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Bâle accueille la 1ère Fnac germanophone

Shopping à la Fnac de Genève Rive, premier magasin du géant français ouvert sur sol suisse, en 2000. Fred Merz/Rezo

La Fnac ouvre sa première filiale en Suisse alémanique, à Bâle. Les petites librairies sont inquiètes. En Suisse romande, la guerre des prix régnant depuis plusieurs années a bouleversé le paysage du marché du livre.

Mercredi soir à Bâle, les grands patrons de la Fnac ont découpé leur troisième ruban d’inauguration en une semaine, après deux nouveaux magasins en Grèce et au Portugal. Située près de Barfüsserplatz, la première Fnac alémanique (et germanophone) s’inscrit en effet dans une stratégie de développement international tous azimuts.

Le «leader français de la distribution de produits culturels et techniques», qui appartient depuis 1994 au groupe PPR (Pinault-Printemps-Redoute), ouvre une dizaine de magasins à l’étranger chaque année, du Portugal à la Belgique, de l’Espagne au Brésil.

L’expansion en Suisse alémanique était annoncée depuis l’arrivée du géant en Suisse, en 2000. Depuis, quatre magasins ont été ouverts (deux à Genève, un à Lausanne et un à Fribourg) mais, jusqu’à cette semaine, il n’y avait toujours rien à Bâle, Zurich, Berne, St-Gall et Lucerne, les villes prévues.

«Pas à cause du prix réglementé»

Le fait que l’accord sur le prix unique qui prévalait en Suisse alémanique, empêchant les rabais et autres prix cassés, ait été supprimé il y a un an n’a-t-il pas joué un rôle? «Pas du tout, plaide Thierry Guibert, directeur général de l’international et du développement. Notre critère est immobilier: nous recherchons les meilleures adresses au centre ville.»

Du côté des libraires alémaniques, l’arrivée de la Fnac est en tout cas suivie avec inquiétude. La suppression du prix réglementé en mai 2007 a, selon les premières estimations, provoqué une hausse du prix des livres, a indiqué l’Association des petites librairies indépendantes en début de semaine.

Selon Marianne Sax, qui présidera l’Association des libraires et éditeurs alémaniques (SBVV) dès le mois de mai, «la situation est difficile, même si le marché se porte bien pour le moment, notamment grâce à un euro très fort qui détourne les gens d’acheter des livres à l’étranger».

Initiative parlementaire

Mais, ajoute Marianne Sax, «nous savons ce qui s’est passé en Suisse romande et craignons la même chose. Jusqu’ici, les concurrents bâlois ont annoncé qu’ils ne se lanceraient pas dans la guerre des prix. Il faudra voir.»

Un espoir pour les libraires, de chaque côté de la Sarine: «Nous attendons du Parlement fédéral qu’il donne suite à l’initiative parlementaire de Buman, qui demande une loi pour le maintien d’une offre diversifiée grâce à un prix réglementé», explique la présidente.

Jusqu’à 10 francs moins cher

Son homologue romande, Françoise Berclaz de la librairie La Liseuse à Sion, présidente du Comité des libraires de l’Association suisse des éditeurs, diffuseurs et libraires (ASDEL), ne dit pas autre chose: «Un prix réglementé permettrait de maintenir la diversité».

Elle explique: «Nous devons pouvoir vendre des best-sellers pour pouvoir avoir en magasin de la poésie, du théâtre ou des livres plus difficiles. Or, si les grandes chaînes les vendent jusqu’à 10 francs de moins, nous ne luttons plus à armes égales.»

En Suisse romande, tous s’accordent à dire que ce n’est pas la Fnac seule qui a modifié les comportements, mais bel et bien la guerre des prix, lancée par Payot pour récupérer les parts de marché emportées par la chaîne française.

Résumé de Françoise Berclaz: «Payot appartenant au groupe français Hachette, et donc à Lagardère, nous avons deux groupes français qui se font la guerre sur territoire suisse!»

A l’instar de Samir Sawwas, directeur de la librairie Albert le Grand à Fribourg, les libraires remarquent que les prix cassés des grands groupes ne «concernent que le haut du panier, soit 5% environ de l’offre. Le reste n’est pas moins cher que dans les petites librairies!»

Une librairie sur sept a fermé

Depuis 2000, une cinquantaine de librairies et points de vente ont fermé en Suisse romande, sur 150 environ. «C’est un grave appauvrissement culturel», regrette Françoise Berclaz.

Pour Samir Sawwas, il ne faut néanmoins pas oublier que d’autres facteurs entrent en ligne de compte: «Les jeunes achètent moins de livres et beaucoup d’étudiants se documentent sur Internet.»

20% du chiffre d’affaires avec les livres

Même s’il occupe le devant de la scène, le débat sur le prix du livre n’est vraisemblablement pas le premier souci des responsables de la Fnac, qui, en Suisse, engrange 20% de son chiffre d’affaires grâce au livre, mais 50% avec les produits électroniques.

Et si tous les pays sont rentables depuis 2007, la Fnac ne dit pas dans quel secteur. «Ce n’est pas important de savoir quelle branche est rentable ou non, c’est le concept Fnac qui est rentable», assène Denis Olivennes…

swissinfo, Ariane Gigon, Bâle

Fondée en 1954, la Fnac a lancé un concept unique d’assortiment de livres, de produits dits culturels et techniques (plus tard: électroniques). En 1994, la chaîne a été rachetée par PPR (Pinault, Printemps, Redoute), devenu actionnaire unique en 1996.

La Fnac compte aujourd’hui 131 magasins dans le monde, 77 en France et 54 à l’étranger. Elle s’est implantée en Belgique, au Brésil, en Espagne, en Italie, au Portugal, en Suisse et en Grèce.

Elle compte réaliser plus de 50% de son chiffre d’affaires à l’étranger d’ici 2011 (en 2007: 29%) .

En Suisse, Fnac a ouvert son premier magasin en 2000 (Genève Rive). Genève Balexert a suivi en 2001, puis Lausanne en 2002 et Fribourg en 2003. Bâle est la première filiale alémanique.

Le chiffre d’affaires suisse s’est monté à 189 millions de francs en 2007 (+12,2%), soit 2,5% du chiffre d’affaires global de la Fnac. La Fnac emploie quelque 500 personnes en Suisse.

Les livres et les CD/DVD représentent chacun 20% du chiffre d’affaires, les programmes informatiques et les jeux 20%, les produits techniques 50%.

La Fnac affirme que le potentiel de la Suisse est de 12 à 15 magasins.

L’accord qui prévalait en Suisse alémanique sur un prix du livre réglementé a été jugé illicite par la Commission de la concurrence et supprimé en mai 2007.

Les libraires romands et alémaniques militent pour une nouvelle loi réglementant le prix du livre.

Les prix libres, et donc cassés par les grandes chaînes, mettent en danger la diversité de l’offre dans ce domaine, argumentent-ils.

Une initiative parlementaire de Jean-Philippe Maitre, reprise par Dominique de Buman, demande une loi protégeant la diversité de l’offre. Elle est en cours de traitement au Parlement.

Les libraires suisses organisent une journée pour militer pour le prix réglementé, le 2 mai à Soleure. L’ancien ministre français Jack Lang, artisan du prix unique, sera présent.

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