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Bouffée d’air frais sur le Centre culturel suisse de Paris

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C'est le week-end dernier que les nouveaux directeurs des lieux, Olivier Kaeser et Jean-Paul Felley sont entrés en scène. Rencontre à l'Hôtel Poussepin, où souffle indéniablement un vent nouveau.

Entrés en fonction en octobre 2008 (après avoir été nommés en avril, à la suite du brusque décès de Michel Ritter), les deux historiens de l’art, créateurs de l’espace «Attitudes» à Genève, présentent ce week-end leur bébé à la presse, au public et aux autorités politiques helvétiques.

Parmi les nouveautés, un journal («Le Phare»), une image transformée (la lourde croix blanche et basculée a – presque – disparu), la création d’une Association des amis du CCSP, et une programmation qui, sans cacher son goût pour l’art contemporain, ne place plus les autres disciplines au rang d’accessoires.

Alors que la première exposition de cette nouvelle ère ouvrira ses portes samedi soir, nous avons rencontré le «binôme» Jean-Paul Felley et Olivier Kaeser la veille, dans leur bureau commun.

swissinfo: «Un lieu de dialogue entre les scènes artistiques suisses et françaises», dit la brochure de présentation. On est loin de la notion de «vitrine culturelle» mise en avant à une époque…

Jean-Paul Felley: Dans la création contemporaine, le dialogue est essentiel. Sans dialogue, sans discussion, sans rencontre entre les gens, on parle seul avec soi-même. Ou on se retrouve enfermé dans son pays – heureusement, on l’a vu, la Suisse est prête à ouvrir ses frontières!

On a la chance d’être dans une ville où les débats, les rencontres sont possibles, avec beaucoup d’artistes, de penseurs. Il faut en profiter pour échanger. On veut que le centre culturel suisse soit une ruche, qui permettra peut-être à certains projets d’aller ailleurs.

swissinfo: Exposition d’art contemporain, mais aussi cinéma, musique, théâtre, et le grand retour des débats, des tables rondes. Une sorte d’équilibre entre le passé récent et le passé plus ancien du centre?

Olivier Kaeser: Le CCSP, physiquement parlant, c’est un lieu qui contient des salles d’exposition et une salle de spectacle. Notre intention est donc d’optimiser cela le mieux possible. L’exercice de l’exposition nous intéresse évidemment. Mais nous lancerons par exemple en automne un festival des arts vivants, qui s’appellera «Extra Ball», comme la boule de flipper qui arrive ‘en plus’ lorsqu’on a fait de bons points! Là, on consacrera tous nos espaces à ce petit festival.

Jean-Paul Felley: Il y a aussi une question de communication. Si vous regardez attentivement ce qui a été programmé du temps de Michel Ritter, la pluridisciplinarité était présente. Mais la communication d’alors, graphiquement, donnait l’impression que l’art contemporain était au premier plan. Notre nouvelle communication, due à Jocelyne Fracheboud, met en avant chaque discipline qu’on veut défendre, sans hiérarchie.

swissinfo: Vous dites vouloir ‘labelliser’, c’est-à-dire donner une identité ‘Centre culturel suisse de Paris’, aux spectacles que vous présentez à Poussepin. Ce sera par exemple le cas avec le chanteur Polar, en mars…

Jean-Paul Felley: On aime travailler dans une forte proximité avec les artistes. Ce ne sont pas que des noms qu’on place sur une liste, mais des gens avec qui on veut collaborer, discuter. On aborde donc la question du lieu, du décor… Dans le cas de Polar, il y aura un décor signé Alexandre Joly, et c’est une proposition qui vient de chez nous. C’est le résultat de ce dialogue dont on parlait tout à l’heure, et qu’on va retrouver dans toute notre programmation.

swissinfo: Le choix de la première exposition est une sorte de signal, j’imagine. Quelles intentions souhaitiez-vous souligner en choisissant les Zurichois Lutz & Guggisberg?

Olivier Kaeser: D’abord, on aime leur travail et on les connaît. C’était important pour une première exposition de collaborer avec des gens dont on connaît le fonctionnement. On savait qu’ils seraient capables de bien réagir face va un espace assez complexe comme celui de Centre culturel suisse, de s’en saisir et de créer des œuvres spécialement pour cet espace. Et puis y a un clin d’œil dans le fait que nous sommes un duo et eux aussi. Une façon d’observer comment d’autres duos fonctionnent !

L’autre aspect, c’est qu’en tant que curateurs romands établis à Genève, on voulait commencer par des Zurichois pour rendre hommage à cette capitale culturelle qu’est Zurich.

swissinfo: On peut imaginer aussi qu’il y a une dimension politique – interne à la Suisse – dans ce choix alémanique. Démontrer que le CCSP est le Centre culturel de toute la Suisse…

Jean-Paul Felley: Oui. Mais on aime travailler comme ça. On est un pays mélangé, avec différentes cultures, c’est une chance. C’est intéressant de partager ces différences et de les porter vers un public qui a des habitudes beaucoup plus centralistes.

swissinfo: Vous avez 20 années de collaboration derrière vous. Comment cette complicité-amitié se comporte-t-elle face au gros enjeu que représente la direction du CCSP?

Jean-Paul Felley : On continue de travailler comme on a toujours travaillé. On n’est pas un duo qui a été construit pour prendre cette place. On est habitué l’un à l’autre, on se connaît très bien. On a des caractères différents, mais l’avantage de travailler en duo, c’est qu’à l’arrivée, on est davantage que un + un ! On peut être partout à la fois, et on peut filtrer les choses entre nous: le projet de l’un est testé par l’autre. S’il ne passe pas ce cap, il n’ira pas plus loin.

swissinfo: Vous faites partie maintenant des «Suisses de l’étranger». Ce changement de localisation modifie-t-il votre regard sur la Suisse?

Olivier Kaeser: Dans les bios d’artistes, on écrit toujours «vit et travaille à… ». De plus en plus, nous essayons de changer cette formulation en «basé à… ». Parce que les artistes bougent énormément. Nous, on a une espèce de double base. Paris bien sûr, et Genève encore. Et via Genève, la Suisse. Ce flux, ce mouvement est essentiel pour la vie d’un programmateur, c’est comme cela qu’on prend la température ici et là pour faire vivre une institution comme le CCSP.

swissinfo, Bernard Léchot à Paris

Exposition: Andres Lutz & Anders Guggisberg (14.02 – 19.04)

Danse: Compagnie 7273 et Sir Richard Bishop (14, 16 & 17.02)

Littérature: Charles Lewinsky (26.02), Michel Mettler et Peter Weber (31.03)

Cinéma: La Forteresse de Fernand Melgar (4 – 11.03)

Musique: Polar (16 – 21.03), Die Regierung (7 – 9.04)

Théâtre: Kaïros, sisyphes et zombies de la Compagnie L’Alakran (24 – 27.03)

Débats: «Un centre culturel, pour quoi faire ?» (13.03), L’habitation collective à Zurich (3.04)

Olivier Kaeser naît en 1963 à Genève et Jean-Paul Felley en 1966 à Martigny, dans le canton du Valais. C’est à l’université de Genève, faculté d’histoire de l’art, que prend naissance leur amitié.

En 1994, les deux hommes créent l’espace d’art contemporain «Attitudes», à Genève.

Ils se font remarquer à travers plusieurs événements extérieurs, notamment «Pulsions» en 2000 au CCSP, mais aussi au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, à Madrid, et au MAMbA de Buenos Aires.

Olivier Kaeser et Jean-Paul Felley ont reçu le Prix fédéral des médiateurs d’art de l’Office fédéral de la culture (OFC) en 1995 et 2002.

Le Centre culturel suisse de Paris est situé 32-38 rue des Francs-Bourgeois, au cœur du quartier du Marais, dans l’Hôtel Poussepin.

Avec un budget global de 2 millions de francs (environ 1,35 million d’euros), le CCSP finance chaque année trois programmes pluridisciplinaires.

Créé en 1985, il a d’abord été dirigé par Otto Ceresa (1986-1988). Walter Düggelin lui a succédé (1988-1990), puis Daniel Jeannet (1990-2002) et Michel Ritter (2002-2007).

Le Centre culturel suisse de Paris appartient à la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia, dont le siège est à Zurich et qui est présidée depuis 2006 par le politicien bernois Mario Annoni.

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