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Hermann Hesse, si lu, si décrié

Hermann Hesse à Montagnola au Tessin, où il a vécu plusieurs années. Fondazione Hermann Hesse

Un congrès international à Berne célèbre l’écrivain germano-suisse Hermann Hesse à l’occasion du 50e anniversaire de sa mort. L’Allemagne honore aussi «son» auteur, tout en lui vouant un certain mépris.

Elle est plus belle que Naples et que Vienne, s’enthousiasmait Hermann Hesse en parlant de sa ville natale, Calw. «La plus belle ville de toutes celles que je connais est Calw, sur la Nagold, une petite et vieille ville souabe de la Forêt-Noire», écrivait le Prix Nobel en littérature en 1918.

La petite ville industrielle avec ses 200 maisons inscrites au patrimoine historique, située au nord-est de la Forêt-Noire, vaut encore aujourd’hui le détour. Surtout cette année, qui voit la célébration du 50e anniversaire de la mort de Hermann Hesse (1877-1962). La ville a mis sur pied de nombreuses manifestations en l’honneur de l’auteur de «Siddharta», qui attire les touristes davantage que le patrimoine historique.

Ainsi, en 2010, Calw a enregistré près de 80’000 nuitées. La majorité des touristes sont des étrangers effectuant une halte dans la petite ville du Bade-Wurtemberg. Ils risquent d’être plus nombreux encore cette année.

Le programme estival pourrait s’appeler «Trois journées 100% Hesse». Outre une visite de la ville, les intéressés pourront notamment voir le musée Hermann Hesse, qui inaugure, pour l’occasion, une nouvelle exposition.

Nombreux lecteurs dans le monde entier

Hermann Hesse est depuis longtemps un auteur intemporel dans le monde entier. En Allemagne, quelque 30’000 exemplaires se vendent chaque mois. Ce succès et les festivités à venir ne doivent pourtant pas faire oublier que le pays entretient un rapport pour le moins contrasté avec un des auteurs germanophones les plus lus dans le monde, avec un autre Allemand, Thomas Mann, et l’Autrichien Stefan Zweig.

Selon Volker Michels, responsable de l’édition complète des œuvres d’Hermann Hesse chez Suhrkamp, les raisons de ce désamour sont nombreuses. «Les universitaires ne le respectent pas, ce qui fait que la recherche scientifique est pratiquement inexistante», explique-t-il.

Les colloques consacrés à Hermann Hesse ont donc lieu … majoritairement à l’étranger. Madrid en a organisé un en février, Szeged, en Hongrie, et Rome annoncent également des séminaires. Les archives éditoriales que Volker Michels rend accessibles aux chercheurs à Offenbach, en Allemagne, attirent des spécialistes du monde entier, mais très peu d’Allemands.

«Les lectrices et les lecteurs aiment la simplicité de la langue et du message d’Hermann Hesse, précise Volker Michels. Les universitaires en revanche considèrent ces caractéristiques comme dépassées». Les critiques littéraires ne sont pas en reste et l’évoquent souvent avec mépris.

Contesté et indésirable

Autre raison du manque de reconnaissance nationale pour Hermann Hesse, qui fut citoyen allemand de 1893 à 1923: «Ses compatriotes n’ont pas aimé qu’il écrive contre l’Allemagne, pendant la première guerre mondiale, depuis la Suisse, notamment dans un article de la Neue Zürcher Zeitung où il appelait les intellectuels allemands à ne pas se perdre dans une polémique nationaliste», note Volker Michels. De son vivant même, Hermann Hesse fut ignoré, voire même l’objet de moqueries.

Selon l’éditeur, une grande partie du public, de la presse et des politiciens ne lui ont pas pardonné l’article de la NZZ. Après la première guerre, il avait aussi dénoncé l’esprit anti-démocratique de la République de Weimar puis le national-socialisme.

Même si ses livres n’ont pas subi l’autodafé, ils furent déclarés «indésirables» par les nazis à partir de 1936. De nombreux titres ont été interdits de republication, ou seulement en très faibles tirages. A partir de 1940, Suhrkamp reçut l’ordre de ne plus verser d’honoraires à l’écrivain.

Hermann Hesse est pourtant toujours resté fidèle à son éditeur. Selon Volker Michels, il voulait ainsi appuyer les personnes qui, au sein de Suhrkamp, s’opposaient à la politique culturelle des nazis. «Il y a peu d’auteurs qui ont résisté aux turbulences de la politique allemande d’une manière aussi intègre que lui et surtout résisté aux tentations des recettes miracles de l’idéologie nazie», résume l’éditeur.

La grande reconnaissance est à encore à venir

«Quand Le loup des steppes» a paru, en 1927, pas un seul journal allemand n’en a publié des passages», rappelle Volker Michels. Le ressentiment national contre l’écrivain naturalisé suisse ne se dissipa que peu à peu, après sa désignation comme Prix Nobel de littérature en 1946.

«Il faudra peut-être encore une génération pour que Hermann Hesse soit véritablement reconnu pour ses qualités littéraires en Allemagne, ce qu’il mérite amplement», conclut l’éditeur. Dès 2032, ses œuvres tomberont dans le domaine public et n’importe qui pourra les imprimer. Un test grandeur nature pour la future popularité de l’auteur…

Né le 2 juillet 1877 à Calw, en Allemagne, Hermann Hesse a grandi avec deux parents missionnaires protestants.

Après cinq années à Bâle, la famille retourne à Calw. Hermann Hesse étudie au séminaire évangélique de Maulbronn (D).

Il passe une adolescence agitée par des troubles psychologiques accompagnés de pensées suicidaires, avant de suivre un apprentissage de libraire, à Tübingen, puis de décrocher un poste dans une librairie de Bâle.

Le roman «Peter Camenzind» (1903) est un succès. Il épouse Maria Bernoulli et s’installe à Gaienhofen, au bord du Lac de Constance.

Entre 1912  et 1919, la famille Hesse vit à Berne. Le couple se sépare et, en 1919, Hermann Hesse déménage au Tessin. C’est à Montagnola qu’il se remarie deux fois et qu’il commence à peindre.

Il obtient la nationalité suisse en 1924. En 1927 paraît son ouvrage le plus connu, «Le loup des steppes».

Hermann Hesse meurt le 9 août 1962 à Montagnola, laissant une œuvre aujourd’hui traduite en quelque 60 langues.

Un congrès international consacré à Hermann Hesse se tient à Berne du 27 au 30 mars.

En collaboration avec le Museum Hermann Hesse de Montagnola, le Kunstmuseum de Berne présente jusqu’au 12 août la première rétrospective de l’œuvre peinte de l’auteur germano-suisse.

Les 13e Journées Hesse de Sils (GR) organiseront une édition spéciale sur le thème «Musique, l’âme de tous les arts». 

La ville natale de l’écrivain, Calw, en Allemagne, célébrera son auteur sous le slogan «50e anniversaire du décès, 50 manifestations». 

A la Galerie Ludorff de Düsseldorf, les aquarelles et poèmes de l’artiste sont exposés jusqu’au 5 mai («Le début de l’art est l’amour»)

Leipzig organisera une journée Hermann Hesse le 18 novembre.

(Adaptation de l’allemand: Ariane Gigon)

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