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Cherche tronches intéressantes désespérément

Une des 80 personnes qui s’est présentée au casting-apéro. La 20e à être photographiée. Midi

Pour alimenter le fichier de leur agence Streetcasting.ch, deux jeunes stylistes recrutent dans la rue des tronches de caractère. Un nouveau marché qui attire de grands annonceurs.

Fin janvier, elles ont organisé un casting-apéro dans leurs locaux à Bâle. Reportage.

Coop, Smart, Sunrise, Expo.02 ou Berlitz pour sa toute nouvelle campagne de pub ont eu recours aux services de ces recruteuses de têtes.

La Bâloise Ruth Bugmann et son acolyte autrichienne Andrea Sponring battent donc le pavé pour trouver la ménagère, le papi, l’étudiante ou le garagiste parfait. Les visages lisses et calibrés que toutes les agences de mannequins proposent n’intéressent pas les fondatrices de Streetcasting.ch.

Ouverte officiellement fin mai 2003, la petite agence bâloise compte déjà plus de 300 personnes dans son fichier Internet. Qui grandit de jour en jour, un nombre croissant de gens «normaux» les contactant.

Avoir l’œil

Travaillant depuis quelques années avec des photographes et des réalisateurs de films, Ruth Bugmann pratique le casting de rue depuis belle lurette. Au début, elle archivait ses trouvailles sur polaroïd.

«C’est clair, il faut avoir l’œil. Mais je sais tout de suite si ça va marcher», raconte-elle, embrayant sur une anecdote.

Désespérant de trouver la vieille dame qu’Expo.02 voulait pour sa campagne – même après avoir visité quelques EMS, c’est finalement en allant se relaxer à la piscine qu’elle a dégotté la perle rare: une dame de plus de 80 ans.

«Elle était parfaite. Mais j’ai dû la convaincre. Ça a duré une heure. Par la suite, je l’ai accompagnée à Zurich où le shooting avait lieu avec un célèbre photographe anglais, Nile Waldo», poursuit la styliste.

Pendant que Ruth cause avec la vivacité qui la caractérise, sa partenaire supervise la séance photo de Jacqueline, une Zurichoise de 30 ans qui a effectivement ce petit quelque chose qui intrigue.

Comme l’apprenti comédien Stefan, qui se fera photographier ensuite, elle a décroché un rendez-vous avant l’apéro-casting qui débute à 16h. L’annonce étant parue dans un tabloïde suisse alémanique, il était ouvert à chacun..

Plus d’hommes

«Nous avons étonnamment plus d’hommes dans notre fichier. Ils ont moins de problèmes avec leur image», explique la brune Andrea, alors que Ruth est partie vaquer aux derniers préparatifs dans la cour attenante à leur tout petit espace de travail. Un bureau qui fait aussi office de studio photo, rempli jusqu’au plafond de boîtes de vêtements et d’accessoires.

«Chez les femmes, ça marche avec les plus jeunes, quoiqu’elles aient plutôt tendance à s’inscrire dans une agence de mannequins traditionnelle. Mais il est difficile de trouver des femmes à partir de 35 ans. Elles estiment qu’elles ne sont plus assez fraîches pour être photographiées.»

Et pourtant, parmi les 80 personnes qui se sont présentées ensuite à l’apéro figuraient bon nombre de femmes. Adolescentes, mères de familles avec enfants, étudiantes, vieilles dames, totalement décomplexées.

Comme cette truculente Argovienne, venue en famille, qui plaisantait sur sa masse corporelle, des plus remarquables en effet!

Chez les hommes aussi, tous les âges, styles et niveaux sociaux semblaient représentés. Les motivations les plus diverses les avaient amenés à faire le voyage.

«Je suis venu par curiosité, pour voir l’envers du décor», déclare un Zurichois de 60 ans, dégarni et bedonnant, par ailleurs passionné de photographie. Préparant son travail de diplôme de commerce sur le thème de la beauté, un étudiant bâlois avait un prétexte tout trouvé pour être là.

Séance photo décontractée

Dans la cour, meublée de sièges design des années 70, on fait la queue patiemment, son formulaire d’inscription à la main, en attendant de pouvoir passer à l’intérieur pour se faire tirer le portrait.

L’ambiance est bon enfant, relevée par la musique d’un DJ. Les bons mots fusent et le volume sonore augmente au gré des cocktails «Modelmaker» généreusement servis.

C’est donc décontractés que la plupart des participants vont passer devant le photographe venu spécialement pour le casting. Toujours souriantes et chaleureuses, Ruth et Andrea ont en outre le chic pour mettre les gens à l’aise. Une plaisanterie, un nuage de poudre contre les brillances et l’appareil crépite.

«C’était très amusant à faire. Je me suis sentie tout de suite à l’aise», confie Jatziri (16 ans) qui arborait des lentilles de contact colorées pour l’occasion.

De l’aveu d’Andrea, toutes les personnes photographiée ce jour-là n’apparaîtront pas forcément sur le site. «Mais on garde tous les contacts. Au besoin, on pourra toujours en rappeler certains.»

swissinfo, Anne Rubin, Bâle

Le fichier de Streetcasting.ch comprend plus de 300 modèles, enfants, adultes de tous âges et même… un chien.
Environ 70 personnes ont travaillé en 2003 grâce à l’agence.
Depuis le début de l’année, 700 mails de personnes intéressées à figurer dans le fichier lui sont parvenus.
L’agenda pour les séances photos est plein jusqu’à fin février.
L’agence facture 190 francs par adulte et 150 par enfant.
Le modèle reçoit pour sa part 400 francs pour la demi-journée, 800 pour une journée complète.

– Andrea Spronring et Ruth Bugmann travaillent ensemble en tant que stylistes depuis 2000, depuis que la première est venue d’Autriche s’installer à Bâle.

– Elles contribuent notamment au e-zine artistique «I love u».

– Sous le nom de «The Synthetics», elles se chargent du stylisme de films et de photos d’art.

– Mais aussi de campagnes de publicité, dont Expo.02, Coop, Sunrise ou Smart.

– Elles ont lancé Streetcasting.ch fin mai 2003.

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