œuvres sont suspendues ou installées . Elles sont donc toujours visibles pour des spécialistes ou des étudiants.»

Une température constante

Autres exigences spécifiquement contemporaines: les matérieux utilisés par les artistes réclament des conditions de conservation particulières.

Que faire avec des sculptures en chocolat ou encore des bananes écrasées sous un cadre voilà des décennies? C’est par exemple ce qu’a fait Dieter Roth, premier artiste exposé au Schaulager (jusqu’au 14 septembre).

Le bâtiment affiche donc une température constante à 21 dégrés. La circulation de l’air est minutieusement réglée, de même que l’orientation de la lumière.

Taille problématique

Enfin, le Schaulager veut aussi essayer de répondre à un autre problème spécifiquement contemporain, celui de la grandeur des œuvres, qui empêche souvent leur présentation dans les lieux traditionnels.

Deux installations ont ainsi pris place au sous-sol. A elles seules, elles occupent 650 m2.

Le «Roi des Rats», de Katharina Fritsch, avait été exposé à la Biennale de Venise il y a trois ans. Quant à la sculpture en quatre parties de Robert Gober, sans titre, il a fallu mettre au point un système d’arrivée et d’évacuation d’eau.

Craintes pour les musées municipaux

A Bâle, quelques craintes ont été émises sur le fait que la Fondation Emanuel-Hoffmann puisse désormais négliger les musées municipaux, à qui elle a confié sa collection en 1941, et plus spécifiquement le Musée d’art contemporain (le premier du monde) qu’elle a co-financé et qui a ouvert en 1980.

Il n’y a aucune crainte à avoir, répond la directrice, Theodora Vischer. «Cela ne change rien pour les musées de la ville, si ce n’est qu’ils pourront choisir les œuvres qu’ils veulent exposer de façon plus agréable», a-t-elle epxliqué dans l’article mentionné.

N’empêche: à Bâle, les amateurs d’art, qui ont déjà l’embarras du choix, devront consacrer davantage de temps à la visite des musées et autres fondations. Ou bien alors effectuer un choix drastique.

swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Bâle

Architectes: Herzog & de Meuron.
Surface totale: 16 500 m2.
Auditorium: 144 places.
Inauguration: 24 mai 2003.
Première exposition: rétrospective Dieter Roth (1930-1998).

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